Si la banlieue parisienne est démunie d'hôpitaux, elle l'est encore plus d'écoles proposant une formation initiale après le certificat de fin d'études. Dans le premier cas, certains hospices privés peuvent jouer un rôle non négligeable dans l'accueil des vieillards : c'est le cas de l'hospice Marguerite Renaudin à Sceaux ou celui de l'hospice Verdier à Montrouge. A contrario, très peu de solutions, en dehors de l'admission aux écoles professionnelles ou supérieures à Paris, s'offrent aux enfants ayant achevé leurs classes primaires dans l'école communale.
Les lois de 1881 n'ont pas généralisé l'accès à l'instruction primaire, elles ont pérennisé une situation préexistante, ont permis la laïcisation de cet enseignement et le transfert des écoles privées au écoles publiques. En effet, comme l'ont montré Antoine Prost 1206 et François Furet 1207 , c'est la loi Guizot de 1833 qui est le point de départ de la généralisation en France de l'instruction primaire aux garçons, renforcé par les lois scolaires du Second Empire 1208 . L'évolution permise par les lois de laïcisation et d'obligation de l'enseignement concerne ainsi davantage la question du changement du personnel enseignant et l'amélioration de l'accès à l'école primaire pour les filles.
La situation scolaire en banlieue parisienne n'est pas très connue. Pourtant, l'augmentation rapide de la population de la banlieue oblige les communes à entretenir une école publique de garçons et une école publique de filles, dont le nombre de classes et les effectifs augmente régulièrement 1209 . Le coût de cet entretien occupe une part importante du budget de fonctionnement des communes, et cette part est en constante augmentation (voir graphique 40 ).
Par ailleurs, l'offre d'enseignement primaire en banlieue parisienne est marqué par un double mouvement : dans les petites commune, la laïcisation de l'unique établissement scolaire existant, auparavant géré par un personnel ecclésiastique 1210 , et dans les communes plus importantes, la généralisation de l'accès à l'école publique, sans pour autant remettre en cause l'existence d'un enseignement primaire privé 1211 .
Par contre, dès lors que les enfants atteignent le certificat de fin d'études primaires 1212 , la question de la poursuite des études est cruciale. L'admission aux différentes écoles professionnelles de Paris est en effet subordonnée à l'engagement de la commune à payer, par enfant ayant réussi le concours d'entrée, les frais d'écolage ou frais d'externat. Dans la plupart des cas, cette décision est prise avec d'autant moins de difficulté par le conseil que les parents s'engagent à rembourser la commune ; dans le cas, assez rares, de familles ne pouvant assumer financièrement le paiement des frais, ceux-ci restent à la charge de la commune. Cette dernière demande alors systématiquement au département un secours qui lui est alloué sous forme de subvention pour frais d'écoles professionnelles.
Les enfants de la proche banlieue parisienne sont ainsi obligés à un départ vers Paris, dont les écoles professionnelles (Ecole Lavoisier, Le Play, Boulle) attirent chaque année un nombre très faible d'enfants de la banlieue, à peine 2 à 5 élèves par commune.
Cette faiblesse est à corrélée avec celle de l'offre : d'une part, les concours d'entrée dans les écoles professionnelles restent très sélectifs, d'autre part, le nombre des écoles professionnelles est encore très limité, essentiellement dans l'artisanat et les métiers d'art. Toutes les autres formations se font "sur le tas", en apprentissage parfois. Les écoles professionnelles du tertiaire, gérées par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris, ne semble guère recruter sur le territoire étudié 1214 .
L'offre d'enseignement complémentaire, au-delà de l'enseignement primaire obligatoire, est lui aussi restreint en banlieue, obligeant les quelques familles dont les enfants peuvent suivre une scolarité après 13 ans à d'importants frais de transports ou d'internat. Si dans l'enseignement public, les cours complémentaires et les écoles primaires supérieures n'apparaissent dans les archives que dans les années 1910 1215 , il existe en 1904 à Montrouge deux cours complémentaires privés de garçons, qui accueillent 57 élèves de plus de 13 ans pour l'année scolaire 1904-1905. Ces élèves suivant un cursus scolaire au-delà de l'école primaire ne représentent que 9,18 % des élèves scolarisés dans le privé à Montrouge. Le rapport est impossible à établir sur le nombre d'élèves scolarisés dans l'enseignement public, qui n'est pas publié 1216 .
