Entretien avec Guy BARRIOLADE – Directeur de cabinet de Michel NOIR de 1990 à 1995 et secrétaire général de la Communauté urbaine de Lyon de 1995 à 2002 –17 avril 2002

L’entretien se déroule dans le bureau de Guy Barriolade . Il dure 45 minutes.

Est ce que vous pouvez tout d’abord vous présenter ?

Je ne vous raconte pas le détail de ma carrière qui a commencé il y a bien longtemps. Au départ, j’étais ingénieur de l’armement pendant 12 ans après la sortie de l’X et ensuite simplement pour ne pas aller à Paris, je suis parti dans l’administration de l’Etat et puis territoriale ensuite. Tout d’abord dans ce qu’on appelait les missions régionales. A Lyon. Et puis ensuite j’ai été chef de mission à Dijon. Et puis en 1982, cela a été l’année de la décentralisation, les lois Deferre et on a partagé les missions régionales certains services restant au service de l’Etat et devenant le SGAR, et l’autre partie devenant les services du président du Conseil régional et aidant l’exécutif. Donc, là, je suis parti créer les services de la Région de Bretagne. J’y suis resté huit ans de 1982 à 1990. Je voulais revenir à Lyon et j’ai trouvé le poste de directeur de cabinet de NOIR qui venait d’être élu président de la communauté urbaine. C’est comme cela que je suis arrivé à Lyon. Sachant que le poste de directeur de cabinet n’est pas un poste politique à la Communauté urbaine, j’entends. Dans les communes comme la Ville de Lyon, c’est relativement politique mais à la communauté urbaine qui est une instance de second degré, le directeur de cabinet, c’est un peu le représentant permanent du président. C’est ce qui se passait avec NOIr. Quand on cumule, c’est le mal français, une mairie, un poste de parlementaire et une présidence d’intercommunalité, on passe très peu de temps dans l’intercommunalité. C’est ce que faisait NOIR. Je crois que Gérard COLLOMB a un peu inversé la tendance. J’ai tenu ce poste de directeur de cabinet jusqu’aux élections de 1995. En 1995, Raymond BARRE a été élu un peu contre l’équipe de NOIR que représentait CHABERT, enfin même complètement. Et tout le monde pensait que j’allais être viré manu militari, et c’est ce qui vous prouve que le poste de directeur de cabinet n’est pas un poste politique, BARRE m’a pris comme directeur général des services. J’ai fait cela jusqu’à l’arrivée de Gérard COLLOMB avec qui je suis resté quelques mois. Il est arrivé en avril et moi je suis parti en 2002. Je suis parti d’un commun accord avec lui, parce qu’il voulait quelqu’un de plus proche de lui et puis je ne pouvais pas finir le mandat, j’étais trop vieux, et donc de mon côté je ne voulais pas m’engager dans un nouveau mandat. Je n’étais pas tout à fait au lancement de la Manu. NOIR a été élu en mars 1989 et a pris la communauté urbaine en juin 1989. Et comme c’était un type qui avait des qualités et des défauts mais dans ses qualités, il y avait le dynamisme, il a lancé tout de suite un certain nombre de projets. Et moi, je suis arrivé en février 1990. Avant moi, il avait pris un type comme directeur de cabinet qui s’appelait GARAGNON. Un universitaire, professeur de droit à Lyon III. GARAGNON était un universitaire, c’est pas une critique, mais qui n’était pas du tout fait pour un boulot où tous les matins il faut faire 50 choses dans tous les sens. Cette affaire de Manufacture, il a dû la lancer très vite en 1989. Au début je ne sais pas exactement comment cela se passait. Il était avec DUBERNARD, ils étaient très associés sur cette affaire. Ils ont appris que la Manufacture des Tabacs déménageait et ils ont pensé qu’il y avait une opportunité pour installer une université. Moi, quand je suis arrivé, la procédure était bien engagée. J’ai fait le rôle du directeur de cabinet c’est-à-dire de suivre les affaires importantes, compliquées, qui marchent mal. Je suis intervenu ponctuellement. C’était important mais pas très compliqué. Il y avait des problèmes plus administratifs que techniques.

