Entretien avec Ariane AZEMA –Correspondante « Education nationale » à la DATAR– 11 juin 2003

L’entretien se déroule dans des locaux du rectorat de l’académie de Paris. IL dure une heure trente. Les bandes enregistrées ont été endommagées par l’utilisation d’un dictaphone défectueux lors de la retranscription de l’entretien. Le début de l’entretien est donc reconstitué à partir des extraits encore audibles. Le reste de l’entretien est retranscrit intégralement.

Ariane AZEMA est normalienne, agrégée d’histoire. Elle a commencé une thèse pendant trois ans et en dernière de monitorat a intégré un DESS à Paris. Elle a ensuite intégré la DATAR en tant que correspondante « Education nationale ». Elle a assuré la préparation et le suivi du contrat de plan 2000-2006. L’essentiel de son temps était accaparé par le suivi de la procédure au niveau national. Il fallait trancher des questions importantes dans la détermination des enveloppes : est-ce que les montants contractualisés précédents doivent être reconduits ? Est-ce qu’il faut changer les enveloppes ? La détermination des enveloppes obéit à des affichages politiques.

« … Donc, il y avait des interrogations : est-ce qu’on reconduit les même enveloppes, est-ce qu’on change les enveloppes ? Pour le contrat de plan précédent, la Bretagne, par exemple, a vu son enveloppe « enseignement supérieur » très gonflée du fait que les routes étaient très largement pourvues dans le contrat de plan précédent. Et les besoins en route en Bretagne ont beaucoup baissé. Donc pour garder des enveloppes constantes, il a fallu mettre beaucoup dans l’enseignement supérieur. Le rôle de la DATAR dans cette procédure centrale, c’est de voir les demandes des ministères et des préfets de région. C’est un rôle de coordination notamment en cas de crise. L’interministériel c’est la première chose qui prend du temps à un correspondant. La deuxième chose qui m’a pris beaucoup de temps, c’est la répartition de l’enveloppe entre l’Ile-de-France et la province. On avait un déséquilibre très fort entre l’Ile-de-France et la province. Ce qui était légitime puisque la population étudiante en Ile-de-France est très importante. Les opérations de mise en sécurité sont hors contrat de plan. Il y a un vrai problème d’information sur ces dossiers-là. On a essayé de demander un état des crédits aux préfectures parce qu’ils avaient parfois des chiffres qui n’étaient pas ceux des ministères. Les projets locaux ne disparaissent pas complètement mais ils passent un petit peu à la trappe parce qu’on est quand même très absorbé par le national. Avec les moyens du bord, c’est-à-dire quatre bricoles. Dans un mécanisme qui est très compliqué. La colonne des contrats de plan, c’est au moins quinze politiques sectorielles dans vingt-deux régions et il faut que tout cela rentre dans une enveloppe globale. C’est quelque chose qui est un peu fou. C’est beaucoup un travail de lissage avec plein de gens de plein de ministères. En sachant que ce n’est pas facile d’obtenir toujours de l’information. Et puis par ailleurs on n’est assez peu rentré, je le regrette à la fois parce qu’on n’a pas eu le temps, mais parce que cela a été un choix, on s’est assez peu mêlé d’aménagement du territoire intra-régional. Je m’explique. Il y a des régions, je parle toujours, pour l’Education nationale et la recherche, qui ont tout mis sur la métropole régionale. A l’inverse, d’autres ont essayé de mettre leurs crédits ailleurs. On n’est quasiment pas intervenu là-dessus. Quand c’était gros, je le soulignais mais on n’a pas pesé là-dessus. D’abord parce que des projets, il y en a partout alors que dans les années 1960, des projets il y en avait quatre. Là il y en a vraiment partout. Ce sont des choses qui sont très complexes. Et puis au fond c’est lié aussi à l’écriture des contrats de plan. Il y en a qui dise : « j’ai 100 millions, il y aura 2 millions là, 3 millions là, 62 millions là. » Et puis il y en a d’autres qui disent : « j’ai 100 millions sur une rubrique qui va s’appeler comme cela et je ne décline pas. » Alors, vous n’allez pas ennuyer les régions parce qu’elles ont des intitulés précis ou non. Les régions ont grandi aussi, je veux dire les exécutifs régionaux, ils font des choix. Et puis on sait bien qu’il y a des choses dans le contrat de plan qui se feront et puis d’autres qui ne se feront pas. Bon. Donc c’est pour cela, qu’à la DATAR on a été très macro, sur les CPER.

Vous m’avez parlé de la difficulté d’obtenir de l’information dans vos rapports avec les ministères. Les services centraux, ils font de la rétention d’information ?

Pas de la rétention d’information, non. J’ai dit que je cherchais de l’information. Elle n’était pas ouverte. Ils n’ont pas besoin de faire de la rétention d’information. D’abord ils en ont besoin pour se nourrir. Il y avait l’Educ d’un côté et puis la recherche de l’autre. Alors à l’époque c’était le même ministère mais ce n’est pas les mêmes directions qui gèrent tout cela.

