1. Du Commissariat général au plan à la DATAR

Dans les années 1960, le Commissariat général au plan est un acteur central de la gestion des politiques d’implantation universitaire. Pendant la préparation du IIIème plan, la commission du plan d’équipement scolaire, universitaire, scientifique et artistique est composée de nombreux représentants. Les ministères de l’Education nationale, de l’Intérieur, des Finances et des Affaires économiques, du Budget de la Reconstruction et de l’Urbanisme, des Travaux Publics, des Transports et du Tourisme y sont représentés 235 . La commission est organisée à l’origine en quatre groupes chargés de l’inventaire des besoins, des procédures administratives et financières, du financement et des techniques et coût de construction. Le groupe de l’inventaire des besoins est marqué par l’importante représentation du ministère des Finances  et du secrétariat d’Etat aux affaires économiques 236 . La commission s’ouvre ensuite aux élus, aux syndiqués et aux associatifs à partir de la préparation du IVème plan. Elle regroupe alors de nombreux acteurs qui ne sont pas issus de l’Education nationale. Dirigée par un conseiller d’Etat honoraire, ancien sous secrétaire d’Etat à l’Enseignement technique et à l’Education physique qui est son président, la commission compte un rapporteur général et un secrétaire. Les acteurs de nombreux services centraux de l’Etat y sont représentés : deux représentants du Commissariat général au plan, un représentant de la DATAR, deux représentants du ministère des Finances, un représentant du Haut Commissariat à la Jeunesse et aux Sports, un Inspecteur général de l’administration, deux représentants du Centre National des Œuvres Universitaires et Scolaires, un représentant de la direction des collectivités territoriales du ministère de l’Intérieur, un représentant du ministère d’Etat chargé de la Réforme administrative, deux représentants de la Délégation générale à la promotion sociale participent aux réunions. Côté Education nationale la commission comprend 13 membres issus de la « centrale » (dont trois membres de la direction de l’enseignement supérieur, un membre de la direction des bibliothèques et le sous-directeur de l’équipement scolaire, universitaire et sportif).

Des élus participent également à ces travaux : la commission compte les maires de Rennes et de Saint-Dizier parmi ses membres. Les syndicats sont également représentés (un représentant de la Confédération Fédérale des Travailleurs Chrétiens, un représentant de la Confédération Générale du Travail, un représentant de la Confédération Nationale du Patronat Français, deux représentants de l’UNEF et un représentant de la Fédération de l’Education Nationale). Un représentant de l’Union Nationale des Associations Familiales participe également aux travaux du groupe. Un architecte complète la composition de la commission 237 .

Si au départ, la commission s’appuie sur les seuls rectorats d’académie, elle développe ensuite ses relais auprès des services déconcentrés pour associer les préfets et les inspecteurs d’académie au recueil de l’information nécessaire à ses travaux 238 . Pendant les années 1960, le Commissariat général au plan est un acteur du réseau qui gère les politiques d’implantation universitaire. La DATAR est par contre remarquablement absente du réseau. Nous ne retrouvons la présence d’un de ses membres que dans une réunion menée dans l’urgence de mai 1968 sous la présidence du préfet 239 . Alors même que la littérature consacrée à l’aménagement du territoire les gratifie souvent d’un rôle extrêmement important dans cette période 240 , les membres de la DATAR sont très absents de la conduite du projet de Lacroix Laval. Dans la période contemporaine, à l’inverse, ce sont les membres de la DATAR qui prennent le pas sur ceux du Commissariat général au plan.

La loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification donne pourtant une place importante au Commissariat général au plan. Le Commissaire au plan est en effet, avec le Délégué à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, rapporteur de la commission nationale de planification 241 qui est l’une des chevilles ouvrières de la préparation du plan de la Nation. C’est notamment cette commission qui remet au gouvernement un document d’orientation basé sur les réflexions régionales et qui permet la définition de la loi de plan 242 . Le Commissaire au plan est également chargé de l’articulation entre les réflexions prospectives conduites au niveau national et celles conduites au niveau régional 243 . Cependant, l’abandon de la planification nationale en 1993 rend inutile cette position centrale dans la construction du plan national 244 . Au début des années 1990, c’est une certaine conception de la planification à la française qui semble se déliter. A aucun moment, ni dans les entretiens que nous avons menés, ni dans les archives que nous avons dépouillées, le Commissariat général au plan n’est mentionné. Au niveau central, le Commissaire au plan conserve un rôle très modeste d’ingénierie procédurale. Ses membres élaborent par exemple conjointement avec la DATAR et la Direction Interministérielle à la Ville une circulaire sur l’évaluation des contrats de plan 245 . La DATAR est l’interlocuteur interministériel qui prend la place du Commissariat général au plan. Si nous avons pu identifier un acteur déconcentré en lien avec la délégation pendant la négociation d’U2000 246 , les acteurs des services centraux mettent l’accent sur le faible rôle que joue la délégation au début des années 1990 :

