Entretien avec Roger FOUGERES - Président de la commission enseignement supérieur du conseil régional de 1999 à 2004 - 25 février 2002

L’entretien se déroule à Villeurbanne dans le bureau de Roger FOUGERES. Il dure 1h30.

Je vais tout d'abord vous demander de vous présenter.

Oui, je m'appelle Roger Fougères. J'ai 61 ans, j'habite à Villeurbanne. Je suis professeur d'université. J'ai dirigé un laboratoire de l'INSA qui est associé au CNRS. Je dirige actuellement une fédération de six laboratoires rhône-alpins, deux à Lyon dont mon laboratoire, deux à St Etienne à l'Ecole des Mines et deux à l'INPG à Grenoble. C'est une fédération de recherche qui est sur trois sites. Ma discipline c'est la physique et la mécanique des matériaux et je m'intéresse plus précisément aux questions de ruine, d'endommagement des matériaux sous l'effet de sollicitations thermiques et mécaniques. L'idée c'est de prédire le comportement des matériaux. Ca c'est ma fonction professionnelle. Ma fonction élective : je suis conseiller régional du Rhône au sein de la région Rhône-Alpes et je préside la commission enseignement supérieur-recherche.

Vous êtes au conseil régional depuis quand ?

C'est mon deuxième mandat. La première fois c'était en 1992 et j'ai été réélu en 1998. Lors de mon premier mandat j'ai participé à la commission recherche et à la commission enseignement supérieur. Les deux commissions étaient alors séparées. et dans ce mandat-là elles ont été fusionnées.

Quel est le rôle de ces commissions dans les politiques d'enseignement supérieur de la région ?

Il faut peut-être revenir sur le fonctionnement de la région Rhône-Alpes. La région fonctionne avec un exécutif régional qui est constitué de la présidente et de 8 vice présidents. L'exécutif est homogène politiquement, la présidente et les vice-présidents sont tous UDF. Suite aux événements de 1998, la gauche plurielle avait voté pour Mme Comparini devant l'alliance entre Millon et le Front National. L'exécutif est entièrement UDF. Le groupe UDF est de 13 membres sur 157 conseillers régionaux. Donc pour fonctionner, il faut trouver des majorités à 79. Bien que nous soyons dans l'opposition, nous avons considéré qu'il était nécessaire de faire fonctionner la région Rhône-Alpes et dans le cadre d'un dialogue républicain avec la présidente et les vice-présidents, on apporte souvent les appuis aux projets de la présidente. Mais ce n'est pas suffisant puisque 60 [il y a 60 conseillers de la gauche plurielle à la région Rhône-Alpes] et 13 cela fait moins de 79, la présidente est donc obligée d'aller chercher des voix supplémentaires le plus souvent au sein du RPR. Ce qui fait quand même que la région a aujourd'hui beaucoup de difficultés à fonctionner parce que pas de majorité politique très affirmée, une faiblesse de l'exécutif du fait que le parti de la présidente ne compte même pas 10 % des élus du conseil régional. Cela pose quand même un certain nombre de difficultés quant aux enjeux, quant aux grandes réformes qui peuvent être faites. Mais bon quand même, il y a des choses très intéressantes qui peuvent être faites. C'est donc en tant qu'opposant mais dans le cadre d'un dialogue républicain que je préside la commission enseignement supérieur-recherche. D'abord comme pour toutes collectivités il y a un budget. Comme la présidente n'a pas de majorité, le budget n'est pas voté. La loi a été modifiée de façon qu'elle puisse appliquer le budget qu'elle a proposé même s'il n'est pas voté, pour peu qu'une autre majorité ne propose pas un budget. En général, c'est ce qui se passe, elle propose un budget, il y a une discussion budgétaire qui s'engage. Parfois nos amendements sont intégrés et il y a un budget.