Le projet comporte quatre tranches et associe de multiples partenaires : l’Etat, la région , le conseil général, le Grand Lyon et la ville de Lyon. Cela vous a semblé facile de se mettre d’accord avec tous ces partenaires ?

Là aussi, cela a du se faire avant [l’arrivée de M. BARRIOLADE au Grand Lyon]. A l’époque, il y avait une espèce de lune de miel local, cela marchait très bien. NOIr avait fait des conseils d’agglomération. C’était un organisme tout à fait informel qui réunissait le préfet, MILLON, MERCIER qui venait d’être élu et NOIR. Cela marchait bien. Je ne parle pas du préfet mais MILLON, MERCIER et NOIR étaient des hommes nouveaux. Ils avaient un peu le même profil et donc ils s’entendaient bien. Cela ne marchait pas mal. Ils discutaient des grands problèmes, Saint-Exupéry, la Manufacture des Tabacs. Il me semble bien que l’accord s’est fait sans grande difficulté. Quant à l’Etat, ce qui m’a toujours frappé c’est que c’était une préfiguration d’université 2000. Je disais que c’était NOIR qui avait donné l’exemple au ministère [de l’Education nationale].

Michel Noir a été important dans le lancement du projet ?

Oui, oui. Moi je suis un quasi-inconditionnel de Michel NOIR. Je trouve vraiment dommage qu’à un moment donné, il ait un peu pété les plombs parce que c’est ce qui s’est passé. Mais c’était un excellent maire. Je vous le dis d’autant plus facilement que moi je ne suis pas noiriste donc je pense être assez impartial. J’ai connu pas mal d‘hommes politique dans ma vie et c’est un type qui avait des vues à long terme. Il savait ce que c’était qu’une ville. Une ville c’est un peu comme un être humain, cela vit, il y a du sang qui circule, c’est un système complexe. Et il faut manier ce système avec précaution. Et en plus, il avait le souci du détail quotidien. Il était embêtant parce que le week-end, il se baladait un peu partout et puis le lundi, il téléphonait et il disait : « vous n’avez pas bouché le trou sur l’avenue Garibaldi ». Et par dessus le marché, il avait un dynamisme et même une espèce de brutalité. Quand cela n’allait pas, on avait l’impression qu’il allait vous flanquer sa main sur la figure ou presque. A côté de cela , il avait des côtés moins sympathiques et puis ensuite il a eu les problèmes que vous savez. Cela, c’est autre chose. Mais c’était un bon maire. A Lyon, les gens le regrettent.

C’est une difficulté de travailler à plusieurs ?

Non, pas trop. Moi j’ai un exemple, celui de l’ENS. C’est un dossier que BARRE m’avait demandé de suivre. C’était une grosse opération puisqu’il y avait 50 000 m². Dans des délais très contraints, on aurait dû prendre un an de plus. Là on travaillait avec l’Etat, la région, le département et le Grand Lyon. On a réussi à bien travailler mais en fixant des règles au départ. C’est-à-dire qu’il y a un maître d’ouvrage et les autres ne sont que des financeurs. Pour l’ENS, on a encore perfectionné le système. On a fait un pot commun où on mettait toutes les dépenses et toutes les recettes. Les autres collectivités suivaient sans difficulté. On les tenait informées, on faisait des réunions fréquentes et le jour où il y avait des problèmes. Sinon, cela marche très bien, la difficulté c’est quand tout le monde s’occupe de tout. Cela peut être une catastrophe. Si on a fixé le projet au départ avec des règles du jeu cela marche bien. C’est d’ailleurs plus généralement des financements croisés. On dit c’est une catastrophe. Moi j’en suis un peu revenu parce que tout dépend comment on travaille.

