II- Une nouvelle géographie de l'espace banlieusard

Les fêtes de banlieue montrent toute l'ambivalence de ce territoire hors les murs. Espace champêtre et récréatif pour les uns, lieu de commémoration et de représentation de soi pour les autres, mais aussi "petite patrie" à laquelle l'attachement semble sinon important, du moins expressif. Fêter leur commune ne nous dit pourtant rien sur l'imaginaire territorial des édiles. L'appréhension de l'espace dans lequel ils vivent, côtoient leurs administrés, gèrent la ville est pourtant primordiale, car elle permet de comprendre en partie certains choix de gestion urbaine. De quel espace parlent les édiles lorsqu'ils parlent de leurs communes ? Comment voient-ils leur ville, non seulement pour elle-même, mais aussi dans son rapport aux autres localités, et bien sûr à la plus grande d'entre elles, Paris ? Au-delà de la description des actes de gestion quotidienne de la ville, il s'agit de s'interroger sur la notion même de "ville" attribuée par les édiles à leur commune. Maires de banlieue, ils revendiquent progressivement cette appellation, comme en témoigne la création du syndicat intercommunal : c'est donc qu'ils considèrent appartenir à un espace particulier de l'agglomération parisienne. Or, ce terme de banlieue, si commode à utiliser par ce qu'il définit de juridique et par ce qu'il contient de distinction qualificative, est-il une réalité qualificative avant 1914 ? Ce terme n'est-il pas au contraire une simple définition quasi topographique de l'espace, non accompagné de ces adjectifs déqualifiant qu'il est d'usage de lui accoler aujourd'hui ? Finalement, la question centrale est bien d'essayer de saisir la perception de l'espace banlieusard par les édiles eux-mêmes, au travers de leurs actions et de leurs discours, afin de qualifier un peu mieux leur territoire quotidien. Plusieurs échelles cohabitent dans la carte mentale que nous avons tous de l'espace dans lequel nous habitons ou nous travaillons. Il serait illusoire de cartographier exactement la carte mentale des édiles banlieusards, mais peut être peut on tenter d'en saisir la géographie transformée au fil du temps.

Ainsi, cet espace banlieusard est avant toute chose perçu comme une espace frontalier ; frontière non seulement physiquement lisible sur le territoire, mais aussi accentuée par le cloisonnement. Cet espace frontalier est aussi un espace aux échelles emboîtées : les logiques urbaines qui fonctionnent à l'échelle de l'agglomération sont elles celles en usage à l'échelle du quartier ? Cette succession d'échelles explique peut être la vision morcelée de la ville qui transparaît dans la perception mentale de l'urbain par les édiles.