La DPD réunissait tout. Le DPD, c’était GARNIER, c’est avec lui que j’étais en contact. Pas facile de négocier, il faisait tout remonter à Aix [au CIADT d’Aix]. Mais c’est difficile avec l’Educ parce que la rédaction des contrats de plan est très brouillonne. Ce n’est pas quelque chose avec des rubriques qui sont précises. A la fin de chaque CPER on a une annexe 4 qui est financière et où il y a quatre lignes. Avant il n’y en avait pas. On a décidé d’en faire une. Pour vous donnez une idée, pour le cas du volet « enseignement supérieur » il y a une rubrique « expansion, remembrements, réhabilitation ». Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l’ampleur de la rubrique ! Pour aller vite, il y a tout. On ne distingue pas les nouveaux bâtiments, rien. A l’origine, c’est basé sur un texte politique. Les régions nous disent : « il est hors de question que nous financions la rénovation de l’existant. C’est à la charge de l’Etat. » Bon d’accord. L’Etat dit : « d’accord je vais faire un plan de mise en sécurité. Je prends en charge mais par contre le bâtiment x il n’est pas aux normes et il faut le refaire et cela ne rentre pas dans la mise en sécurité, c’est de la rénovation. » Il y a un jeu très politique qui est à la base de la rédaction de ce document. C’est de la mise en scène mais c’est resté. Ensuite vous avez une ligne vie étudiante hors BU et ensuite il y a les BU. Mais avec ce document, on n’est pas capable de faire du suivi budgétaire. En Ile-de-France, on n‘est pas capable de dire qui paie quoi sur la recherche. On ne sait pas. La recherche, c’est un paquet de nœuds. Le ministère nous a dit : « il est hors de question que les organismes fassent des conventions hors CPER avec les régions. » Alors, il y a un jeu subtil, qu’est-ce qu’on met dans le CPER, qu’est-ce qu’on ne met pas dans le CPER. Le ministère a lâché un maximum de crédits sur ces dossiers pour que les région s’alignent et il faisait pression pour que les organismes s’y mettent aussi. Ils ont dit finalement : « on met des trucs sous réserve de. » Dans la préparation du dernier contrat de plan, l’info circulait très mal, il y avait peu de réactivité. Je n’arrêtais pas de lui dire à Garnier. Il y avait un peu un jeu, là aussi, qui était à double tranchant. La DATAR était sous l’égide de Voynet et du ministère de l’Environnement donc il y a avait un enjeu « comment on fait baisser les routes et comment on fait pour mettre plus de ferroviaire ? » Tout le monde n’était pas fan du tout de faire cela : il y avait le PC dans la majorité plurielle qui n’était pas fan du ferroviaire. L’éducation était une façon de faire plus d’immatériel donc on a essayé de pousser pour que l’Education nationale emporte un bon morceau dans la répartition des enveloppes. Alors que le ministère était dans un état d’impréparation incroyable alors que le ministère de l’Equipement avait tout. La deuxième chose que je n’ai compris qu’après, pousser au maximum les financements Educ, c’était pour eux, une manière de négocier des mesures nouvelles. C’est comme pour U2000. Mais après cela veut dire aussi qu’à l’Educ tous leurs financements sont contractualisés. Cela veut dire qu’après les négociations du CPER, ils sont pieds et poing liés. Donc certains services étaient demandeurs et d’autre pas. Cela dépendait. Ceux qui avaient un petit truc habituel, ils n’avaient pas forcément envie de contractualiser. Donc cela c’était sur les montants. La deuxième intervention c’était sur des interventions phare un peu lourdes. Soit qu’elles l’étaient financièrement soit parce qu’elles l’étaient symboliquement. Belfort-Montbéliard par exemple [rires]. Bon vous voyez des trucs comme cela. Est-ce que le Nord Pas de Calais a un truc spécifique parce qu’ils ont perdu SOLEIL [l’accélérateur de particules qui devait s’implanter dans le Nord et qui s’implante finalement en région parisienne]. Vers la fin du contrat de plan et la préparation des schémas de services collectifs cela a été mieux. J’ai donc travaillé beaucoup avec Garnier à ce moment là. Mais c’est compliqué la DATAR, moi j’avais trente ans à l’époque. Les gens du ministère, ils ont tendance à vous dire : « mais qu’est-ce que vous faites là ? ». Au début, et puis ensuite ils font avec. Et puis on a une position qui pour les individus n’est pas simple du tout, vous savez après on y retourne au ministère après la DATAR [rires]. Donc, ce n’est pas simple. Sachant que de ce point de vue là, il y a des différences entre les ministères. Le ministère de l’Equipement a une stratégie très consciente : il sait qui il va mettre, qui il ne met pas. Et puis il y a les ministères qui n’y pensent pas et le ministère de l’Education nationale en fait partie. C’est un ministère qui a une stratégie assez faible d’investissement de l’interministériel alors qu’il y a des ministères qui en ont une qui est très forte. L’Education nationale ne décide jamais qui est le correspondant à la DATAR. Alors qu’au ministère de l’Equipement, bien au contraire, ils réfléchissent là-dessus. Ils savent très bien qui est à la DATAR. Ils l’ont choisi. Le ministère de l’Education nationale, c’est un peu comme le ministère de la Santé, ils sont très autonomistes et puis, de temps