Entretien avec Georges CONSOLO – Directeur du cabinet de Charles MILLON et directeur général des services de la région Rhône-Alpes de 1989 à 1993 – 14 février 2003

L’entretien est réalisé au téléphone et dure vingt minutes. L’acteur nous précise qu’il n’a pas un souvenir très précis du déroulement du projet.

Le projet de la Manufacture des Tabacs est lancé par Michel Noir en 1989. Michel NOIR veut récupérer les bâtiments. La région est favorable à l’idée. Elle veut y mettre des premiers cycles. L’idée est de mélanger Lyon II et Lyon III dans les locaux parce que les élus de la région et de la communauté urbaine ne trouvaient pas très convenable d’avoir des universités qui se séparent sur des critères politiques. Qu’elles soient en concurrence sur le plan pédagogique allait encore, mais les concurrences politiques n’apparaissaient pas très convenables. La Manufacture aurait justement été l’occasion de faire cohabiter les deux universités. Le monde universitaire y semblait favorable. Mais l’idée a été ensuite abandonnée. L’accueil au sein de la région est plutôt favorable : Charles MILLON était favorable au projet. Les socialistes sont également favorables puisque Université 2000 est un projet lancé par Lionel JOSPIN et Claude ALLEGRE. Ils apportent donc leur soutien. Il y a des gens qui sont opposés au projet que cela allait forcement coûter cher. Charles MILLON sait entraîner sa majorité sur le financement des universités parce qu’il lui semble important sur le plan du développement régional. C’est en fait l’occasion d’entraîner l’Etat sur des opérations un peu plus innovantes : la région a un projet de constitution d’une université technologique à l’Isle d’ABEAU avec l’idée de faire une université qui soit plus professionnelle. L’Etat est sensible au projet. L’enseignement supérieur vu comme quelque chose qui est évidemment d’intérêt régional.

Le pari des collectivités est d’infléchir, de peser sur la politique de l’Etat en mettant de l’argent sur des opérations innovantes. L’effet de levier est jugé assez important pour des sommes qui sont relativement modeste : l’Etat, ayant la compétence, c’est lui qui assure le financement de l’essentiel. L’argent mis par les collectivités permet seulement de mieux fonctionner d’où un effet de levier qui est jugé assez important.

La Manufacture des Tabacs est un projet innovant mais qui fait long feu. C’est par des tours de table financier que s’élabore le montage financier du projet. Les acteurs impliqués regardent combien chacun peut mettre « au pot commun ». C’est la préparation habituelle de toutes opérations.

Sur le plan des contacts, le conseil régional était en lien avec le SGAR (Patrick HENRY) sur les questions universitaires. Les contacts entretenus avec les universitaires se font par l’intermédiaire de la CURA.Les points faits sur la recherche sont parfois l’occasion d’évoquer les questions d’implantations. Georges CONSOLO se souvient de réunions relativement nombreuses avec les recteurs d’académie. Le conseil général également aux décisions (« N’oubliez pas que JAMET et MERCIER sont deux anciens universitaires ») et la communauté urbaine sont associés aux discussions. L’essentiel est préparé par le rapport GENTOT. Le choix reste quelque peu mal explicité : il semble que chacun ait regardé combien il pouvait mettre et ensuite le nombre des opérations a été arrêté.

Sur les questions universitaires, l’acteur dominant est l’Etat. « C’est l’Etat qui mène le jeu jusqu’à maintenant, on verra par la suite ce qui ressortira de la décentralisation. »
Les collectivités ont un certain poids dans le financement, même si l’Etat a l’initiative dans ce domaine. Sur le plan U2000 c’est une affaire de « gros sous » : il y a en effet urgence. Les actions les plus innovantes se font forcement sur les choses pointues sur les troisièmes cycles, sur la recherche, pas sur les 1ères années de DEUG.

Les déficits successifs du budget de l’Etat depuis 20 ans expliquent le recours aux financements croisés. La part de l’investissement étatique est relativement faible dans ce budget. Mêmes sur ses compétences, l’Etat se reporte sur les collectivités locales. Georges CONSOLO insiste sur le fait que ces financements hors compétences ne sont pas absurdes. Les contribuables régionaux ou lyonnais doivent aussi supporter les investissements universitaires puisque ce sont eux qui profitent le plus des nouveaux équipements. Cela permet aux collectivités d’orienter les projets également.

S’il y a un risque c’est celui du « sur investissement ». La multiplication des financeurs peut aboutir au financement de projets qui ne présentent pas un intérêt décisif. Mais pour Georges CONSOLO, « les financements croisés ne sont pas en eux-mêmes diaboliques ». Il y a un risque de revendication indue du projet par une collectivité alors même qu’elle n’en finance qu’une partie. L’inconvénient majeur des financements croisés est qu’ils sont consommateurs de temps. C’est pourtant le coût de la démocratie. La compétence exclusive d’un niveau sur un sujet donné n’est absolument pas évidente. Il y a toujours quelque chose qui réintroduit un intérêt régional, communautaire, départemental ou communal. « Si la législation est complexe, c’est aussi parce que le législateur a une exigence de justice. La simplicité n’est pas toujours un gage d’équité. » Les financements croisés permettent à chaque niveau institutionnel de peser sur les projets. Il y a un côté enchère également : quand une ville moyenne veut avoir par exemple son IUT, il faut qu’elle mette de l’argent dans le pot commun.

Les compétences ont du sens parce qu’il faut que les acteurs sachent qui est le leader sur un projet. Quand on un leader est désigné, les autres ne peuvent que s’associer au projet, association qui se fait dans les marges qui sont définies par le leader du domaine. « On fonctionne plus par responsable pivot que par bloc de compétence. » Il n’y a finalement pas de sujet sur lesquels les collectivités locales n’aient rien à dire. Par contre, quand on choisit des leaderships il faut qu’ils aient une certaine cohérence : il ne serait pas logique de donner la formation professionnelle à la région et d’attribuer la formation continue à une autre collectivité. Le fait de désigner un leader est une chose essentielle : il faut que les acteurs sachent qui décide. L’éducation est un domaine qui est complexe : l’Etat a la responsabilité du niveau, mais il n’a pas l’exclusivité du financement.