Dans le cas de la formation, ce n'est pas la situation de dépendance qui est dénoncée, mais les lacunes de l'offre sur le territoire banlieusard. Ainsi le conseil municipal de Bagneux émet en avril 1910 un vœu en faveur de
‘"l'attribution, au département de la Seine ou à un syndicat de communes, de la propriété de l'ancien séminaire de Fontenay-aux-Roses en vue de la création d'une école primaire supérieure et professionnelle de garçons ou d'un hospice intercommunal de vieillards 1217 ".’Une conférence intercommunale est alors convoquée avec l'ensemble des communes avoisinantes, et la municipalité de Bagneux y envoie trois délégués : le maire, Théodore Tissier, l'adjoint Laurent Gibon et Camille Maugarny, conseiller municipal et militant socialiste. Malgré ces projets et une position commune des municipalités de banlieue, malgré le soutien des Conseillers Généraux du canton, on ne trouve pas de suite à cette proposition dans les délibérations municipales. L'école primaire supérieure sera créé finalement après guerre.
La faiblesse des infrastructures de formation initiale sera un enjeu essentiel pour les années 1920. Le manque de structures est certes lié à la dépendance vis-à-vis de la capitale, déjà pourvue, même chichement, de ce type d'écoles. Plus encore, cette absence de structures est liée à un manque crucial de l'enseignement technique en France, aux échec des écoles primaires supérieures censées concurrencer les premières classes de lycées mais restant une école de moindre qualité. Finalement, en dehors des écoles normales d'instituteurs, dont le fonctionnement est efficace, la situation du département de la Seine banlieue révèle les carences d'une politique nationale plus qu'un cas particulier réservé à la banlieue de Paris. Tout au plus ces carences sont elles accentuées par la situation périphérique des communes de banlieue.
Prost, A. L'enseignement en France, Colin, 1968.
F. Furet, dir., Lire et écrire. L'alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, ed. deMinuit, 1977.
Geslot, J.-C. Une histoire du XIXe siècle : la bibliographie de Victor Duruy, Thèse, (Mollier), Versailles-Saint-Quentin, 2003.
Il est impossible de retrouver des statistiques permettant des comparaisons sur le moyen terme de la population d'âge scolaire. Tout au plus peut on se baser sur la structure par âge de la population (recensement de 1891 ?) analysée par Jean-Claude Farcy. De manière empirique, les délibérations des conseils municipaux, indiquant régulièrement la création de nouvelles classes et la surcharge des effectifs, sont un bon témoin de l'augmentation de la population.
C'est le cas à Bagneux.
C'est le cas à Montrouge et à Vanves.
Prost, A., l'enseignement en France, op. cit.
D'après : AD Hauts de Seine, série DO5 ; AM Vanves, série L.
Cf., pour les jeunes filles uniquement, Aubrun J., "les jeunes filles au travail : stratégies d'emploi et/ou de formation en banlieue parisienne dans les années 1910" à la journée d'étude les jeunes filles et la ville, Université Lille-3, 22 octobre 2004, à paraître.
Les registres des délibérations du conseil municipal signalent un cours complémentaire à Montrouge à partir de 1911, où sont envoyés une partie des élèves de Malakoff, moyennant le paiement de frais d'écolage. Enfin, un projet de création d'un cours complémentaire est évoqué à Sceaux à la même époque. AM Malakoff, délibérations, 1911.
Etat des communes à la fin du XIX e siècle, Montrouge. Impr. d'Alembert, 1905, paragraphe "enseignement". Les statistiques ne concernent que l'enseignement privé.
AM Bagneux, délibérations, 1909-1914, séance du 15 avril 1910.