Entretien avec Jean-Richard CYTERMANN - Directeur de la DPD de 2000 à 2003 –10 juin 2003

L’entretien est réalisé dans des locaux du ministère de l’Education nationale à Paris. Il dure 1 heure.

Je vais vous demander de vous présenter.

J’ai été directeur de la DPD de mai 2000 à novembre 2003. J’ai plutôt suivi la mise en place que la négociation. La négociation, je l’ai suivie en étant au cabinet mais pas dans les détails. Dans les négociations, mon rôle était éventuellement de donner un coup de main en cas d’arbitrages difficiles. J’ai procédé notamment à la rédaction des lettres de mandat qui ont été envoyées au préfet de région et au recteur. Dans le rôle du suivi, bien que ce soit venu non logiquement après la négociation de U3M, j’ai rédigé le schéma de services collectifs. J’attribuais les enveloppes chaque année aux préfets de région. J’ai été également amené à aller aussi sur le terrain lorsqu’il y avait une difficulté particulière. Et donc à Lyon, je suis intervenu sur les problèmes de Lyon II. A la fois la mise en sécurité de Bron pour répartir les efforts entre les partenaires et sur les problèmes de la reconstruction de la bibliothèque après l’incendie.

Vous avez suivi le lancement du projet de la Manufacture des Tabacs ?

Oui, j’ai suivi la Manufacture des Tabacs. Je sais quand cela s’est décidé. J’étais à la DPDU à l’époque et donc j’ai plutôt participé bon à l’élaboration mais j’ai été en charge aussi du suivi même des constructions à l’époque. Mais j’en ai beaucoup entendu parlé. Pas dans le détail mais j’en ai entendu parlé. J’étais par exemple à chacune des réunions avec Claude ALLEGRE où chaque région présentait ses objectifs pendant Université 2000. Je n’ai pas participé, par contre, aux négociations politiques qu’il a pu avoir avec telle ou telle région.

Vous m’avez parlé de votre rôle dans la rédaction des lettres de mandat…

Oui, pour la rédaction des lettres de mandat il y avait une adaptation à chaque région en fonction des priorités que le ministre avait définies. On avait corrigé, enrichi à partir des premiers canevas que les préfets avaient fait remonter des régions.

Dans le cas de Rhône-Alpes…

Rhône-Alpes, je crois que cela a été assez difficile à boucler. Pourquoi ? Il n’y avait pas forcément une cohérence entre ce que souhaitait la région et ce que souhaitait le ministère. On avait envie de résoudre l’ensemble des problèmes de restructuration des campus, en particulier Bron-Parilly, La Doua. Mais bon il n’y a pas eu de difficultés particulières non plus. Le seul problème, c’est que l’enveloppe a dérapé et la région voulait des compensations. Des compensations qui ont pu être promises par le ministère alors qu’il n’avait pas forcément les moyens financiers de tenir ses promesses.

Vous aviez un interlocuteur privilégié au niveau local pendant les négociations ?

C’est un peu compliqué parce que théoriquement l’institution moteur en matière d’investissement c’est le préfet. Donc c’est plus compliqué dans le cas de l’enseignement supérieur parce qu’il y a un équilibre préfet / recteur à trouver. D’un autre côté, le préfet ne peut pas faire grand chose s’il n’a pas la coopération du recteur. Donc nous c’est plutôt avec le recteur. Il y a les cas qui sont encore plus compliqués quand il y a plusieurs académies sur une même région. Le préfet peut avoir tendance à arbitrer entre les deux recteurs. Surtout si on a un système avec un recteur fort et un recteur faible. Comme il y a eu parfois en Rhône-Alpes où le recteur BANCEL n’avait pas le même poids que le recteur de Grenoble. Mais encore, dans la dernière période, c’était plus équilibré. Les difficultés, on les a eues plus sur Lyon que sur Grenoble. On avait le sentiment que, sur Lyon, il y avait plus de besoin immobilier. Grenoble, ce sont surtout des opérations de recherche qui ont été mises en avant. Lyon avait des campus qui étaient en mauvais état par rapport à ceux de Grenoble. Cela je crois que c’est quand même quelque chose qui est indiscutable. Il y a eu des choses compliquées aussi à Lyon avec les débats sur la région. Avec MILLON. Alors que dans Université 2000, c’était l’inverse : c’était une région qui était plutôt mise en exemple. Mais le problème de la région, il s’est surtout été posé pour les autorités locales. Mais, cela en a posé quand même au ministère parce que le ministre ne pouvait pas rencontrer le président de région. Pour U3M, le ministre a fait venir chaque président de région sauf pour les régions qui étaient gouvernées avec le soutien du FN.