Avant d'être voté, le budget est étudié par les commissions qui peuvent faire des amendements. Chaque commission étudie les documents budgétaires proposés par l'exécutif dans son domaine de compétence propre. Ensuite, le budget passe devant la commission permanente qui est aussi l'assemblée plénière. Tous les conseillers régionaux sont dans la commission permanente. Cette commission permanente vote ou non les dossiers qui lui sont soumis. Le rôle de la commission est un rôle d'étude des dossiers qui lui sont soumis. Mais la commission peut aussi avoir un autre rôle : elle peut constituer des groupes de travail sur des sujets dont elle se saisit et elle peut par exemple, par ce biais, créer de nouvelles procédures. C'est ainsi qu'au sein de la commission enseignement supérieur recherche, j'ai présidé un groupe de travail qui a proposé d'étendre les bourses d'enseignement supérieur à l'étranger aux lycéens et pour les étudiants entre bac et bac +2. On a donc étendu le dispositif ce qui a été accepté. Il y a plusieurs groupes de travail qui existent comme cela sur des procédures nouvelles ou sur des modifications. On peut également se saisir de dossiers prospectifs. J'ai, par exemple, fait travailler la commission sur la perspective de la mise en place d'une université virtuelle au sein de Rhône-Alpes. Il y avait là aussi des présidents d'université, des directeurs d'école etc. Voila les fonctions de cette commission : une fonction d'analyse des dossiers donc mais aussi une mission prospective. En tant que président de la commission, je vais beaucoup sur le terrain, je visite toutes les universités de Rhône-Alpes sauf une, Lyon III, pour les raisons que vous connaissez et pratiquement toutes les grandes écoles de Rhône-Alpes. Il y a donc des contacts avec tous les présidents d'université, les directeurs des grandes écoles etc. C'est une partie du travail d'un président de la commission enseignement supérieur.

Et dans la négociation du volet enseignement supérieur recherche du contrat de plan ?

Oui, bien sur nous avons joué un rôle. Il y a eu des groupes de travail et j'ai été tenu régulièrement informé. J'ai même pu introduire un certain nombre de choses. Par exemple, l'exécutif dans le dernier contrat de plan n'était pas très chaud pour financer de la recherche dans le domaine des sciences humaines et sociales. Au niveau de mon groupe, nous pensions que c'était extrêmement important parce qu'il y a des problèmes sociaux en Rhône-Alpes qui sont extrêmement importants et il me semblait que la recherche dans ce domaine pouvait éclairé ces problèmes en améliorant notamment la prise de décision. On a fait une pression extrêmement forte pour qu'il puisse y avoir 36 millions de francs prévus pour la recherche en sciences sociales dans le CPER. On a aussi pu intervenir sur les questions d'orientation des étudiants à la fin du premier cycle universitaire. Là encore, on a impulsé, fait des propositions qui ont pu être intégrées plus ou moins. Ce qu'on peut dire aujourd'hui c'est que globalement c'est positif même si on avait disposé d'une majorité forte , on aurait fait des choses beaucoup plus importantes que ce qui a été fait aujourd'hui. Mais cela c'est déjà un commentaire politique.

Vous avez directement été associés aux négociations avec le représentant de l'Etat ou cela passe plus par l'exécutif ?

Cela passe d'abord par l'exécutif mais la commission et son président sont associés. C'est un pouvoir d'initiative. J'étais mis au courant par les services de l'état d'avancement de la négociation. J'ai même parfois représenté la région dans certaines discussions. Mais cela, c'est en accord avec les vice présidents.

L'ensemble des collectivités s'implique sur ces domaines de l'enseignement supérieur. Vous portez quel regard sur ces implications croisées ?