Vous étiez souvent en contact avec les fonctionnaires des autres institutions ?

Sur la Manufacture, non. Non, parce que je vous dis je m’occupais de la vie quotidienne du chantier. Moi, j étais en contact avec les services du préfet parce que c’est là qu’il y avait des problèmes administratifs, de permis de construire, des trucs comme cela. Avec le conseil général sauf dans des réunions très générales . On faisait des réunions de coordination entre le directeur des services et le directeur de cabinet des institutions et on balayait tous les problèmes communs et en particulier celui-là.

Avec le milieu universitaire lyonnais ?

Non pas du tout. Là c’était essentiellement DUBERNARD et un peu NOIR. DUBERNARD qui sortait du sérail.

Ensuite pour la tranche 1bis et pour les tranches suivantes, le projet est inclus dans des dispositifs contractuels, le schéma Université 2000 et puis ensuite les contrats de plan.. Ce sont des procédures qui associent prioritairement l’Etat et la région, comment est ce que vous étiez associé aux négociations ?

Aux contrats de plan, au pluriel parce que j’ai plusieurs expériences et dans le temps et dans l’espace, les collectivités infra-régionales sont très mal associées. Je l’ai vécu du côté de la région, puisque j’ai fait le contrat de plan en Bretagne et puis ensuite du côté des autres collectivités, la région a tendance à garder cela vraiment très personnellement. Pour plusieurs raisons. D’abord parce que c’est compliqué d’associer tout le monde. Dans une région comme Rhône-Alpes, vous avez quand même huit départements, je ne sais pas combien de communes si on prend les plus grosses cela en fait vite 50 ou 100. Si vous associez Lyon, pourquoi pas Grenoble, pourquoi pas St Etienne, pourquoi pas Valence. Je comprends un petit peu. Je l’ai vécu en Bretagne et c’est vrai que c’est compliqué. Et puis, il y a une raison un petit peu psychologique c’est que la région a besoin de s’affirmer face aux autres collectivités. Les régions ont besoin de trouver leur place et en Rhône-Alpes plus qu’ailleurs. Il y a une spécificité locale ici, c’est Charbonnières. La région est à Charbonnières. Quand j’étais en Bretagne, on échangeait beaucoup avec les autres. Le fait d’être là-haut, ils sont un petit peu dans un bunker et psychologiquement ils se sentent isolés. J’ai vécu à Rennes où on était [les services de la région Bretagne] dans un bâtiment contigu avec celui de la préfecture de région. On se voyait de très près. J’ai vécu avant à Dijon où j’étais chef de mission [régionale], on était dans les bâtiments du conseil général. Ils ont une espèce d’esprit de je ne sais quoi, enfermé dans leur tour là-bas. Quand ils ont un os à ronger, ils se le rongent. Et le contrat de plan, c’est un peu cela. Le dernier, c’était caricatural puisque l’Etat et la région l’ont négocié. Alors bien sûr, on leur demandait : « où est-ce qu’on en est ? ». Et eux nous répondaient : « Ne vous en faites pas, on va vous associer… ». Et puis un jour, je revois ce truc, c’était en décembre 1999, le préfet et Anne-Marie COMPARINI ont invité les présidents de conseils généraux et les grandes villes par département. Dans le Rhône, il y avait MERCIER, BARRE et quelques autres maires. Et en gros, ils ont dit : « voilà, vous signez là. » Ceci étant, cela ne s’est pas passé tout à fait comme cela pour l’université parce qu’avant il y avait U2000 et U3M. Je me souviens pour université 2000, c’était un peu différent parce que, comme je l’ai dit, c’était la première fois que les universités intervenaient. Donc c’était nouveau, il fallait le mettre en place. Et puis, il y avait des partenaires universitaires et tout le monde se mettait autour de la table. C’était le volet du contrat de plan qui a été le mieux négocié avec les collectivités. Là, on avait notre mot à dire. On a réussi à faire des inflexions. Je ne sais plus ce qu’on avait fait sur Université 2000 mais sur U3M un peu.