Comment se sont passées vos relations avec les élus locaux ?

Le ministre avait un certain nombre de relations personnelles avec les élus. Il y avait quand même un ministre au gouvernement déjà [Jean-Jack QUEYRANNE, l’ancien maire de Bron]. Mais QUEYRANNE n’était pas interventionniste. Vraiment. Non, il n’y a pas eu de problèmes majeurs à part le problème de MILLON au sein du Conseil régional. Je ne me rappelle plus en quelle année cela a basculé, en quelle année COMPARINI a été élue à la présidence de la région Rhône-Alpes.

Janvier 1999.

Oui, 1999, c’est cela. Pour le plan Université 2000 comme pour U3M ALLEGRE a proposé qu’il y ait des groupes de coordination régionale coprésidée par le préfet et le recteur et cela s’est fait. Il n’y a pas eu de problèmes majeurs. C’est une formule qui administrativement ne tient pas la route mais qui sur le fond n’est pas si mauvaise. Un préfet ne peut pas travailler tout seul avec les universitaires. Ou très mal. Les préfets en général ne tiennent pas trop non plus à rentrer dans les problèmes universitaires. Je sais que le préfet BESSE et BANCEL se sont bien entendus. Il n’y a jamais eu de problèmes. En tant que directeur, moi je voyais les deux, mais bon, on voyait quand même plus souvent les recteurs. Mais par exemple les lettres de transmission de la CAR [la Conférence Administrative Régionale] sont cosignées par le préfet et le recteur. Quand j’allais en déplacement pour régler un problème, je rencontrais les deux. Les établissements s’adressent beaucoup plus au rectorat. Quand c’est l’Etat qui est maître d’ouvrage, c’est le recteur qui assure la maîtrise d’ouvrage. Aujourd’hui avec les collectivités territoriales qui interviennent, il y a un système complexe avec trois ou quatre intervenants. Mais en tant que directeur moi je ne cherche pas les contacts avec les élus locaux. On n’avait quand même l’idée que c’était plutôt sur place que cela devait se négocier.

Vous m’avez tout à l’heure parlé de la rédaction des lettres de mandat qui ont été envoyées au recteur d’académie et au préfet. Comment est-ce que la négociation des enveloppes s’est passée au niveau interministériel puisque U3M est inclus dans le contrat de plan 2000-2006 ?

La négociation des enveloppes a buté sur un problème. L’interministériel avait défini une position qui était qu’aucune région ne pouvait avoir moins que dans le contrat de plan précédent. Avec des conditions démographiques qui n’étaient pas les mêmes. A la limite, on aurait pu en mettre moins sur une région. Ce n’a pas été le cas en Rhône-Alpes. Mais par exemple en Bretagne. La Bretagne avait été très bien servie la fois précédente. Il y avait une grosse vague démographique. On aurait pu penser qu’il fallait mettre moins sur l’enseignement supérieur breton. Mais la Bretagne avait un programme routier et autoroutier qui était fait. Donc, on a fait un effort sur l’enseignement supérieur et la recherche. Il y a ici une logique d’enveloppe globale qui fait qu’on a dû rajouter par rapport à d’autres endroits par rapport à ce que l’on voulait effectivement mettre. Le fait de contractualiser avec un partenaire peut aboutir à une répartition qui n’est pas celle que l’Etat aurait faite, s’il avait été seul. Dans l’équilibre entre ce qui était extension de surface dans U3M et réhabilitation, il a fallu mettre plus en réhabilitation et moins en extension. La réhabilitation, les régions ne voulaient pas la financer. Ce que le ministre avait en plus du mal à accepter, c’est qu’il était pris dans un jeu qui était interministériel. Avec la DATAR. Alors que pour U2000 on s’était rajouté au contrat de plan. Mais on était tout seul en négociation.