en temps, quand ils ont affaire avec l’interministériel ils sont furieux. Mais ce ne sont pas du tout des pratiques qui sont organisées. Je travaillais ave GARNIER et puis avec un autre interlocuteur qui s’occupait de la recherche. L’avantage de la DATAR c’est qu’il n’y a aucune hiérarchie. Vous parlez avec qui vous avez envie de parler, vous choisissez même si vous avez envie de causer. L’idée c’est de multiplier les correspondants et les infos au plus haut niveau possible. Leur rendre des services d’informations parce que cela, c’est important. Il faut le dire. Prévenir quand il y a quelque chose. Mais au sein du ministère notre correspondant obligatoire c’est quand même le DPD. J’essayais de développer mes relais. Quand l’Educ et la recherche ont été passées sous LANG, je connaissais très bien le directeur adjoint de la recherche. On a fait des choses ensemble. Donc tout cela pour vous dire que le ministère ne fait pas de rétention d’information, tout cela est extrêmement informel. L’enjeu c’est de se faire sa propre information. C’est de savoir sur quoi le ministère travaille tout en sachant que c’est un ministère qui a des grosses pattes. C’est-à-dire qu’on peut faire passer des choses qui sont très mineures pour l’Education nationale mais qui sont centraux pour l’aménagement du territoire. Vous avez aussi des gros projets qui nous occupent beaucoup. La DATAR, elle a deux casquettes. Elle a la casquette « aménagement du territoire ». Et puis elle a la casquette « politiques expérimentales ». il faut parfois pousser le ministère sur certaines questions. Enfin non, ce n’est pas le ministère. Au sein du ministère il y a toujours des gens qui ont des trucs mais qui n’ont pas de relais. C’est quelque chose qui est tout de même très bricolé. Et puis au sein des projets locaux, des fois vous êtes dans la danse et des fois vous n’y êtes pas. Vous avez l’information ou vous ne l’avez pas. Il y a des gens qui ont parfois des financements pour soutenir certains projets. En pleine négociation, on a eu des choses amusantes. L’Ile-de-France, en pleine négociation, a invité la DATAR en disant «  l’Ile-de-France, on n’est pas des méchants, on a besoin de financements. » En gros, ils voulaient s’assurer de la neutralité de la DATAR. On n’avait pas de pouvoir de nuisance là-dessus. A mon avis c’était déjà bouclé. On n’avait pas de poids. Donc il y a un vrai côté bricolage parce qu’il y a des trucs que vous allez laissé passer. Il y a des trucs que vous allez choisir et puis il y a des trucs que vous allez laissé passer. Parce que vous n’avez pas le temps non plus. Et puis il y a des trucs sur lesquels vous allez raté le coche. Et puis d’autres vous allez les saisir, parce qu’en vous baladant dans le couloir d’un ministère, vous allez trouvé quelque chose d’intéressant qu’on peut même éventuellement faire hors contrat de plan. Parce qu’on n’a pas énormément d’argent mais le nôtre il est libre. Cela vaut tout l’or du monde. Par exemple, le ministère a lancé des appels d’offre avec la DATAR. Ils n’ont pas retenu tous nos critères, mais on s’est mis dans la danse en traînant dans un couloir. Donc, il y a à la fois l’interministériel et le soutien de certains projets. Mais cela a un côté très aléatoire, très bricolage et puis à la fin cela fait sens comme toujours. Le bricolage pour les grandes procédures nationales c’est parce qu’on n’est pas beaucoup. Et on fait avec les moyens du bord. Sur les coups locaux, c’est du bricolage parce que c’est aléatoire. Sur tel dossier, vous allez vous impliquer. Et puis sur les politiques expérimentales, il y a une part de choix individuel. On a beaucoup porté l’école de l’Internet à Marseille par exemple. Cela nous intéressait beaucoup. Le missionnaire en question allait frapper à toutes les portes pour que quelqu’un s’intéresse et il est venu nous voir. Et puis dernière chose qu’on fait à la DATAR ce sont les schémas de services collectifs. Cela a l’air un peu cerise sur le gâteau mais en fait pas du tout. On a beaucoup travaillé là-dessus à la DATAR. Alors le schéma de l’Educ, ce n’est pas forcément le bon exemple là-dessus. Il y a d’autres schémas qui sont beaucoup plus intéressants. Mais en gros la thématique pour quelqu’un qui est à la DATAR, c’est : « comment on fait quand on est pas très nombreux et en plus avec des moyens limités ? » On n’a pas de réseaux locaux. On a des correspondants en préfecture de région mais ce ne sont pas des services déconcentrés tout de même. On est relativement seul. Bon maintenant on essaye de se débrouiller. L’appel d’offre qu’on a lancé avec le ministère de l’Educ, j’ai appelé des gens et je leur ai dit : « il faut candidater. Je vous en prie candidater. Il y a des trucs qui sont taillés sur mesure pour vous. » Ce n’est même pas de la régulation croisée mais bon des fois on fait des trucs qui sont plus politiques. La DATAR c’est une administration qui n’a plus le pouvoir d’antan, qui n’est plus dans une position décisionnaire. Sauf quand on a des procédures comme le contrat de plan et les schémas de services collectifs parce que, là, on avait la prospective et les sous en même temps. C’était un moment très actif pour nous. Il y avait une conjonction de choses.