D'abord peut-être un commentaire sur la façon dont le dernier contrat de plan a été élaboré. Nous n'étions pas très satisfaits de la méthode d'un point de vue global. La discussion a commencé à se faire dès 1998 et la région n'était pas en état politiquement d'assurer une anticipation sur les questions du CPER. Ceci s'est fait de manière un peu technocratique. Je pense qu'il serait tout à fait préférable que la région qui est le partenaire principal dans le CPER de l'Etat puisse sur son territoire anticiper et prendre l'initiative de la consultation des forces vives régionales. Eclairé par ces consultations, on pourrait définir un projet qui serait les grandes orientations du contrat de plan Etat- région. Et ensuite, on pourrait négocier avec l'Etat le contrat de plan. Je trouve que cela a été mal fait. Cela m'amène à votre question sur les autres collectivités. Je pense que la région aurait pu prendre l'initiative de la consultation des autres collectivités, cela s'est fait mais tardivement, une fois que la négociation avait été commencée. On a été amené à demander à des collectivités d'intervenir. Je pense que ce sont des choses positives, le fait que les collectivités interviennent, s'intéressent à l'enseignement supérieur. Mais sur le plan de la méthode, on aurait pu anticiper plus largement les choses et peut-être avoir un contrat de plan qui, non pas quantitativement mais qualitativement, aurait été meilleur même s'il n'est pas mauvais. Pour revenir sur votre question, je vois d'un très bon oeil que les collectivités locales s'impliquent dans les financement. Bon, je sais que notamment à gauche cette position n'est pas partagée par tous. Le PC pense que c'est principalement l'Etat qui doit intervenir, moi, je pense que les collectivités avec au premier de leurs rangs la région, doivent intervenir sous la houlette de la région. Dans le domaine de l'enseignement supérieur, dans le domaine de la recherche, on a intérêt à rapprocher du citoyen les décisions qui sont prises. Qu'on se comprenne bien, il n'est pas question de décentraliser tout le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche vers les régions. J'ai fait des propositions dans le cadre de mon parti dans ce domaine : je pense qu'il faut que les régions aient un rôle plus important. je pense qu'elles pourraient gérer le patrimoine des établissements d'enseignement supérieur et de recherche avec un transfert de compétences et de moyens. Par contre, je ne suis pas favorable à ce qu'on transfère les diplômes aux régions, il faut que les diplômes restent des diplômes nationaux. Cela ne veut pas dire que localement, il ne puisse pas y avoir des choses spécifiques mais il faut quand même que l'architecture d'un cursus ait une dimension nationale. cela me semble être une garantie d'égalité pour les jeunes, pour les étudiants etc. Je pense que les collectivités ont une intervention de plus en plus importante dans les budgets de l'enseignement supérieur et de la recherche. Par exemple, la région Rhône-Alpes dépense presque 600 millions de francs (350 en enseignement supérieur et 220 en recherche et technologie), c'est donc important. Ce que j'ai proposé c'est que les régions deviennent le troisième partenaire de la contractualisation des établissements. Le PS propose qu'il y ait un troisième partenaire qui serait les régions. On aurait une imbrication dans un système cohérent de l'implication des régions en tenant compte de leurs besoins ; cela serait introduit, mis en cohérence dans un effort national. L'Etat pourrait tenir comptée des disparités régionales et faire un effort de solidarité vis-à-vis des régions pauvres. Cela permettrait de modifier complètement les choses. Un autre domaine où je souhaite un transfert de compétence ce serait celui du transfert de technologie et des aides aux entreprises, aux PME-PMI qui seraient transférés aux régions dans le domaine de la mise en place avec les moyens qui vont avec. Là encore, on a encore besoin de proximité. La région est bien placée pour incarner ce niveau de proximité. On pourrait là encore envisager une péréquation entre les régions les plus riches et les régions les plus pauvres. Le rôle de l'Etat est d'assurer l'égalité des chances de façon à ce qu'il n'y ait pas d'inégalité de nature territoriale. Si on continue comme ça, on se retrouvera à terme avec trois ou quatre régions en France et puis un désert dans les autres. On voit bien la richesse d'une région comme Rhône-Alpes de par sa puissance notamment dans le domaine de l'enseignement supérieur, elle a un avenir assez intéressant à partir du moment où l'économie se développe de plus en plus sur la connaissance. Cette connaissance elle est dans les milieux universitaires et scientifiques. Je suis donc assez confiant pour l'avenir d'une région comme Rhône-Alpes. On ne peut pas en dire autant pour des régions qui sont de taille plus petite. Là, l'Etat doit jouer son rôle de solidarité entre les régions et donc en aider certaines plus que d'autres.

Vous avez tout à l'heure parlé de la décentralisation, vous vous êtes prononcé pour un transfert de compétence au profit des régions. La situation actuelle est différente : l'Etat a seul la compétence de l'enseignement supérieur. Vous portez quels regards sur cette implication régionale dans le domaine de l'enseignement supérieur ?