Il avait plus d’autonomie ?

Oui, il avait plus d’autonomie. Même si il y a beaucoup de concepts dans U3M que le ministre a inventé. Il y a un certain nombre de principes qui ont été définis par le ministre. Mais en même temps il avait moins à négocier tout seul avec les élus. Parce que cela faisait partie d’un marchandage global avec les routes, avec le transport. Il avait beaucoup de mal à accepter cela. Et puis il était très méfiant envers la DATAR.

C’est difficile les relations entre le ministère et la DATAR ?

Pour moi, j’avais des rapports excellents avec la DATAR. Je tenais à les avoir. Mais pour le ministre, c’était beaucoup plus difficile. Le ministre avait beaucoup de mal à accepter que U3M s’insère dans les schémas de services collectifs. La DATAR n’avait qu’un strapontin sur le groupe de réflexion qui préparait les schéma de services collectifs. Moi, j’étais au cabinet pour déminer un peu le dossier avec la DATAR et puis ensuite j’ai bien travaillé avec eux quand j’ai été à la DPD. Moi, il se trouve que j’ai commencé U2000 au ministère et puis ensuite je suis parti neuf mois chez Mme CRESSON à Matignon. J’ai eu à arbitrer en interministériel Université 2000 avec ALLEGRE en face. Il n’acceptait pas l’interministériel. Quand il y a un CIADT, on travaille sur des plans qui sont préparés par la DATAR. C’était une idée qui lui était insupportable. J’ai à peu près réussi à le faire tenir dans les cordes de la raison. La DATAR, en plus, était plutôt favorable à l’enseignement supérieur et à la recherche. Il n’y avait pas des écarts de principe. La DATAR a même accepté, ce qui était nouveau, l’idée qu’il fallait faire un effort sur la région parisienne. C’est la nouveauté majeure d’U3M.

L’opposition du ministre à la DATAR, elle portait sur quoi si ce n’est pas sur les principes ?

Elle était essentiellement symbolique. Mais cela n’a pas nui. Mais Claude ALLEGRE n’aime pas la DATAR. A la fin, il y a un marchandage, la procédure vous échappe, le bouclage vous échappe. Même à Matignon, c’est compliqué parce qu’il y a le côté sectoriel et le côté aménagement du territoire. Mais il faut dire aussi que la ministre de l’aménagement du territoire [Dominique VOYNET] était relativement énervante.

Vous m’avez dit que la conclusion du contrat vous échappe…

Oui, parce qu’il faut à un moment aboutir à un accord. C’est plus rationnel. Il y a des discussions hors réunion interministérielle avec tel élu influent. Un ministre, de toute façon, il est appelé par des élus influents donc la décision finale, il échappe à la rationalité. On veut qu’il y ait un accord avec toutes les régions. D’abord, on a une enveloppe globale à respecter. Si la région entrait en négociation avant, elle préempterait les ministères. Inversement, il y a un double arbitrage entre les ministères et entre les régions. La DATAR s’est battue pour qu’il y ait moins de routes dans le contrat de plan précédent. Chaque ministère veut en plus émarger au contrat de plan. Pour le ministère de l’Education nationale, toutes les constructions sont contractualisées. Après on ne peut plus rien faire. Ce que Jack LANG quand il est arrivé ne supportait pas bien. Pour Rhône-Alpes, le contrat de plan n’a pas été complètement bien bouclé : on a été obligé de les revoir en refaisant des avenants. On a remodifié sur Lyon surtout à cause des problèmes de Lyon II sur Porte des Alpes. Donc, il a fallu y mettre du contrat de plan et du hors contrat de plan. Cela a été relativement compliqué. Et donc du coup, il faut avoir des réunions avec Bercy. Mais on y arrive.

