1. La genèse de la Conférence intercommunale pour le gaz en banlieue

a. état des lieux au tournant du siècle

Les négociations du renouvellement du traité liant la Compagnie du Gaz à la Ville de Paris commencent très tôt : dès les dernières années du siècle, le conseil municipal de Paris réfléchi, sur le modèle d'autres agglomérations européennes, aux modalités de distribution du gaz et tout particulièrement à une gestion en régie, permettant un abaissement sensible de son prix 1345 . Dans ce contexte, un regroupement des communes de banlieue s'organise progressivement, à l'initiative conjointe de deux Conseillers généraux représentant la banlieue, Victor Carmignac et Joseph Dupont, et du maire de Bagneux, Théodore Tissier 1346 .

Le monopole parisien détenu par la Compagnie parisienne du gaz depuis 1855 s'étend de fait largement hors les murs : en 1880, cette Compagnie éclaire 53 communes de banlieue, 60 au début du XXe siècle. Tous les traités liant la Compagnie et les communes doivent être renégociés avant le 31 décembre 1905 : il y a donc urgence de créer, dans la région parisienne, une nouvelle forme de relation entre sociétés gazières et communes.

Le monopole gazier est ainsi dénoncé par les municipalités à partir des années 1890, tant pour l'incurie de la Compagnie que pour l'absence de concurrence qu'engendre cette situation de quasi-monopole, en particulier sur les tarifs. Toutefois, l'action intercommunale s'oppose aussi à un autre pouvoir. Pour les élus, il ne fait donc aucun doute que la faiblesse de l'équipement public en banlieue est aussi la conséquence des manœuvres politiques de l'administration de la Ville de Paris et de ses élus pour maintenir les communes de Seine-banlieue dans une situation de domination. En 1900, la Ville est accusée de faire "800 000 F de bénéfice sur le dos des communes de banlieue 1347 ", du fait de la redevance perçue par Paris sur les consommations extra-muros. La différence de tarif entre Paris et la banlieue est, selon les élus banlieusards, la répercussion de cette redevance parisienne. Vendu aux particuliers 40 centimes le m3 en banlieue contre 20 centimes à Paris, le gaz est un luxe que ne peuvent s'offrir bon nombre de ménages. C'est ainsi qu'à population égale, les banlieusards ne consomment que 45 % du gaz brûlé à Paris. Face à ces dysfonctionnements et à ce qu'ils considèrent comme des injustices, les élus de Seine-banlieue s'organisent.

Notes
1345.

Les premières tentatives d'abaissement du prix du gaz et de renforcement du cahier des charges ont été engagées dès 1879, sans succès.

1346.

Cet individu, dont nous avons vu la carrière dans le chapitre 2, est aussi conseiller d'Etat et spécialiste des questions de Travaux Publics (il sera Vice-président de la Section Travaux Publics du Conseil d'Etat). Sa position de juriste n'est certainement pas anodine dans la création du syndicat. Victor Carmignac est conseiller municipal de Montrouge avant de devenir Conseiller général du canton de Sceaux pour la première fois en 1896, sous l'étiquette radicale socialiste [E. Gay, nos édiles 1901]. Joseph Dupont, ancien maire de Vanves, architecte, a été élu comme conseiller général au scrutin de 1900.

1347.

Archives du Sigeif, registre 1, bureau du 31 janv. 1902.