Vous m’avez parlé tout à l’heure des liens que vous entreteniez avec les acteurs locaux. Vous m’avez parlé des préfectures de région. Vous étiez en lien avec les recteurs ?

Alors, l’Educ c’est vraiment un monde à part. Pour certains recteurs, oui, on était en lien, mais par hasard. Sur tels ou tels projets locaux. Vous y allez, vous tombez sur le recteur et puis la fois suivante, vous vous rappelez de lui et vous conservez un lien. Mais là c’est du hasard. Les correspondants au niveau de la région pour la DATAR, ce sont les SGAR. On les connaît. Sur l’enseignement supérieur, c’est un peu pareil que pour la Santé, vous ne les connaissez pas tous. Certains détestent la DATAR et on ne sait pas pourquoi. Cela ne vous empêche pas non plus de téléphoner parfois même si vous ne connaissez pas. Et puis comme par hasard on a de meilleures relations avec les petites régions comme le massif central. Le recteur de Marseille, il vous regarde de haut. Ou de Lyon. Dans les schémas de services collectifs, les aires de réflexion retenues sont inter-régionales. Les transports sont organisés par bassin et l’Educ aussi. Sauf que l’Educ, on avait un espace qui éclate le massif central. Le principe du découpage inter-régional cela a été un drame. C’est CYTERMAN qui l’a repris. Il l’a repris volontiers d’ailleurs. Tout le monde parle des schémas DATAR mais ils ont été écrits par le ministère. Parfois ils ont été écrits parfois ils ont été soufflés. Or, les recteurs ont fait semblant, ont parlé de l’avant-projet « DATAR ». Un peu comme font les élus locaux, ils ont souvent pris la tête d’une espèce de révolte régionale. Sur le thème : « Paris veut nous marier avec X ou Y. C’est un scandale. » Autant un préfet, quand il reçoit un avant-projet de la DATAR, il se sent un petit peu responsable, autant les recteurs ne se sentent pas du tout liés. Alors en plus un schéma de la DATAR. Déjà si cela avait été un schéma ministère de l’Educ, mais alors un schéma de la DATAR. J’ai assisté à beaucoup de craintes en région au moment des débats sur les schémas où les recteurs qui devaient présenter le document étaient vent debout et disaient : « c’est un vrai scandale ». Moi je n’ai rien contre les prises de position mais cela rend les débats complètement impossibles. L’enjeu ce n’était pas l’avis des recteurs en plus. Qu’ils favorisent un débat contestataire pourquoi pas mais là. Donc pour en revenir à votre question parce que je parle beaucoup, les relations avec les recteurs, elles sont ponctuelles, personnelles, sur certains coups, sur certains dossiers. Avec les universités par contre, on a un peu plus de contact. Avec les D2RT plus par contre. Les recteurs, dans les réunions qu’ils faisaient, on a eu le droit de venir une ou deux fois mais en général, il nous le cachait et en général, c’étaient des réunions rectorales.

Elles sont mal ressenties les interventions de la DATAR ?