‘« Ce que le ministre [Claude Allègre] avait en plus du mal à accepter, c’est qu’il était pris dans un jeu qui était interministériel [pour U3M]. Avec la DATAR. Alors que pour U2000, on s’était rajouté au contrat de plan. Mais, on était tout seul en négociation. » 247

Dans le suivi financier de l’exécution des contrats de plan 1994-1999, les membres de la DATAR sont en lien avec le bureau en charge des constructions universitaires du ministère de l’Education nationale 248 . Au sein de la délégation, une seule personne est en charge des relations avec le ministère de l’Education nationale (cette correspondante est dite « sectorielle » pour employer les dénominations qui ont cours à la délégation). D’autres membres de la délégation peuvent cependant intervenir : la cellule prospective peut inclure l’enseignement supérieur dans ses travaux, elle n’intervient cependant pas dans le suivi et la négociation des programmes. La délégation compte également des correspondants plus spécifiquement en charge d’une région (les « territoriaux »). Les relations entre « territoriaux » et « sectoriels » s’effectuent au gré des projets sans qu’elles soient très structurées 249 . Dans le cas étudié, ce sont essentiellement les correspondants sectoriels de la DATAR qui entretiennent des contacts avec les autres membres du réseau d’action publique. Les contacts entretenus par les correspondants « Education nationale » de la DATAR sont limités. Pendant la négociation des enveloppes financières ils sont essentiellement en contact avec le directeur de la programmation et du développement 250 . Dans le suivi financier, la correspondante sectorielle entretient des contacts avec les membres du bureau en charge des constructions universitaires au sein du ministère de l’Education nationale 251 et les services des SGAR au niveau régional 252 . Si la correspondante « Education nationale » entretient d’autres contacts, ils se structurent au gré des opportunités et des projets soutenus. Dans le cas étudié cependant, les contacts de la correspondante se limite à ceux énoncés plus haut.

Notes
235.

Archives nationales section contemporaine, série 1979 0796, carton n°268, arrêté du 13 novembre 1951 portant création d’une commission du plan d’équipement scolaire, universitaire, scientifique et artistique.

236.

Les membres de ces deux structures ministérielles représentent la moitié des membres qui ne sont pas issus de l’Education nationale. La représentation du ministère de l’Education nationale si elle est prévue n’est pas exactement précisée. Ibid.

237.

Archives nationales section contemporaine, série 1979 0796, carton n°268, compte-rendu de la réunion plénière de la commission de l’équipement scolaire, universitaire, artistique et sportif du 22 mai 1963.

238.

Archives nationales section contemporaine, série 1979 0796, carton n°268, Commissariat général au plan de modernisation et d’équipement. commission de l’équipement scolaire, universitaire, artistique et sportif – rapport général – juin 1958, p. 10.

239.

Archives nationales section contemporaine, série 1977 0533, carton n°2, compte-rendu de la réunion du 6 février 1969 à la préfecture du Rhône.

240.

Voir le chapitre « Les Trente Glorieuses de l’aménagement du territoire » dans Yves Madiot, Aménagement du territoire, Paris, Armand Colin, 1998.

241.

Article 6 de la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification réforme de la planification publiée au JORF du 30 juillet 1982, p. 2441.

242.

Article 8 de la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification publiée au JORF du 30 juillet 1982, p. 2441.

243.

Annexe III « Articulation entre les procédures nationale et régionale » de la circulaire du Premier ministre du 31 mars 1992 relative à la préparation du XIème plan.

244.

Pierre André, Les troisièmes contrats de plan Etat-Régions (1994-99) : une ambition inachevée, Délégation du Sénat pour la planification, Sénat, Paris Le Kremlin-Bicêtre, n°446, 2000, p.19 et suivantes.

245.

Circulaire commune du 9 décembre 1993 DATAR/Commissariat général au plan/DIV sur la démarche d’évaluation dans les procédures contractuelles.

246.

Entretien avec Guy Bertholon, chargé d’études « enseignement supérieur » au SGAR Rhône-Alpes de 1989 à 1992, 7 décembre 2002.

247.

Entretien avec Jean-Richard Cytermann, membre de la mission « carte universitaire » et directeur de la DPD de 2000 à 2002, 10 juin 2003.

248.

Entretien avec Eric Affolter et Olivier Duplessis, chef et membre du bureau B2 de la DPD, 3 mars 2003.

249.

Entretien avec Marion Glatron, correspondante « Education nationale » à la DATAR depuis 2003, 20 avril 2003.

250.

Entretien avec Ariane Azema, correspondante « Education nationale » à la DATAR de 1995 à 2003, 11 juin 2003.

251.

Entretien avec Eric Affolter et Olivier Duplessis, chef et membre du bureau B2 de la DPD, 3 mars 2003.

252.

Entretien avec Alain Blanchard, chargé du volet « enseignement supérieur » du contrat de plan au SGAR Rhône-Alpes de 1999 à 2004, 22 juin 2003.