Entretien avec Anne-Marie COMPARINI – Présidente de la région Rhône-Alpes de 1999 à 2004 – 29 juillet 2004

L’entretien se déroule dans les locaux de la permanence parlementaire d’Anne-Marie COMPARINI, à Lyon. Il dure 1 heure.

Anne-Marie COMPARINI a 57 ans. Elle est députée de Lyon. Son engagement politique est cependant avant tout marqué par l’importance des mandats régionaux. Dès le référendum de 1969, elle s’est intéressée à la région. Pour Anne-Marie COMPARINI, c’est le bon niveau de gouvernement : c’est à partir de ce niveau institutionnel que peut s’articuler le global et le local, la mondialisation et la gestion de cette mondialisation. Pour elle, le débat sur la décentralisation a, à ce titre, était très décevant. Le Premier ministre a reculé sur de nombreuses questions.

En tant que présidente du Conseil régional, elle a participé aux négociations avec l’Etat. Avant la négociation, elle a cherché à associer autour d’elle, les présidents de Conseils généraux et les représentants des chambres consulaires qui étaient invités à des réunions. Elle était en contact avec le préfet de région mais aussi avec les ministres concernés (le préfet lui disant parfois : « pour le reste, il faut voir avec le ministre »). Elle souligne le fait que le préfet est souvent assisté d’un représentant de l’administration concernée dans les réunions thématiques. Un directeur de l’Agriculture pour le volet « agricole », un directeur de l’Equipement pour le volet « Infrastructures ». Elle a tenté de modifier cette situation en proposant un amendement récent à l’Assemblée nationale. Il proposait qu’il y ait un représentant régional par secteur au niveau de l’Etat. La place Beauvau est cependant rentrée « en ébullition ». Ses relations avec Claude ALLEGRE étaient très bonnes. Le problème s’est plus posé (« comme toujours avec les ministres ») avec son entourage. Claude ALLEGRE partageait des convictions avec la présidente de la région Rhône-Alpes sur la nécessité de renforcer le potentiel scientifique et universitaire de la région Rhône-Alpes. Mais la négociation avec le ministre s’est plutôt bien passée. Elle a eu plus de difficultés avec la négociation du volet « Tourisme » qui l’a opposée aux proches du ministre. Elle avait en effet fait faire une étude par l’université de Lausanne sur les enjeux du développement touristique. Défendant un tourisme rénové, facteur de développement économique, elle s’est heurtée à l’administration étatique sur ce point. Anne-Marie COMPARINI s’est également très fortement opposée aux représentants de l’INSERM et du CNRS qui ne voulaient pas renforcer les pôles de recherche en Rhône-Alpes. Les représentants des groupes politiques du Conseil régional étaient également associés aux négociations : elle organisait ainsi une fois par mois une réunion qui regroupait l’ensemble des représentants des groupes politiques de l’assemblée régionale où elle leur faisait part de l’avancement des discussions avec l’Etat.

Dans ces contacts avec les universitaires, la présidente s’appuyait sur la Conférence universitaire Rhône-Alpes. C’est à ce niveau qu’elle avait des discussions avec les universitaires. Elle n’a ainsi entretenu aucun contact avec des directeurs d’UFR. Elle souligne la différence d’attitude entre Lyon et Grenoble. Dans le domaine des sciences, Grenoble est présenté comme plus dynamique, plus réactif que Lyon. Par exemple, le passage d’un représentant de « MOTOROLA », intéressé par la spécialisation en nano et micro-technologie, a suscité une mobilisation très rapide des scientifiques grenoblois. Si la thématique choisie par Lyon (Biotechnologie liée au traitement du cancer) lui paraît excellente, elle souligne que les Lyonnais ne travaillent pas encore ensemble. Elle souligne le rôle important joué par le recteur d’académie qui a poussé les présidents d’université à élaborer des accords. Elle note que seul un recteur peut « gronder des présidents d’université, un élu n’est pas en position de le faire ». Alors que je lui fais remarquer qu’elle parle beaucoup des projets scientifiques et peu des unités de sciences humaines et sociales , la présidente précise que les unités de sciences humaines et sociales ont bénéficié dans le précédent contrat de la mise en place de la MRASH (Maison Rhône-Alpes des sciences de l’Homme). Cette création était très importante dans la perspective de la venue de l’ENS à Lyon. Elle permettait de renforcer le potentiel scientifique des universitaires lyonnais et d’apaiser leurs craintes qui portaient sur la venue de l’ENS à Lyon.

Elle remarque l’intérêt des prises de position actuelles des présidents d’université. Réunis à Bordeaux, ils ont ainsi rédigé un document qui lui semble aller dans le bon sens. Ils y expriment la nécessité de la création d’un corps unique d’enseignant/chercheur et la défense de la spécificité de la recherche universitaire face aux grands organismes de recherche. Elle souligne cependant qu’ils lui ont dit qu’ils avaient une tendance à se couper de leur base. Faisant le parallèle avec la crise de la représentation qui affecte les élus, elle se demande, si les présidents, lors de la négociation des CPER, ont associé les membres de leur établissement.

Anne-Marie COMPARINI note le rôle de l’université et du développement scientifique dans le développement économique. Elle donne ainsi l’exemple de Grenoble qui a réussi l’articulation entre recherche fondamentale et application industrielle. Elle donne également l’exemple des « pépinières » de La Doua sur Lyon mais souligne, là encore, le retard lyonnais dans ce domaine.

Anne-Marie COMPARINI insiste sur le respect de l’autonomie des universités. Parce qu’elle ne veut pas d’université régionale « à la PASQUA », elle n’est jamais intervenue dans les discussions qui associaient les présidents d’université. Les élus locaux ont en effet souvent des vues « idéologiques » qui ne sont pas compatibles avec la liberté de l’enseignement et de la recherche qui doit marquer le fonctionnement des établissements. Elle souligne que l’antenne de Bourg-en-Bresse est par exemple un échec. Les jeunes ne souhaitent ainsi pas faire leurs études à Bourg-en-Bresse, mais souhaitent aller à Paris ou à Lyon. Les élus doivent donner une feuille de route aux universitaires. Elle note la grande confiance qui entourait leurs échanges. Elle regrette que les investissements se fassent par l’intermédiaire de financements croisés. La région intervient ainsi sur le logement et les départements sur l’enseignement supérieur. Elle se prononce pour un décroisement qui permettrait de ne plus associer plusieurs niveaux territoriaux au financement. Elle remarque cependant que les élus des Conseils généraux veulent souvent investir dans des domaines « nobles ». Parce que l’enseignement supérieur est un facteur de développement économique, ils veulent intervenir dans ce domaine (« parce que c’est l’avenir »). Ayant essentiellement des compétences dans le domaine social, les présidents de Conseils généraux ne veulent pas se limiter à ces compétences. Elle souligne que si elle était élue départementale la question, par exemple, de l’allongement de la vie et de son encadrement la passionnerait. La présidente insiste également sur le fait que l’investissement doit aussi se faire dans l’apprentissage tout au long de la vie. Elle insiste sur son attachement aux mesures en direction des « infra-niveau 5 » (ceux qui n’ont pas le bac) et qui doivent pouvoir bénéficier de mesures de formation pour faire face aux évolutions des besoins de main-d’œuvre.