Les termes même du discours politique sur l'accueil des population nouvelles ont permis de mettre en lumière la vulgarisation, à l'échelle locale, de thématiques sur les catégories de population que l'on peut largement retrouver dans le champ savant. Le discours hygiéniste, largement à l'origine des premiers constats sur la "crise urbaine", se retrouve aussi au détour de ces éléments discursifs. On connaît les descriptions des taudis urbains que la littérature savante a proposées dès les premières années du XIXe siècle, vulgarisées par Eugène Sue ou Zola. Roger-Henri Guerrand en a proposé l'analyse, montrant que ces élites diffusent une vision moralisante de la société 1496 . L'espace urbain, la promiscuité qu'il engendre, les taudis dans lesquels s'entassent des populations miséreuses, les odeurs nauséabondes et les baraques insalubres et putrides font partie de ce discours, qui suppose que la ville est par nature pathogène. Epidémies et contagion en sont les maîtres mots, et ce que les édiles doivent éviter par une gestion saine des lieux et des agents rendant possibles cette diffusion des miasmes. Les maladies ne sont pas seules visées : la diffusion des odeurs montre une sensibilité à l'odorat dont Alain Corbin a montré l'évolution 1497 .
Le discours hygiéniste est né du diagnostic de la crise urbaine. Ce sont les grandes épidémies, les taux de mortalité élevés, et tout particulièrement la mortalité infantile, qui ont été les premiers indicateurs de cette crise urbaine. Maladies et épidémies se propagent aisément dans des espaces non assainis ; tout naturellement, les égouts deviennent la focalisation du discours hygiéniste. (a) Mais si les égouts, soit par leur absence, soit par leur vétusté, peuvent être la cause de la diffusion des épidémies, l'usine devient rapidement le second facteur de risque morbide, empuantissant le bon air de la banlieue, déversant sur des espaces champêtres une pollution nauséabonde 1498 . (b). Ces deux discours ne s'opposent pas, même si l'un peu relever de la modernité, alors que le second est plus ambivalent ; très souvent, ils se juxtaposent dans les débats des conseils municipaux.
Guerrand, R.-H. Propriétaires et locataires, les origines du logement social en France (1850-1914), Quintette 1987. p. 29 et suiv., sur les rapports du Conseil de Salubrité de la Seine entre 1802 et 1840.
Corbin A., Le miasme et la jonquille. L'odorat et l'imaginaire social XVIIIe-XIXe siècles, Aubier, 1982.
Peu de chose ont été écrites sur les prémisses de la conscience environnementale à la fin du XIXe siècle. Je renvoie donc aux travaux de G. Massard-Guilbaud., (dir.) Le démon moderne : la pollution dans les sociétés urbaines et industrielles d'Europe. PU Blaise Pascal, 2002.