C’est facile de peser sur les négociations ?

Je ne peux pas vous répondre globalement. Cela dépend des partenaires. C’est plus facile quand c’est Barre ancien premier Ministre ou quand c’est Noir première version. Quand il venait d’être ministre, il avait balayé la vieille équipe alors qu’à la fin de son mandat en 1994, quand il était empêtré dans ses affaires judiciaires, on ne pouvait pas négocier. Tout dépend des conditions. Mais c’est globalement difficile. Même avec Barre, dans la partie universitaire, moi, j’avais fait des calculs savants, et j’avais remarqué qu’il y avait, je n’ai plus les chiffres, en tête mais mettons 30% des crédits consacrés aux bibliothèques. Je m’étais dit que c’était beaucoup et je l’avais dit à Barre. Et il avait dit au préfet et le préfet lui avait répondu comme savent faire les préfets avec la plaque : « Monsieur le Premier ministre, je ne manquerai pas de le rapporter au ministère. » Et puis au bout du compte, on s’est aperçu qu’ils avaient changé un tout petit peu les crédits affectés.

Le volet enseignement supérieur, cela se négocie essentiellement avec le Préfet ?

Vous touchez un point sensible. Les rapports préfet-recteur sont très délicats. Chacun a en principe son domaine de compétence. Le recteur a tout ce qui est pédagogie et gestion du personnel, et le préfet a tout ce qui est investissement. Sauf qu’il y a des recoupements. Et donc là encore, c’est un peu un rapport de force. Cela dépend des hommes, s’ils ont envie de s’entendre ou pas. Ils sont contraints de s’entendre parce qu’il faut faire avancer les choses. C’est plutôt marrant d’ailleurs. Mais ça, c’est plutôt un plus pour les collectivités. Négocier avec des gens qui ne s’entendent pas, c’est plus facile que négocier avec des gens qui s’entendent.

Vous souhaiteriez l’ouverture du CPER aux autres partenaires ?

Oui, tout en sachant que cela n’est pas évident. Je crois que ce serait quand même plus intéressant. Moi, je suis un peu critique sur les régions qui font beaucoup de clientélisme. Vous savez comment sociologiquement sont les conseillers régionaux. Pour faire les listes, il faut avoir des gens d’un peu partout. Vous avez les coins perdus de l’Ardèche, j’ai rien contre les coins perdus de l’Ardèche, mais ils sont sur-représentés par rapport aux villes comme Lyon. Vous avez aussi le fait que souvent le mandat de conseiller régional c’est un lot de consolation. Le type qui n’a pas été député, parce qu’il fallait mettre une femme ou je ne sais quoi, on va le mettre conseiller régional. Et en plus, ils défendent chacun leur petit pré-carré et la région, elle a une tendance à être comme cela. C’est beaucoup plus valorisant de mettre des panneaux de basket marqués région dessus dans toutes les communes que de dire on va aider l’agglomération lyonnaise à faire une ligne de tramway qui coûte un milliard de francs. Cela c’est un exemple que j’ai vécu. Tout cela fait que les priorités de la région ne sont pas toujours celles que nous nous aurions choisi.

Ceci étant, que les collectivités soient mieux associées, ce serait bien mais si on se met à 50 autour de la table, il n’est pas sûr que cela soit très commode.

Vous m’aviez parlé d’une lune de miel entre les élus locaux au début du mandat de Michel Noir, cela s’est étiolé au fil du temps ?