Vous avez connu les fonctions au cabinet du ministre et la DPD. C’est quoi la différence de rôle entre les deux ?

Au cabinet, les constructions c’est un sujet parmi d’autres. En tant que directeur, j’avais beaucoup de liberté sur le sujet sauf pour la région parisienne où le ministre s’intéressait personnellement. La province l’intéressait moins. Mais, j’ai beaucoup participé à la préparation d’université 2000, c’était quelque chose de très fort.

Sur les opérations immobilières, l’ensemble des niveaux institutionnels français intervient. La région, le département, les communes voire la structure intercommunale. C’est une contrainte d’agir à plusieurs ?

Je crois que l’implication des collectivités territoriales a été un avantage dans la période du plan Université 2000 qui est une période d’explosion complète des effectifs. Je crois que de toute façon, on n’y serait pas arrivé sans l’implication des collectivités. Le deuxième c’est que je crois que cela a contribué à réconcilier l’enseignement supérieur et la Nation. Parce qu’avant l’enseignement supérieur mis à part les filières d’ingénieurs et la recherche avait quand même mauvaise presse. Le plan Université 2000 est un renversement sur ce point. Les élus se sont intéressés à l’enseignement supérieur. En particulier les élus des grandes villes. Troisième point il y a eu un retour de l’université dans les villes. On le voit très bien à Lyon, on le voit très bien à Amiens aussi. Un peu à Toulouse. Les effets du partenariat multiples ont été aussi positifs. Cela a aussi fait émerger des choses. L’inconvénient c’est que comme l’Etat a besoin des collectivités la répartition qui s’effectue entre les régions n’est pas forcément une répartition qui est optimale. Cela a contribué à un émiettement de la carte universitaire. Mais je pense quand même que les avantages sont largement supérieurs aux inconvénients.

Il y a eu des différences dans les rapports aux élus entre U2000 et U3M ?

Le travail intellectuel était déjà fait. Il s’est effectué avec U2000. Et la région et la ville ont accepté sur Lyon de participer. Pour le reste, il y a eu des collectivités qui n’avaient pas fait grand chose sur U2000 et qui se sont plus investies sur U3M.mais grosso modo mis à part ces problèmes d’interministérialité à Paris, il n’y a pas eu de différence de comportement.

C’était plus difficile de convaincre les élus d’investir dans le domaine de l’enseignement supérieur sur U2000 ?

Oui et non. En même temps cela dépendait des collectivités. Université 2000 n’a pu marcher que parce que Claude ALLEGRE a fait un changement radical en acceptant que des IUT aillent dans des villes moyennes. Cela a entraîné l’adhésion des départements et y compris des élus représentant les départements au sein de la région. Il y a eu un équilibre entre ce qui se faisait en grandes villes et en villes moyennes. Ce basculement des IUT a été décisif. Et puis il y a la conception de certains maires qui ont pensé que l’université était un élément de redensification du tissu urbain. Pourquoi untel ou untel a basculé c’est difficile à dire. Ce qu’il ne faut pas oublier c’est que les étudiants et les parents d’étudiants sont des électeurs. Honnêtement, il n’a pas eu beaucoup de mal à faire adhérer au projet les élus. Cela s’est très bien passé par exemple avec GAUDIN à Marseille. Cela s’est très bien passé avec Michel NOIR. il n’y a pas eu de problème. Les régions sur U3M sont même venues sur de nouveaux domaines comme le logement étudiant ou les bibliothèques. Il n’a pas eu trop de mal. Tout n’a pas commencé avec Université 2000 mais la décision majeure cela a été d’accepter les IUT en villes moyennes. Cela a débloqué toutes les négociations.

Vous m’avez parlé des bonnes relations entre Michel NOIR et Claude ALLEGRE. Comment cela s’est passé avec Charles MILLON ?