Moi, je porte un regard positif. Nous sommes rentrés dans une société et par conséquent dans une économie de la connaissance. C'est absolument fondamental. Les régions qui ont la chance d'avoir un potentiel scientifique et universitaire peuvent s'appuyer sur cette richesse. Il y a cinquante ans, on extrayait du charbon et du pétrole de la terre. Aujourd'hui, je pense que les puits de pétrole et de charbon sont au milieu des universités et du milieu scientifique. L'extraction est à faire à partir de ça. Pour faire cette extraction, cela suppose de la proximité. c'est en ce sens que je vois les régions s'impliquer là dedans. Parce qu'elles ont compris que quelque part c'est leur avenir qui se joue là dedans, même si ce n'est pas de leurs compétences. Il y a des domaines qui sont stratégiques pour les collectivités et dans lesquels elles doivent s'investir. C'est le discours que je tiens pour les politiques régionales. C'est le discours que je tiens dans mon groupe qui l'a aujourd'hui bien compris. Il ne lésine aujourd'hui plus pour augmenter les budgets de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cela parait un atout décisif dans le contexte actuel. C’est important pour le développement au sens large : c'est à la fois le développement par la création d'entreprises, de start-up qui vont ensuite se développer, mais c'est aussi d'attirer les entreprises internationales sur nos territoires. On sait bien que l'un des facteurs importants dans les choix de son implantation pour un entrepreneur est de trouver un environnement scientifique qui soit de qualité de façon à ce qu'il puisse y avoir accès de manière permanente. C'est absolument fondamental. C'est avec l'Etat les régions qui doivent accompagner ce mouvement. C'est un atout majeur dans une concurrence entre les territoires au niveau européen. En France, les régions n'ont pas toute la taille de Rhône Alpes. Comparé aux régions d'Europe, Rhône-Alpes est d'une puissance quasiment équivalente même si on n'a pas les mêmes moyens. A terme, je pense que ce mouvement de décentralisation doit devenir plus important et qu'on revisite, qu'on redéfinisse la taille des régions en en fusionnant certaines par exemple. Si on garde les régions comme elles sont découpées actuellement, il faut qu'on ait des accords de coopération entre les régions notamment dans le domaine de l'enseignement supérieur. Si on regarde le sud-ouest de la France que je connais bien parce que j'en suis originaire, la région Limousin, Poitou-Charentes voire la région Aquitaine ont intérêt à se mettre ensemble parce qu'à ce moment là elles auraient un potentiel universitaire qui serait assez large et diversifié pour répondre aux exigences.

Est ce que quand même ce n'est pas un peu facile pour l'Etat de faire financer ces politiques par les collectivités locales sans transférer ni les compétences ni de moyens supplémentaires aux collectivités locales ?

La situation actuelle elle est telle qu'elle est parce que les lois de décentralisation n'ont pas été poursuivies. On en est resté aux lois de décentralisation de 1982-83. Moi, je plaide pour une poursuite de la décentralisation. Dans le projet socialiste qu'on vient de voter un acte deux de la décentralisation est prévu. Il faut un nouvel acte, c'est évident. Je verrais bien le transfert du patrimoine aux régions. Mais comme pour les lycées, à partir du moment où les élus s'intégreront là dedans, il y aura plus que ce que met l'Etat. Parce que les élus voient sur le terrain l'effet de leurs politiques et ils sont plus à même de bien saisir les enjeux qui peut y avoir derrière les politiques d'enseignement supérieur et de recherche. C'est un point important. Il faut de plus que les régions aient un rôle plus important dans la diffusion de la connaissance technique et scientifique. On est aujourd'hui face à un paradoxe : on sait bien que le développement futur va se faire par la connaissance mais la production de connaissances dans un certain nombre de domaines est très contesté dans la société. Je pense aux OGM, je pense au nucléaire. Il faut expliquer les choses. Il y a des garde-fous à mettre en place. Il faut donc former des citoyens qui soient conscients des risques et de la nécessité de poser des garde-fous. La région pourrait jouer un rôle important là dedans. J'essaye de mettre en place à Villeurbanne des conférences citoyennes en accord avec le maire. Mais cela suppose de former les gens pour les mettre dans une situation où ils peuvent se former leurs propres jugements.

Vous m'avez parlé des autres modèles institutionnels européens. C'est un obstacle, une faiblesse l'absence de poids des régions pour la France ?

La France est un pays centralisé, qui reste centralisé. La gauche a fait une réforme de la décentralisation qu'il faut poursuivre. Il faut rapprocher la décision du citoyen en donnant notamment plus de pouvoirs aux régions. Je n'irai pas jusqu'à la suppression des conseils généraux mais il faut absolument poursuivre. Il faut que les régions jouent un rôle extrêmement important. Pour autant, il faut que l'Etat conserve un rôle et puisse exprimer une solidarité de façon à ce qu'il n'y ait pas d'inégalité d'origine territoriale. Je pense que si on laisse une décentralisation s'opérer librement, on va très vite aboutir à des inégalités très importantes entre les régions. Il faut que l'Etat soit vigilant. On a un double mouvement : un mouvement de décentralisation, de nouvelles formes de contractualisation mais sans doute avec un rôle de l'Etat donnant les grandes orientations et assurant la solidarité entre les régions. C'est ce double mouvement qui est fondamental. Il faut pas moins d'Etat mais mieux d'Etat. Tout ce qui peut être transféré aux régions sans risque doit l'être.