Si je caricature, je caricature vraiment là mais pour une partie des vieux routiers de l’enseignement supérieur, pour eux, la DATAR va leur faire une université dans un trou. Ils n’ont pas forcément tort. La ville d’Agen par exemple. Pour eux, ce n’est pas déshonorant ou dégradant mais c’est quelque chose qui est impossible. Cela doit varier tout de même avec les périodes et les personnes. L’affaire des universités thématiques, cela a fait beaucoup de mal. ALLEGRE, il avait une vue très poussée sur un plan territorial. Les premiers papiers qu’il a fait pour U3M, territorialement c’est très poussé. Il y a les universités technologiques. Il y a les réseaux de recherche. Il prend au corps la question territoriale. Il n’y a pas que les pôles d’excellence. Nous, on n’avait rien à redire de ce point de vue là. Il y a aussi l’aboutissement d’années d’études, de pression des élus, de maturité des élus, de développement des universités de province. Mais ALLEGRE, par contre détestait VOYNET. Et la DATAR était rattaché au ministère de VOYNET. Ce qui jouait beaucoup. Et puis le deuxième truc, les régions se méfiaient beaucoup. Ils n’ont pas tort parce qu’à la fin, ils savent qu’on va les taxer. Mais là aussi, ce sont des jeux de rôles parce que l’université d’Agen, c’est l’Education nationale qui a dit oui . La direction de l’enseignement supérieur est une direction qui est tout de même assez autonomiste. Elle est d’abord en lien avec les universités. La DPD est forcément plus en lien avec la DATAR. Mais cela va peut-être changer avec le nouveau découpage. Moi je suis frappé du contraste entre le pouvoir réel et l’appréhension que les gens en ont. Certaines fois, on a l’impression qu’on a beaucoup de pouvoir. On avait souvent au ministère de l’Education nationale, une image de la DATAR qui était l’organisme qui s’occupe des lieux où il y a des champs de maïs. Assez paradoxalement, le cabinet VOYNET avait une vue très DATAR rurale. Je dis paradoxalement parce que c’est plutôt la droite qui a cette image là de la DATAR. La droite, c’est toujours plus petite ville moyenne voire bourgade qu’une ville PC ! Je caricature, mais il y a un peu de cela. Il y a une droite moderniste qui n’est pas libérale qui est intéressée par les grandes villes. PASQUA par exemple était très urbain. Le cabinet VOYNET était très « les riches, les pauvres », les grandes villes sont quand même en général plutôt riches. Mais cela a beaucoup changé. Par exemple, il y a eu un CIADT sur Marseille. A un moment la DATAR a failli monter un CIADT Ile-de-France. Cela ne s’est pas fait mais c’est tout de même quelque chose de très nouveau pour la DATAR. Alors pas sur Paris mais sur les déséquilibres au sein de l’Ile-de-France. Il y avait deux idées là-dedans : l’armature métropolitaine, mais là c’est un classique de la DATAR, on connaissait ça dans les années 1960 avec les métropoles d’équilibre. Et la deuxième chose, c’était de dire que les déséquilibres territoriaux les plus violents, ils sont directement au sein des grandes agglomérations. Il y a un côté développement local. On vit beaucoup mieux avec le RMI en Limousin en tous les cas beaucoup moins mal qu’à Sarcelles ou à Vaulx-en-Velin. Pas politique de la ville mais l’idée au fond que dans les 5-6 plus grandes métropoles françaises pas les 22 métropoles d ‘équilibre, il y a des déséquilibres territoriaux très forts. J’ai vu mes collègues territoriaux s’investir beaucoup sur le projet d’agglomération de Nantes. Sur celui de Bordeaux aussi, ce n’est pas politique puisque l’un des premiers contrats d’agglomération sur lequel la DATAR a beaucoup investi c’est le contrat bordelais. Lyon n’a pas fait de contrat d’agglomération en tous les cas pas tout de suite. Bordeaux a été l’une des premières villes à en faire un. Lyon je ne pense pas. Mais là j’avoue que je n’ai pas trop travaillé sur ce dossier, sur le dossier lyonnais. Voilà. Et la Manufacture des Tabacs vous en faites quoi ?

C’est mon cas d’étude privilégié mais de toute façon, dans les entretiens, les interviewés abordent d’autres dossiers qui concernent d’autres projets régionaux ou lyonnais. De toute façon, la Manufacture est incluse dans des procédures de contractualisation plus larges que ce soit Université 2000, U3M ou les deux derniers contrats de plan Etat-région. Quand ce sont des interlocuteurs ministériels ou nationaux, ils abordent également d’autres projets.

Vous avez vu qui en national ?

Francine DEMICHEL, Mme JAFFRES, Mr AFFOLTER, Jean-Richard CYTERMANN, Marion GLATRON.

Du beau linge. Mes prédécesseurs ont plus fait de local. Marie-Catherine notamment. Moi j’en ai fait très peu.

J’ai l’impression qu’à la DATAR on ne reste pas très longtemps. Il y a un turn over important ?

Cela dépend, il y a les deux cas de figure. Il y a le cas de figure où les gens restent là dix à quinze ans. Marie Catherine elle est restée longtemps sur ce poste. Et puis il y a en effet des gens qui ne restent pas longtemps du tout. Moi, je suis un petit peu le profil intermédiaire. Elle est directrice adjointe de la formation à la Région centre. Mes deux prédécesseurs ont plus de bouteille que moi ; ce sont deux femmes vraiment très bien.

Vos collègues territoriaux vous étiez en relation avec eux ?

A la DATAR, tout le monde travaille ensemble. Je ne sais pas ce que Marion vous a dit mais moi c’est comme cela que je l’ai vécu. Comme d’habitude, avec vos collègues, vous n’avez pas les mêmes correspondants, vous n’avez pas les mêmes calendriers et vous n’avez pas les mêmes problèmes. Ca va, ça vient. Mais globalement oui, c’est cela qui n’était pas mal. Même si on n’a jamais réussi à structurer les relations.

Cela reste de l’informel ?

