Les champs du possible : un cadre légal corsetant l'action locale

L'instauration d'un nouveau découpage administratif par la loi de 1790, créant communes et département, encadre les possibilités d'action de chacun. Le Préfet est chargé de l'application de la loi sur le territoire, le maire – rapidement agent municipal nommé pour un an pendant la période révolutionnaire – exécute les directives locales imposées par la Préfecture. Les compétences mayorales sont donc restreintes.

La loi municipale de 1831, loi avant tout électorale, élargi la légitimité du conseil municipal en élargissant sa base électorale. Mais il faut attendre 1837 pour que la Monarchie de Juillet propose une réelle codification des compétences, d'abord du conseil, qui vote le budget communal dans un cadre strictement encadré par les préfectures, et ensuite du Maire, qui devient l'exécuteur des décisions du conseil. La distance entre la loi électorale et la codification des compétences montre l'état de dépendance dans lequel l'échelon le plus local de la vie politique est maintenu. D'autre part, la soumission du maire aux décisions de son conseil municipal, augmenté des plus imposés pour toutes les décisions concernant les ressources, est accentué par sa nomination arbitraire, et ce d'autant plus lorsqu'il est choisi en dehors de ce même conseil. Les conflits de compétence ne sont pas rares, et ils sont réglés par la Préfecture, qui empêche toute tentative d'autonomie des pouvoirs locaux.

Cette situation de dépendance est accentuée encore lorsque l'on se trouve dans de petites villes, ce qui est le cas sur le terrain étudié. Les traditions locales du patriciat de certaines grandes villes du Nord (échevins) ou du Sud (Capitouls de Toulouse) donnent à leurs conseils de bourgeois une autonomie que n'ont pas les maires des petites communes, dont le pouvoir est totalement né de la Révolution.

Le second XIXe transforme de manière substantielle ce cadre législatif. Le Second Empire restaure le suffrage universel mais en encadre aussitôt les pratiques ; l'échelon local ne fait pas exception à cette prise en mains du pouvoir central, que l'on peut aussi bien lire dans le retour à la nomination des maires que dans la loi municipale de 1855. Les prérogatives du maire y apparaissent étroitement limitées par l'Etat impérial à travers le rôle accru des Préfets. La fonction mayorale continue d'apparaître plus comme une charge que comme un honneur 1130 : strictement encadrés par les services préfectoraux, les conseils municipaux apparaissent de plus en plus comme des agents à la solde du pouvoir impérial, ce qui ne manque pas d'être critiqué par les opposants au régime.

C'est ce cadre législatif qui encadre l'action des maires de la Seine banlieue jusqu'à la fin des années 1860.

Notes
1130.

Agulhon, M. (dir.), Les maires en France du Consulat à nos jours, Pub. de la Sorbonne, 1986, p. 9, à propos de la Monarchie de Juillet, mais avec la citation d'un exemple tiré du témoignage de maire de Colombes sous le Second Empire, Pierre Aymar Bression, Coup d'œil sur l'administration municipale de Colombes, 1863-1869, brochure imprimée 1870.