Oui. Parce que je pense notamment entre MERCIER et NOIR. C’est là où c’est très important parce que vous savez que 75% de la population du Rhône est dans la communauté urbaine et 80% de la richesse. Les deux sont quand même très confondus et si les responsables ne s’entendent pas. Les deux NOIR et MERCIER s’entendaient très bien. C’était une nouvelle génération, la relève. Politiquement, ils n’avaient pas de divergences majeures. Noir était au RPR mais il n’y est pas resté longtemps. Cela marchait bien. Et puis petit à petit, leurs relations se sont un petit peu dégradées. Alors pourquoi ? Pour des tas de raisons. Et en particulier, je ne vais pas vous faire une grosse confidence, je pense que c’est les entourages. Les entourages des hommes politiques sont toujours de très mauvais conseils. Les hommes politiques ont besoin d’être rassurés. Je pense que quand on n’est pas élu, on ne se rend pas compte de ce que c’est. C’est quand même une situation précaire, vous êtes là pour quatre ans, ou cinq ou six. Sauf cas particulier, vous vous dites à la fin du mandat, je vais me faire virer. C’est une situation précaire, ils ont besoin d’être rassurés et ils aiment bien s’entourer de groupies. Moi j’ai vécu cela avec NOIR. Il y avait des gens qui passaient leur temps à lui dire : « Michel, tu es le plus beau, tu seras un futur président de la République. » A un moment, ils [les hommes politiques] finissent par les croire et du coup ils se prennent pour les meilleurs et les autres sont des concurrents. C’est comme cela quoi. Et puis, c’est toujours des conseils du style : « méfie-toi de machin, méfie-toi de truc ». C’est une règle très générale.

Et avec Charles MILLON  ?

Avec MILLON, c’était moins net parce qu’il y a moins de rapport. Parce que la région est à Charbonnières comme je vous l’ai dit tout à l’heure. L’agglomération lyonnaise autant c’est 80% du département, autant c’est 25% de la région. Il n’y a pas la même rivalité. Là où on voyait le problème avec Mercier, c’est au SYTRAL. Noir voulait couvrir Lyon de métro. Mais cela coûte la peau des fesses le métro et Mercier dans son bon sens paysan disait : « pourquoi tant de métro ? » Et là cela coinçait parce qu’ils étaient obligés de s’entendre pour financer. Noir disait mais Mercier veut m’empêcher de faire ce que je veux faire. Voyez, c’est tout ces trucs qui s’accumulent.

Qu’est ce qui légitime l’intervention des collectivités locales dans l’enseignement supérieur ? C’est quand même une compétence de l’Etat.

C’est comme toutes les interventions des collectivités locales, c’est parce que l’Etat n’en fait pas assez. C’est pareil avec le contrat de plan. Le CPER c’est complètement illégitime. Dans le contrat de plan, l’Etat a, petit à petit, perfectionné le truc, maintenant il n’y a que les compétences de l’Etat financées par les collectivités et jamais le contraire. Si par hasard, l’Etat intervenait sur des compétences des collectivités locales, il dirait : « on n’a pas le droit constitutionnellement de le faire ». La légitimité, elle est là. Si vous voulez faire avancer les choses, eh bien, vous devez payer. En général, c’est marrant, les élus font de grandes déclarations en disant : « c’est un scandale, l’Etat se défausse sur nous ». Mais au bout du compte, ils payent parce qu’ils ont envie de faire.

C’est quoi les objectifs quand on finance l’enseignement supérieur ?

Développement économique. Si on veut que les entreprises s’installent ici, il faut qu’on est un système éducatif performant. Je ne pense pas que ce soit une affaire de rayonnement international. Surtout pour la Manu, c’est des premiers cycles. Vous n’allez pas dire à Boston : « j’ai un premier cycle de droit installé dans une ancienne Manufacture réhabilité, ils s’en foutent. » C’est bon pour les troisièmes cycles, des choses qui sont extrémement pointues. C’est mon opinion. Je ne sais pas si les élus partagent là même. L’image c’est un prétexte commode. On peut toujours dire : « vous vous rendez compte ce que ça apporte à l’image. » Il faut voir.

Vous avez tout à l’heure parlé du problème des transferts de compétences ? Vous souhaiteriez que la décentralisation aille plus loin dans le transfert de compétences ?