Absolument. Et puis à l’occasion quand on a fait l’école de l’Internet à Marseille, il y a la territoriale qui est venue me voir et qui m’a dit : « il y a le truc je n’y comprends rien, est ce que tu ne veux pas recevoir avec moi le mec qui s’occupe de cette école. » Ce projet, on l’a monté main dans la main, c’était très bien. Elle, de son côté, appelait ses contacts locaux. Moi, du mien, j’appelais le ministère et les présidents d’université. Vraiment, c’était très bien. Au moment des schémas, on s’était dit qu’il fallait qu’on se fasse une « doctrine » DATAR par secteur et par région. Il faut qu’on commence par échanger au niveau interrégional. Aujourd’hui on va faire le grand Sud Est, demain le Grand Ouest etc. le territorial va nous faire un topo général sur les enjeux de sa région et puis nous, les sectoriels, de notre côté, on va également bosser là dessus. Pour essayer d’avoir une doctrine. Qu’est ce qu’il faudrait faire par secteur et par région ? Comment on pourrait anticiper des CIAT ? Qu’est ce qu’il faudrait amorcer dans les schémas ? Des petites choses. Un peu de doctrine DATAR. On a commencé à le faire pour une ou deux régions. C’est intéressant mais on n’a jamais réussi à poursuivre au delà. D’abord parce que les réunions étaient très lourdes à monter. Il fallait réunir trois territoriaux et huit sectoriels sur une même date. Les territoriaux sont en déplacement plusieurs fois par semaine. On est très peu à la DATAR, il y a 44 cadres. On a des agendas très chargés. Et puis il y a ensuite le problème du turn over. Vous sollicitez un territorial sur un sujet, et puis il n’est pas bon. Il vient d’arriver, il ne connaît pas encore son sujet. Et vice versa. Vous pouvez avoir un territorial qui vient vous demander un jour des informations sur les filières bois parce qu’à Tulle ils veulent en monter une, et vous n’êtes pas forcément un grand spécialiste de la filière bois. L’avantage qu’il y a à la DATAR, c’est qu’étant donné que nous ne sommes pas très nombreux, c’est facile de savoir qui suit le dossier. Et puis il n’y a pas de niches, des gens qui cherchent à protéger leurs dossiers. On n’a pas le temps. Vous n’allez pas protégé votre dossier contre quelqu’un d’autre, alors même que cela se fait beaucoup dans les ministères. Personne ne fait cela. Et en plus, vous êtes le seul « spécialiste » du secteur à la DATAR. Ce n’est pas formalisé, ce qui a des gros avantages parce que ce qui fonctionne, fonctionne vraiment bien. Mais il y a plein de choses qui passent à la trappe. On n’a jamais réussi à le formaliser. Avant, à la DATAR, ils avaient un autre système où les territoriaux faisaient aussi du sectoriel. Mais ils ne faisaient correctement aucun des deux. Et oui. Vous servez de centre de ressources. N’importe qui à la DATAR ayant besoin de n’importe quoi, d’une information, ayant à vous poser une question vient vous voir. Il vous demande. Il y avait tout le service des investissements étrangers qui est également venu me voir. En me disant : « voilà, on a un gros groupe, ils veulent venir s’installer. Ils veulent être près des centres de recherche. Qu’est ce que tu peux nous donner comme site ? ». Le grand groupe c’était Danone. Je leur avais dit Montpellier et puis Clermont ce serait très bien. Et puis finalement, ils n’ont été ni à Montpellier ni à Clermont, ils ont été ailleurs où on leur avait promis des monceaux d’argent. Enfin bref. Mais en interne, cela fonctionne très bien. On n’est pas nombreux, on se connaît tous. Vous êtes dans une position où vous êtes un généraliste.

Et les élus locaux, vous êtes souvent en contact avec eux ?

Oui, ils viennent nous voir à la DATAR quand ils ont des projets. Il peut arriver qu’il y en ait qui viennent à la DATAR parce qu’il a été au ministère et qu’il s’est fait « jeter ». Enfin pas jeter parce qu’on ne jette pas un élu local mais il comprend que son projet ne va pas aller très loin. Lui aussi fait un peu de régulation croisée interne à l’Etat. Au moment des schémas de service collectif, on en a eu plein. Parce qu’ils avaient entendu parler de projets. Après, il y a aussi les élus qui viennent vous voir avec des projets qui sont plus larges, plus ambitieux. Ils recherchent là aussi du soutien. Et puis, mais là ce sont les territoriaux qui le font, il arrive qu’à la demande du préfet ou d’élus d’aller dans un territoire, et de passer deux jours pour essayer d’inventer avec des élus ou des préfets des plans de bataille pour un territoire. A la fois un peu conseil en amont et puis de l’huile pour que les dossiers ne s’arrêtent pas au ministère et puis des pressions pour trouver des financements. La DATAR, elle n’a pas énormément de capacité d’investissement donc il faut qu’elle aille chercher de l’argent dans les ministères. C’est le cœur de son métier ça. Moi, je l’ai fait mais pas pour des élus mais pour des présidents d’université. Le Grand Ouest par exemple sur le projet de campus numérique. Je leur ai parlé de l’appel à projet, du prochain CIAT. C’était un projet interrégional en plus J’avais passé une journée à répondre à leurs questions. Alors, bien sûr, ils voulaient qu’on finance leur projet mais qu’en plus on finance un demi poste de chargé de mission. Souvent dans tous ces projets, ce n’est pas l’investissement le problème, mais le fonctionnement.