Les collectivités interviennent...

Seulement pour le financement des murs. Ce qui est déjà naturellement très important mais il n'y a pas d'intervention sur le financement des bourses de mobilité internationale par exemple. Les collectivités interviennent seulement sous l'égide de la région dans le cadre des CPER sur le financement de la construction universitaire. Je pense qu'il faut conserver à la région cette vocation d'avoir une visibilité complète de son territoire. il faut aussi donner une certaine lisibilité aux actions pour le citoyen. Il ne faut pas qu'on dise : "tout le monde s'occupe de tout."

La région, pour des raisons de taille, vous apparaît être le niveau institutionnel pertinent pour gérer les politiques d'enseignement supérieur...

Absolument. On a un potentiel scientifique qui est suffisamment large, diversifié pour qu'on puisse mener une politique dans une région comme Rhône-Alpes.

Vous portez quels regards sur les dispositifs conventionnels souvent utilisés pour institutionnaliser les liens entre les partenaires ?

Il se trouve qu'aujourd'hui chacun est confronté à trouver des financements. Dans le cadre du CPER, les deux partenaires essentiels ce sont l'Etat et la région. C'est le préfet de région et la présidente du conseil régional. Ce sont eux ensuite qui mobilisent mais cela se fait dans un ensemble cohérent. Je vous ai dit que la méthode qui avait été utilisée pour ce CPER ne faisait pas assez appel aux forces vives qui ont des choses à dire. Dans un mouvement ascendant, on aurait pu avoir des projets qui s'expriment, qu'on fédère et des projets qui ne soient pas une expression technocratique mais des forces vives. Je pense qu'une région peut faire appel à une collectivité. Si demain on me dit que l'enseignement supérieur est du domaine exclusif de la région, je ne vois pas pourquoi les autres collectivités iraient financer. Mais ceci dit il y a un petit danger à cela. Je vois bien pour Villeurbanne : sur le campus de La Doua, il y a 400 millions de francs qui vont être injectés dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche. La ville met 8 millions de francs. C'est peu mais c'est beaucoup. Parce que nous sommes associés aux décisions. On a aujourd'hui un projet d'Institut des sciences analytiques. Il y avait de grosses interrogations pour savoir où on mettait cet institut. La ville est intervenue au travers de ma personne pour dire qu'il faut le créer sur un site qui permet de bénéficier des effets de proximité pour les entreprises. Il fallait donc un terrain suffisamment larges pour que des entreprises puissent physiquement s'implanter tout près. Cela, c'est la ville qui l'a amené parce qu'elle a mis 8 millions. Ne soyons pas très schématique et faisons en sorte que les collectivités puissent être associées financièrement ou pas aux projets parce que c'est leur propre territoire qui est en cause. Cela ne veut pas dire qu'elles doivent s'investir de façon très importante. Mais mettre un peu d'argent dedans, c'est une manière d'être présents autour de la table. Il faut être pragmatique mais, là aussi, c'est une affaire de dominante. Il faut que la région soit dominante mais que les autres collectivités soient associées au moins pour ce qui concerne directement leurs territoires.

Quelle légitimité vous accordez au droit public pour encadrer les politiques puisqu'on passe au travers des compétences au moyen des conventions ?

Oui mais c'est aussi comme cela qu'on fait avancer les choses. Souvent, le droit en France n'a fait que combattre des pratiques qui, en droit, étaient illégales. Dans une perspective d'évolution c'est important. On peut avoir des revendications. Par exemple, lors du précédent mandat, tous les investissements allaient sur Gerland. Tout allait sur Gerland, les investissements de la communauté urbaine, de la ville et même de la région. On a fait évoluer les choses. Les 400 millions qui ont été affectés à La Doua c'est parce que des élus se sont mobilisés à tous les niveaux : au niveau de la COURLY, au niveau de la ville de Villeurbanne et au niveau de la région. J'en sais quelque chose parce que j'ai obtenu dans le cadre de la participation régionale 20 millions de francs pour aménager le campus de la part de la région. Et puis dans les négociations du CPER, j'ai fait en sorte que le campus de la Doua soit parfaitement bien considéré.

