B. une marginalisation économique accentuée.

La position périphérique de la banlieue par rapport à la ville centre est ressentie avec rancœur par les élus lorsqu'il s'agit d'économie. Les relations économiques sont profondément inégalitaires entre une capitale qui accueille la quasi-totalité des sièges sociaux des sociétés ou des services centraux de décisions et les communes limitrophes qui, dans le meilleur des cas, se contentent des activités les plus encombrantes en terme d'espace et aux métiers les moins qualifiés. Cette distinction entre un centre et une périphérie économiquement dominée n'est pas propre à l'espace parisien : on retrouve les mêmes caractères lorsque l'on observe d'autres régions françaises dominées par le poids d'une ville centre, que ce soit Lyon, Marseille ou Lille. Mais la position de capitale de Paris accroît le déséquilibre entre les deux types d'espaces.

Cette distinction entre centre et périphérie n'est pas uniquement une distinction fonctionnelle, qui opposerait d'un côté les activités de décisions ou tertiaires concentrées dans la ville centre et les activités industrielles délocalisées dans les communes limitrophes. Cette séparation fonctionnelle et zonale ne fonctionne n'existe que partiellement en région parisienne, à l'inverse de ce que connaissent d'autres villes en Europe (Londres) ou surtout aux Etats-Unis à la même époque (Chicago ou Detroit 1218 ). L'agglomération parisienne est marquée par l'hétérogénéité des espaces économiques et la mixité très forte de l'activité, que ce soit dans Paris ou à l'extérieur des fortifications. Ce peu d'homogénéité n'empêche pas les spécialisations : ainsi, la plaine du Nord de Paris se dote d'infrastructures ferroviaires et d'une importante industrie métallurgique 1219 . De la même manière, les communes proches de la boucle de la Seine au sud-ouest de Paris, Boulogne, Suresnes ou Puteaux acquièrent au tournant du siècle une spécialisation dans le domaine de la construction automobile et aéronautique.

A côté de ces espaces assez délimités, la banlieue parisienne tout comme le centre de Paris foisonnent de multiples activités économiques. Pourtant, malgré la permanence de la présence d'activités industrielles dans Paris intra-muros, un réel déséquilibre entre emploi et résidence apparaît progressivement, qui nourrit le ressentiment des élites locales de banlieue contre Paris 1220 .

Cette situation de dépendance ressentie correspond-t-elle à une réalité dans la banlieue sud-ouest ? Les communes de Montrouge, Malakoff ou Vanves ne sont pas totalement équivalentes en terme socio-économiques, mais peuvent être assimilables ; Bagneux au contraire continue d'appartenir aux marges rurales de l'espace parisien, malgré sa proximité géographique avec la capitale 1221 . La domination économique exercée par la ville centre à l'égard des communes de banlieue apparaît comme une autre facette des rapports entre centre et périphérie.

Notes
1218.

Zunz O., L'Amérique en col blanc : l'invention du tertiaire (1870-1920), Paris, Belin, 1991, 395 p.

1219.

Brunet, J.-P., Une banlieue ouvrière : Saint-Denis, op. cit.

1220.

J. Gaillard, Paris, la ville, op. cit.

1221.

Voir le chapitre 1.