Avec MILLON, cela s’est bien passé. Il y a eu un colloque à Lyon sur la décentralisation où Claude ALLEGRE était venu. Il y a eu un bon contact avec MILLON. Et puis Claude ALLEGRE n’est pas un idéologue. Pour lui l’essentiel est que le courant passe avec un homme politique. Peu importe la couleur politique. Michel NOIR voulait faire quelque chose pour sa ville. C’était quand même la fin de je ne sais plus combien d’années d’endormissement. Je ne sais plus comment la Manufacture des Tabacs est venu sur le tapis. Je ne sais pas non plus dans quelle mesure, enfin qui a pu servir d’intermédiaire entre ALLEGRE et NOIR. La Manufacture était un des symboles du retour de l’université en centre-ville. Avec Charles MILLON cela a très bien fonctionné.

Et avec le président du Conseil général, Michel MERCIER ?

Et bien le Conseil général du Rhône passe pour une collectivité… enfin en général, il suit. C’est l’impression que j’ai. La région est, je crois, implicitement accepté comme le leader.

C’est une difficulté sur Rhône-Alpes d’avoir deux académies ?

Oui c’est une petite difficulté. Quand on fait les enveloppes chaque année il faut respecter un certain équilibre. Cela permet d’avoir un rôle plus important pour le préfet par rapport aux recteurs. Je sais que sur l’Ile-de-France sur la période précédente entre 1995 et 1997, j’avais travaillé essentiellement avec le SGAR. Mais il n’y a jamais eu de conflits qui sont remontés au ministère. Il y a eu des accords locaux comme j’en ai vu entre Aix et Nice. Mais cela suppose encore des sous équilibres régionaux. Mais, en plus à Lyon, les recteurs sur cette période-là sont restés très longtemps. Mais BANCEL au moment du lancement de la Manufacture des Tabacs il était encore au cabinet, non ?

Oui. C’est Maurice NIVEAU qui était recteur à Lyon à ce moment-là.

Oui il est parti peu après. Parce qu’il ne s’entendait pas si bien que cela ALLEGRE et BANCEL. On avait l’habitude de dire qu’il n’y avait pas de la place pour les deux.

C’est une ressource cela pour un recteur d’avoir fait du cabinet ?

Oui cela peut aider. Tout dépend de du parcours et du réseau de relations qu’on se fait. Mais BANCEL était un recteur très efficace. Il s’était bien intégré au milieu lyonnais. Et puis il était aussi passé par le cabinet, c’est vrai. Et puis sur Lyon il y avait quand même une certaine volonté de réussir. Michel NOIR avait la volonté de bien traiter Lyon II. Alors que la sympathie lyonnaise était quand même pour Lyon III.

Elle a été ressentie comment l’initiative de Michel NOIR par Claude ALLEGRE ?

L’idée de refaire des locaux en ville a été bien reçue. C’était intéressant qu’une grande ville s’engage. L’intérêt d’Université 2000, cela a aussi été de refaire de l’urbanisme universitaire avec des architectes qui ont été engagés. Cela a été vécu comme quelque chose de très positif. Je n’ai jamais entendu de critiques là dessus.

Pendant Université 2000, quels sont les services qui intervenaient au niveau central ?

Il y avait une direction qui s’appelait la direction de la programmation et du développement universitaire. Moi j’ai été plutôt chargé de la carte universitaire et de l’aménagement du territoire. Et puis il y avait un opérationnel qui s’occupait de la programmation. La négociation sur U2000 a été très politique. Les premières décisions il les a prises au niveau politique. Moi j’ai fait quelque chose de simple j’ai fait une carte des villes de plus de 30 000 habitants où il n’y avait pas d’implantations universitaires. Mais alors ALLEGRE avait déjà accordé des choses. On avait des réunions région par région et on regardait ce qu’on pouvait faire là ou là. Moi je l’ai vu prendre son téléphone et appeler l’élu. J’ai entendu des choses comme : « François PONCET est ce que tu veux un IUT ? ». En dehors de toute procédure. Sur les choix, cela a été négocié au niveau politique. C’est Claude ALLEGRE qui a vu tous les présidents de région. Dans U3M le niveau territorial a joué un plus grand rôle quand même. Il y a eu une préparation dans les régions. Là aussi les recteurs et les préfets ont fait des travaux préparatoires. Le terrain a eu un rôle plus important dans U3M que sur U2000. Il y a eu aussi du compromis. Les poitevins n’ont accepté La Rochelle qu’en échange de certaines choses. Et puis sur U2000 comme sur U3M chaque université a pu avoir son projet prioritaire. Le partenariat c’est une logique gagnant / gagnant. Avec sur Université 2000, le sentiment quand même plus fort de l’urgence. La démographie étudiante était vraiment pressante. S’il y a un problème dans ces dossiers c’est le délai entre la réalisation et les accords. Cela prend un temps fou. Il y a autant de procédure que de travaux.