Il y a un vrai mouvement au sein du monde universitaire pour se regrouper dans des instances comme le PUL ou la CURA...

Oui et c'est excellent. Une collectivité comme la région a besoin de points de vue majoritaire des universités. Pour prendre un exemple, l'université virtuelle. Evidemment, les établissements peuvent faire des choses chacun de leur côté. Mais on peut aussi imaginer des collaborations, ce qui va se faire d'ailleurs, avec des modules communs. On peut donc mutualiser. On peut aussi considérer qu'il y ait un portail unique pour les universités rhône-alpines. C'est une proposition que j'avais faite et qui a été retenue par Anne-Marie COMPARINI. Pour faire tout cela, on a besoin d'interlocuteurs qui ont leur propre projet de façon à ce qu'il y ait un travail de synthèse qui soit déjà élaboré. Les régions qui n'ont pas cela ont du mal à faire des politiques ambitieuses parce qu’on a, là, des interlocuteurs de qualité qui peuvent s'organiser. Par exemple, l'espace européen de recherche qui va se mettre en place et bien c'est la CURA qui va faire des propositions en matière d'enseignement supérieur. C'est fondamental pour une lisibilité au niveau de l'Europe. Je regrette d'ailleurs que le PUL ne fonctionne pas aussi bien que son homologue grenoblois. Pour des raisons politiques, la situation de Lyon III n'est pas quelque chose qui favorise la coopération entre les établissements. Parce qu'il existe à Lyon III des choses qui sont inacceptables et qui polluent l'image de l'université lyonnaise à l'extérieur.

Des élus qui veulent s'intéresser à ces politiques d'enseignement supérieur ont besoin d'interlocuteurs qui soient capables de dire ce que leurs établissements sont capables de faire.

Je vais plutôt m'adresser là à l'ancien membre de la commission enseignement supérieur-recherche. Pendant cette période, Michel NOIR et Jean Michel DUBERNARD avaient lancé le projet de la Manufacture des Tabacs. Vous aviez été associé aux discussions ?

Non, aucunement. J'ai surtout été impliqué dans la commission recherche. Toute la procédure actuelle qui existe, c'est moi qui a eu l'idée de cela. parce que je suis du milieu et j'ai transféré ce qui se passe dans le milieu au niveau institutionnel. A l'époque, c'est Alain MERIEUX avec qui je m'entendais bien qui a mis en place cette chose là. La situation n'était pas du tout la même dans la commission enseignement supérieur. C'est depuis ce mandat-là que notre rôle a été beaucoup plus important compte tenu de la situation politique. On est, je le rappelle, dans l'opposition et il en n’est pas moins vrai que nos propositions sont prises en compte par l'exécutif. A l'époque il y avait une majorité politique qui était la même au niveau de la région et au niveau de la COURLY, je ne vois pas pourquoi ils seraient aller chercher des opposants. Aujourd'hui ce n'est pas pareil parce que la situation politique à la région n'est pas la même et puis la majorité à la COURLY et à la ville de Lyon a changé. Gérard COLLOMB a beaucoup plus d'intérêt pour la Doua que Raymond BARRE en avait. Gérard COLLOMB a une vision globale de l'agglomération et il a besoin de toutes ses forces. le potentiel qu'il y a ici sur la Doua en matière d'enseignement supérieur et de recherche, c'est le plus grand campus de France. On est le premier campus en terme de liaison avec le monde industriel pour les contrats de recherche. Il y a beau avoir deux ENS à Gerland, c'est bien, mais dans le domaine de la recherche l'ENS lettres, ce n'est pas l'ENS sciences. C'est bien, c'est valorisant, mais en terme de potentiel, ce n'est pas le potentiel qu'on peut avoir sur la Doua. Raymond BARRE avait une position élitiste, si vous voulez du développement, Gérard COLLOMB a une vision beaucoup plus juste, à mon avis, qui est une vision de l'ensemble des forces de l'agglomération qu'il faut mettre en valeur pour que Lyon soit reconnue comme une ville universitaire puissante dans le contexte européen. Il y a de la gauche et de la droite là dedans mais il y a surtout une claire vision des forces de l'agglomération. L'idéologue n'est pas celui qu'on pense.