Ce que vous me décrivez là c’est une DATAR qui cherche à trouver des relais et des soutiens auprès des élus des échelons déconcentrés…

Parfois, elle cherche aussi des idées. Elle cherche du grain à moudre. Il y a deux choses pendant la période où j’étais. Cela a été très commando. On s’était élaboré une doctrine. Donc là dans cette période, on n’était pas le nez au vent. Ce qui n’était pas évident parce que la DATAR elle va et puis elle vient. Il y a beaucoup de turn over. Aujourd’hui, je pense qu’elle est en train de perdre sa mémoire, là. Il y a beaucoup de gens qui sont partis, il y a eu un changement de délégué. Elle va a reconstruire, elle va se reconstruire une nouvelle doctrine mais ce n’est pas demain. Une doctrine qui soit partagée. Et par ailleurs, pendant la période où j’y étais on avait aussi le nez au vent parce qu’on avait décidé d’arrêter les trucs où la DATAR faisait toute seule. Parce que quand la DATAR fait les choses seule, au total cela ne se fait pas. Au fond, on est arrivé à l’idée qu’il fallait faire de la co-élaboration. Pour des raisons à la fois financières mais aussi pour que cela bouge. On choisissait parce qu’il n’est pas question de suivre les ministères, mais bien de faire notre métier mais au moins être avec un ou deux ministères voire avec une coopération locale. Il y avait vraiment l’idée de ne plus faire seul. D’où l’avantage d’être le nez au vent et de repérer les gens qui, au sein des ministères, ont des projets qui nous intéressent. Il y a un côté où on cherche des trucs nouveaux. Déjà parce que c’est plus mobilisateur que les trucs anciens qui ne marchent pas. Il y a un côté où on partait à la pêche des projets. De toute façon, un bon élu local qui a un projet, il va arroser tout le monde de lettres. En plus, on avait un DATAR [un délégué Jean-Louis GUIGOU] qui était très politique. Il y a des DATAR qui sont très politiques à gauche comme à droite d’ailleurs. Il avait un réseau gigantesque. Pour les politiques expérimentales, oui, on allait pêcher. Moi j’allais à des colloques de l’Education nationale, j’essayais de pister des gens. Campus numérique est un bon exemple de ça, plate-forme technologique aussi. Tout cela ce sont des trucs qui viennent aussi de groupes de prospective que la DATAR a initié il y a dix ans. On a vachement diffusé d’idées. GUIGOU en faisait beaucoup, il adorait la prospective. Avec des phrases très DATAR, « la territorialisation structurelle de je ne sais quoi ». Mais il y a beaucoup de choses qui ont « percolé ». Il faudra faire attention quand vous me citez : je ne suis pas toujours très sérieuse là. Je me suis déjà fait tellement de copains ! Parce qu’en plus, je suis très brutale dans les formulations.

Quand on interroge les élus sur les contrats de plans, ils insistent en général sur le fait que l’Etat est en position de force dans les négociations. Vous partagez ce point de vue là ?

Non, cela dépend des dossiers. Il y a un manque d’informations au niveau des régions. Elles n’ont pas l’appareil statistique que peut avoir l’Etat. Même la région Rhône-Alpes qui avait fait pas mal de choses sur le suivi scolaire, elle ne dispose pas des mêmes moyens que l’Etat à son échelle. De ce point de vue là, et ne serait-ce qu’à cause de cela, c’est vrai que l’Etat est en position de force. Dans la négociation, moi je ne trouve pas. Si vous comparez les CPER, ils ne sont pas du tout les mêmes d’une région à une autre. Alors certains présidents de région ne voulaient pas financer la recherche en sciences humaines, bon, on a fait assouplir cette position. Moi j’ai l’impression qu’un élu, en l’occurrence le président de région pouvait négocier quatre ou cinq priorités. Il pouvait en imposer quatre ou cinq, pas plus. Moi j’ai trouvé l’Etat plus complexe parce qu’il avait à négocier entre plusieurs ministères. L’avantage de la région, c’est qu’elle ne parle que d’une seule voix. Elle n’a pas autant d’éclatement, mais là, c’est peut être un effet déformant de mon emploi qui était sectoriel. Pour l’Etat, on en n’était même pas à arbitrer entre des projets on en était à arbitrer entre des ministères. On n’allait même pas au delà de l’arbitrage entre les enveloppes. J’ai l’impression que pour la région, c’est différent. Quand il a une majorité forte, un président de région peut avoir un ordre de priorité. Ce que l’Etat ne peut pas faire. Je ne sais pas moi, HUCHON, il a un ordre de priorité. L’Etat ne peut pas dire : « les routes c’est trois fois moins important que l’enseignement supérieur. » Des fois c’est un peu cela mais la formulation n’est pas la même. La négociation est inégale, c’est vrai. Parce que d’abord on ne négocie que sur des politiques d’Etat. On peut parler de politiques qui sont totalement décentralisées mais on est sur des politiques d’Etat. Et donc sur des procédures d’Etat, il y a des choses qu’on ne peut pas changer. L’Auvergne par exemple disait moi : « les bourses je veux pouvoir les surdoter parce qu’il faut faire venir les gens en Auvergne ». Mais vous ne pouvez pas faire cela réglementairement. C’est tout le problème de la différenciation régionale. On est sur des politiques d’Etat que les collectivités ne maîtrisent pas. Alors, ça, c’est vrai. La définition des priorités doit être plus simple pour un Président de Conseil régional s’il a son assemblée derrière lui. Le pilotage d’ensemble, l’économie générale du système, l’Etat la maîtrise mieux. L’Etat est mieux armé, on a toute l’information, toute la documentation.