La région est le partenaire privilégié de l’Etat dans la négociation. Etant donné que l’ensemble des niveaux territoriaux financent, il ne serait pas plus logique d’avoir des négociations avec l’ensemble des collectivités ?

Non moi je trouve cela plutôt mieux de négocier avec les régions. Ce qui n’empêche pas les contacts avec les autres collectivités. Mais que les régions soient chefs de file sur les contrats de plan, moi cela me paraît tout de même mieux. Ce n’est pas idiot. Et puis cela permet aussi une émergence des régions. On était là aussi sur une logique gagnant / gagnant.

Qu’est ce qui justifie l’intervention des régions et des autres collectivités dans le financement de l’enseignement supérieur ?

Il y a plusieurs choses. Le financement de l’enseignement supérieur est souvent vu comme une contribution au développement économique. Et cela, c’est de la compétence des régions le développement économique. Et puis pour les départements et les villes, l’enseignement supérieur s’est aussi vu comme quelque chose de très bon pour l’animation des quartiers et le développement économique. Et cela s’intègre aussi dans l’urbanisme. Et puis les étudiants cela permet aussi de faire de la vie dans une ville. C’est le signe du dynamisme pour une ville. Poitiers est une ville où il y a beaucoup d’étudiants. Rennes aussi. Et puis quand on fait un nouveau quartier, les élus essaient d’intégrer des universités. A Lyon je ne crois pas que les collectivités aient tenté d’influer sur ce que faisait les universités. Sur ce qui y était enseignait. Mais il y a des endroits où il y a eu des tentations. Les élus locaux en Lorraine ont voulu jouer le jeu mais avec des rivalités entre Nancy et Metz. Les querelles entre universités suivent les querelles entre villes. C’est un peu absurde. On n’a pas cela à Lyon.

Même dans les relations avec Grenoble ?

Pas trop. En même temps les points forts ne sont pas tout à fait les mêmes. On a pensé un moment donné que Lyon reprenait l’avantage et puis Grenoble s’est ressaisi. Parce qu’un moment donné la physique grenobloise était en crise et puis l’ENS a donné un coup de fouet à Lyon. Mais Grenoble a retrouvé des … Il y a un certain équilibre entre Lyon et Grenoble. Je ne sens pas de rivalités exacerbées. Mais je me trompe peut-être. Ce n’est pas de la guerre de position comme entre Metz et Nancy ou entre Orléans et Tours. Mais par exemple ALLEGRE cela a moins collé avec CARIGNON qu’avec NOIR. CARIGNON voulait créer des chaires municipales ou des choses comme cela. Le ministre ne voulait pas entendre parler de cela. En même temps, on a eu un peu de mal à Lyon à trouver un interlocuteur. Le pôle universitaire s’est fait tardivement.

Oui il y a un contexte particulier. Les relations Lyon II / Lyon III…

Oui c’est très idéologique tout cela. On a cru que cela s’était calmé mais finalement pas tant que cela. Avec VIALLE cela s’était calmé. Et avec GUYOT un peu moins. La gestion du transfert a été difficile. Quand les présidents d’université ont un accord entre eux cela se passe beaucoup mieux. Ils n’essaient pas de se faire la guerre. Mais il y a eu un accord à Lyon. Je ne sais pas comment il s’est fait. Mais les locaux libérés par Lyon III ont été donnés à Lyon II. Et les locaux libérés par Lyon III à la Doua étaient pour Lyon I. Oui. Donc il y a eu un accord. Mais c’était quand même Lyon III qui récupérait les locaux les plus neufs. Mais bon, je n’ai pas entendu parler de problèmes. Parce que quand il n’y a pas d’accord local cela énerve tout le monde. C’est plus compliqué.