Oui. L’enseignement supérieur, il y aurait même une réforme plus importante à faire autour de l’autonomie des universités. J’ai lu un article récemment dans la revue La recherche et il y avait un article sur l’état de la recherche en France qui était très intéressant. Et alors, il disait que la France est 10-15éme au niveau de la recherche. Mais il y a un truc amusant, c’est une annonce de l’université de Genève qui recherche un chercheur en génétique. Cela ne pourrait jamais marcher en France. L’université ne peut mettre une annonce pour recruter quelqu’un. Elle doit passer au Ministère pour leur demander l’ouverture d’un poste. Tout le monde se présente même les cloches. Les types, ils ont des points parce que leur femme est séparée de je ne sais quoi. Dans l’annonce, ils disent qu’ils payent en fonction de la valeur du recruté. En France, vous avez trente deux ans et demi, vous avez telle formation, vous avez tant. Les universités françaises sont complètement désarmées là-dessus. Et Genève, c’est 300-400 000 habitants et ils arrivent à avoir une université qui n’est pas mauvaise, c’est pas Harvard mais elle n’est pas mauvaise. En France, on dit la région Rhône-Alpes n’est pas capable de s’occuper de ses universités alors que la région Rhône-Alpes, c’est autre chose que le canton de Genève. Je pense qu’il faudrait d’abord donner l’autonomie aux universités et puis ensuite transférer la responsabilité aux régions. Après la question se pose de savoir ce que ça veut dire de transférer les compétences. La responsabilité de l’éducation c’est toujours l’Etat qui la gère. Ils ont impliqué les collectivités pour le béton, parce que c’est ce qui coûte cher mais en fait cela joue à la marge sur la qualité de l’enseignement. Et là dessus, je ne suis pas sûr que l’Etat transfère. Les collectivités de toute façon mettront le paquet parce que cela fait bien et puis sous la pression des électeurs. Regardez les lycées : quand vous comparez les lycées Pailleron et les lycées que maintenant les régions font avec des architectes en compétition.

Vous pensez que l’Etat se défausse sur les collectivités ?

Oui, complètement. Tout en gardant ce qui est important. L’Etat garde la pédagogie, il garde les profs.

Qu’est ce qui fait que les collectivités rendent dans ce jeu de dupes ?

D’abord, l’Etat est en position de force. Mettons pour les lycées, il négocie avec 22 régions. Donc il peut dire : « si vous n’en voulez pas, cela part ailleurs ». Ca, ça marche. C’est du chantage qui marche. Le contrat de plan, c’est tout à fait cela. Les négociations du CPER au début des élus me disaient : « l’Etat se fout de nous, on signera jamais. » Je n‘ai jamais vu une région qui ne finit pas par signer un contrat de plan. C’est vrai que quand elles font vraiment trop le forcing, elles arrivent à gratter un petit quelque chose.

Quand les collectivités financent, on se base sur des conventions.

Oui, je pense qu’il faut en passé par là. Si on admet que les collectivités financent des investissements qui ne sont pas de leurs compétences propres, et qu’elles sont toutes d’accord pour le faire, il faut bien passer par des conventions.

Quel niveau institutionnel vous paraît être le plus à même de gérer les politiques d’enseignement supérieur ?

C’est la région. Surtout dans des petites régions.

Vous voyez quelque chose à ajouter ou quelque chose qui résumerait votre pensée ?

Il y a un truc marrant à creuser, c’est pourquoi la communauté a arrêté d’être maître d’ouvrage déléguée de la tranche 1bis. C’est parce que NOIRr s’était engueulé avec le président de Lyon III. Ce n’était pas lié au suivi du projet. Il y avait peut être un peu une histoire de négationnisme. Je crois surtout que ROLAND avait dû dire à un journaliste que les collectivités traînaient les pieds. NOIR n’était pas content du tout. Et puis ensuite, il y a une autre affaire. Le rectorat avait fait une évaluation et on avait dit que ce n’était pas assez. Ce qui s’est avéré vrai par la suite.