C’est important dans les négociations que ce soit l’Etat qui ait la compétence juridique enseignement supérieur ?

Oui, parce que déjà cela permet d’obtenir des sous auprès de Bercy. Sinon il n’en serait même pas question. Mais ensuite bon ce sont des négociations. Les régions se sont un peu retournées contre l’Etat en disant qu’elles financent des compétences de l’Etat mais bon. CHEVENEMENT a négocié pied à pied pour avoir quatre postes de l’INRETS. Pas vingt quatre. Mais ce n’était pas possible. Non pas en terme budgétaire mais parce que l’Etat n’a pas la main sur les organismes de recherche. Il ne peut pas affecter des postes territorialement. Pour répondre à votre question, la compétence elle ne peut être que d’Etat pour que Bercy accepte de financer les projets. Et puis, cela dépend beaucoup des présidents de région. Certains nous ont dit qu’ils ne financeraient que la recherche scientifique et pas la recherche en sciences humaines et en lettres. Pareil pour le logement étudiant. Certains ne voulaient pas le financer. En Ile-de-France HUCHON, a dit : « moi je ne paierai que la recherche. » Et puis ensuite, vous avez des répartitions différentes en termes de pourcentage. Vous avez des régions où on a fait un tiers, un tiers, un tiers sur tout. Et puis il y en a d’autres où le président ne voulait que la recherche donc l’argent des régions s’est concentré sur la recherche. Au final, sur l’enveloppe globale cela faisait bien un tiers pour chacun des participants mais en terme d’affichage c’est un peu différent. Soit parce que symboliquement il disait « c’est la compétence de l’Etat, ce n’est pas la mienne », soit parce qu’ils avaient des majorités relatives et qu’ils devaient négocier cela avec leur conseil. Il y avait aussi les NTIC. Et comme il n’y avait pas de ministère des NTIC, on a dû trouver des ministères qui voulaient bien payer. Il y a une région qui tenait particulièrement à ce que les NTIC soient financées. DELEBARRE également a obtenu des choses. Sur quelques priorités, les présidents de région peuvent obtenir satisfaction. Mais comme ce sont des procédures d’Etat, c’est l’Etat qui les mène.

Vous l’attribuez à quoi ce regain d’intérêt des collectivités pour l’université ? Parce que les collectivités ont longtemps vécu sans faire vraiment attention aux universités, à l’enseignement supérieur.

Vous voyez, vous dites université, et puis ensuite vous dites enseignement supérieur. Moi, je ne dirais pas qu’elles ne se sont pas investies avant dans l’enseignement supérieur. Cela fait depuis les années 1990, donc cela fait déjà assez longtemps qu’elles le font. Vous voulez dire si vous comparez aux années 1960. Il y a plusieurs choses. Il y a le positionnement des collectivités, il y a le contexte. Dans l’histoire de l’université, là je ne parle que de l’université et pas de l’enseignement supérieur, pour que les collectivités locales s’investissent, il faut que les universités aient un minimum d’autonomie. Dès les années 1970, moi je pense que les collectivités se sont intéressées à leur université. Certaines au moins. D’abord elles ont construit des antennes sauvages. Et puis par l’intermédiaire de la recherche et des écoles d’ingénieur. L’université moins, oui la question c’est pourquoi ou est ce que ? Il y a certainement un enjeu politique là dessous. Moi je pense que dès que la possibilité a été ouverte elles l’ont fait. Pour que cela soit possible il fallait déjà qu’on ait les régions. Il n’y a que les régions ou les très grosses communes pour faire cela. Pour les régions il faut quand même attendre quasiment 1985-1986 pour que tout soit en place. Pour les grosses communes il faut attendre les décrets d’application de la décentralisation. Avec l’augmentation des budgets. Donc, dès le moment où il y a eu décentralisation effective, il y a bien un investissement avec des antennes sauvages des choses comme cela. Moi je trouve que c’est plutôt aller assez vite. Vu la tradition française en matière d’Education nationale, cela avance assez vite. Mais il y a des profils. L’université de Limoges, elle sait ce que c’est que les relations avec les élus parce qu’elle a été portée par les élus. C’est un peu une extrême. Après il y a aussi une question d’ambiance ou de tempérament locaux. La participation bretonne par exemple avec des réseaux d’acteurs très ouverts. Vous avez la capacité des élus à investir ce champ.

Vous voyez quelque chose à ajouter ?

Il y aurait sûrement encore beaucoup de choses à dire. Mais là je crois que j’ai fait à peu près le tour.