Conclusion du chapitre 6

Il est ardu de proposer, au terme de cette étude, une image-type des représentations mentales des édiles sur le territoire qu'ils administrent. Plusieurs éléments concourent toutefois à nuancer l'idée, postulée au départ, de l'existence d'une identité banlieusarde, fondée sur une discours commun partagé par les élites urbaines, et tout particulièrement par les maires. En effet, tant dans la mise en scène quotidienne de leur propre représentation en tant qu'élite que dans celle, plus ponctuelle, d'une unité sociale et politique derrière le drapeau communal, lors des fêtes par exemple, il est possible de lire les vestiges de solidarités villageoise autant que d'une politisation instrumentalisée de la représentation de soi. Les fêtes locales disent cette permanence, et les banquets républicains ne sont pas une spécificité de la banlieue. Ainsi, ce qui paraît pertinent, c'est de voir au cœur d"un espace en périphérie être mis en avant les mêmes logiques de légitimité que dans d'autres lieux, moins marqués par cette situation de marge urbaine.

Dès lors, quels sont les éléments qui contribuent à l'éventuelle naissance d'une identité culturelle de la banlieue, identité dont la création du syndicat intercommunal du gaz pourrait être l'expression politique ? Par delà les clivages partisans en effet, des édiles urbains de banlieue décident de se regrouper pour défendre "la" banlieue. C'est donc peut être dans ce sentiment de rejet et de délaissement qu'il est possible de lire, comme en creux, cette identité de la banlieue. Or, ce type de regroupement se fait sur la défensive, et non en proposant la constitution d'une image cohérente et construite de la banlieue, d'une réelle image positive : dès lors, il est peut être compréhensible de saisir pourquoi cet unanimisme restera de façade et éclatera dans l'entre-deux-guerres, rattrapé par des clivages partisans plus irréconciliables encore d'avant 1914.