Certaines régions en intervenant ont réclamé le transfert de compétences. Vous en pensez quoi de cette possibilité de transférer les compétences aux régions ?

Moi je crois qu’il n’y a pas une demande très forte de transfert de compétences aux régions. Il faut chercher à les associer à autre chose. On ne peut pas demander à quelqu’un de seulement payer. Claude ALLEGRE a cherché à associer au pôle européen et les régions. Avec aussi une forte association des collectivités aux universités nouvelles par exemple. Il faut chercher ce genre de choses. Mais pour moi la ligne c’était de rendre les universités plus autonomes pour qu’elles soient des partenaires et de l’Etat et de la région. Et puis, une compétence qui doit rester nationale. Dès lors qu’on demande aux collectivités de payer elles doivent avoir le droit à une certaine association. Tout en gardant une compétence d’Etat. Donc, ce qu’il faut c’est une meilleure association des collectivités locales et des universités qui soient plus autonomes. Il y a des instances de dialogue. Il faut les associer aux orientations. Cela a été très sain que de plus en plus de partenaires s’intéressent à l’université. Cela a permis aussi de sortir l’université de son monde clos.

Quand on interroge les représentants des collectivités ils disent souvent que c’est un peu un jeu de dupes le contrat de plan parce que l’Etat impose ses choix…

Je ne suis pas sûr. L’Etat n’a pas imposé ses choix. Non je ne crois pas qu’on est demandeur on n’est pas vraiment en position de force. Les régions financent au travers des contrats de plan des compétences d‘Etat c’est vrai, l’inverse l’est beaucoup moins. De ce point de vue là oui c’est vrai. IL y avait aussi des pressions pour qu’elles signent. Mais l’Etat aussi voulait signer et il a du aussi lâcher du lest. Il y a des choses qu’il n’aurait pas fait sinon.

Quand on regarde le financement des opérations, on a beaucoup de financements croisés…

Pas dans toutes les régions, il y a des régions où l’on a décroisé. Parce qu’en plus il y a le problème de la TVA. C’est aussi une des choses qui a débloqué. Moi je pense que décroiser est plus simple. Mais en même temps. Lyon, c’est plutôt croisé en général. Mais la compétence d’Etat me paraît essentielle.

C’est important la maîtrise d’ouvrage pour les collectivités ?

Oui dans certains cas elle la demande, oui.

Vous m’avez parlé des schémas de service collectif, c’est vous qui les avez rédigés ?

Oui c’était un peu absurde puisque cela s’est fait après les contrats de plan. Ils auraient du guider la négociation. Mais c’était un exercice imposé. Quand je suis arrivé rien n’avait été fait. Je les ai fait en trois mois. On a affirmé quelques principes comme la spécialisation. L’idée c’est qu’on ne peut pas être bon partout. Mais cela n’intéressait pas les schémas de service collectif. Moi, cela m’intéressait. Voilà. Les autres directions comme l’enseignement supérieur ou la technologie n’avaient pas grand chose à apporter. Il n’y avait pas beaucoup de prospective là-dedans. Mais beaucoup de choses qui sont dans le schéma c’est Claude ALLEGRE qui les avait introduites dans U3M. Les plate-formes technologiques c’est lui. Les pôles européens c’est lui. Honnêtement, j’ai manqué de matière. Qu’est ce qu’implique le développement de la formation continue ? Qu’est ce qu’implique le développement des NTIC ? Moi j’aurais bien aimé travailler là dessus mais je n’avais pas de réponses. Mais le ministère n’a pas les moyens de faire cela. C’est peut être les transports qui le font le plus ça. Mais c’est plus facile de faire de la programmation d’équipements lourds.

Vous voyez quelque chose à ajouter sur ces questions ?

Non, je crois qu’on a fait le tour.