Entretien avec Jean-Charles GALLINI – Secrétaire général de l’université Lyon II de 1973 à 2003 – 12 mai 2003

L’entretien est réalisé dans les locaux de l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon. Il dure 1 h.

Je vais tout d’abord vous demander de vous présenter

Alors oui, Jean-Charles GALLINI, ancien secrétaire général adjoint de l’Université Lyon II. Je suis à la retraite depuis cette rentrée ci.

Vous êtes rentré à Lyon II depuis quand ?

Je suis à Lyon II depuis sa naissance nouvelle. J’ai été affecté à Lyon II à ma sortie de l’IRA. J’ai donc trente ans d’université derrière moi. Précisément à l’occasion de mon départ à la retraite, j’ai rappelé au président Gilbert PUECH que Lyon II avait trente ans le 26 juillet. Comme Lyon III d’ailleurs. J’ai toujours exercé à Lyon II en tant que secrétaire général adjoint. Philippe LUCAS, qui était le deuxième président de Lyon II, m’avait demandé d’être son secrétaire général mais je n’ai pas voulu à ce moment là. Ce n’était pas vraiment le moment donc je suis resté secrétaire général.

Comment le projet de la Manufacture des Tabacs a été accueilli à Lyon II quand NOIR et DUBERNARD ont annoncé leur souhait de réhabiliter ces locaux ?

Il est tombé à un moment où si on avait bien quelque chose avec Lyon III c’était bien le dénuement et d’une manière générale les effets globaux de la scission. L’absence de postes ou l’absence de locaux étaient communs aux deux universités. C’est tombé à un moment où Lyon II était elle même en recherche de locaux et Michel CUSIN et son équipe avait esquissé plusieurs hypothèses de travail qui les unes après les autres ont été évacuées. Ce qu’on a retenu finalement c’est que puisque Lyon III se voyait proposer une extension hors les quais, Lyon II se devait, compte tenu du potentiel de Lyon II, de récupérer des locaux. Le potentiel de Lyon II était incomparable : le nombre d’enseignants, le nombre de chercheurs, d’étudiants surtout, le nombre de centre de recherche, le nombre de services divers que nous avions étaient bien supérieurs. Et je ne gomme pas du tout les besoins de Lyon III parce que Lyon III avait des besoins criants. Au regard de la Manufacture des Tabacs, nous revendiquions les m² que Lyon III devait abandonner dans le périmètre quai/Pasteur. En même temps, notre conseil de l’époque avait une position ferme qui était : pas question d’accepter l’éparpillement géographique. Dans les conseils d’université de Lyon II de 1986 à 1991 vous pouvez retrouver cette position. Notamment les vice-présidents de Michel CUSIN, Henri COMTE chargé des moyens et Alain BONNY qui était chargé de la communication et des relations internationales. Ces deux vice présidents ont beaucoup travaillé ensemble sur le problème des locaux. La position c’était pas question de s’éparpiller. Cette position venait du fait que simultanément nous avions déjà un ancrage à Ecully surtout sur le versant recherche science économique. S’y était installé l’ISEOR en raison de la proximité de l’ancienne école supérieure de commerce aujourd’hui Ecole Supérieure de Management. Cette implantation s’était étoffée avec le centre de recherche sur l’économie des changements technologiques, maintenant GATT. C’est une petite implantation mais pleine de signification parce que c’était deux entités recherche qui se localisaient hors les murs. L’état des lieux étant celui là on s’en satisfaisait. Mais en même temps on a des hypothèses de travail : il y a eu l’entrepôt des TCL qui se trouve pas très loin d’ici, derrière la rue Chevreul. Il y a eu un moment, mais c’était une hypothèse très théorique, le quartier Général Frère. Il y a eu le marché gare. Il y a eu ce que Michel CUSIN appelait en rigolant le terrain de l’Université « Confipote » ; c’était le grand terrain de l’ancienne usine avenue Mermoz qui en partie maintenant a été acquise pour le complexe « Clinique Européenne » qui est en cours de construction. Toutes ces hypothèses ont été examinées de près. Le campus de Bron a été pour nous un véritable bagne : dans les années 1967-68, c’est Lacroix Laval qui a été proposé à Lyon II. Pourquoi l’assemblée constitutive provisoire de l’ex Lyon II a refusé, je ne saurais vous le dire. Mais un des éléments était certainement que se profilaient à l’horizon la valorisation de l’est lyonnais. Ce qui pour nous a toujours été un leurre sinon une escroquerie. Bron a toujours été un véritable challenge depuis sa mise à disposition. Mais cela a été un élément de la culture Lyon II. Le campus de Bron a mobilisé l’ensemble des Présidents, leurs équipes parce que pratiquement Bron a été fait par nous envers et contre tout. Malgré cette absence de valorisation. Quand Bron a été créé, on nous l’a présenté comme un concept architectural qu’on nous a présenté comme génial et qui est nul sur le plan de l’utilisation des matériaux. A l’époque, Bron devait être un élément d’un tissu urbain qui devait l’enserrer. Le tissu urbain on ne l’a jamais vu. Bron est resté dans son désert pendant des années. Quand on a commencé à voir évoluer l’environnement autour, cela a été tout ce qu’on veut sauf des choses valorisantes pour l’université. C’est aller du cimetière communautaire en passant par Pizza Hut, Auchan etc. Nous ont échappé tous les terrains sur lesquels le campus aurait pu s’étendre l’université. On a été aidé par aucune collectivité locale de l’époque. Ni Saint-Priest, ni Bron, ni aucune autre d’ailleurs. IL a fallu qu’on se débrouille seul face aux déboires de fonctionnement de Bron. Maurice BERNARDET, quand il a pris son mandat, avait menacé le recteur de l’époque, le Recteur LOUIS, de ne pas assurer la rentrée de 1974. Tellement les problèmes de sécurité étaient évidents. Bron est né, a vécu, s’est déployé mais toujours sur des initiatives de Lyon II. Quand il a fallu développer le campus, on l’a toujours fait sur des initiatives qui étaient les notre. Bron nous a pompé énormément de notre budget parce qu’il a fallu refaire l’ensemble de la chaufferie, il a fallu reconcevoir tout le système de chauffage de Bron puisque Bron c’est du fer et du verre. Ce n’est pas la peine d’épiloguer là dessus, vous voyez ce que cela peut donner à chauffer. Ensuite, cela a été la couverture qui a pris l’eau, l’étanchéité a été très mal faite. On a menacé le Rectorat d’arrêter le fonctionnement du campus. Finalement, le recteur, avec l’arrivée d’un nouvel ingénieur s’est rendu compte de la gravité du problème. Moi, j’avais même conseillé au président de l’époque Philippe LUCAS d’entamer une procédure en référé. Finalement, le rectorat nous a bien aidé. Les toitures ont été refaites. Cela n’a pas été simple parce que toutes les entreprises qui avaient fait Bron avaient disparu, donc, nous avons dû nous retourner contre leurs assurances. Et puis, ce problème réglé, est venu l’étranglement de Bron parce que les effectifs ont continué à monter. C’était la période de Michel CUSIN. Michel CUSIN a fait venir le Ministre à l’occasion de tout autre chose. Heureusement le ministre [Claude ALLEGRE en fait] est venu par un jour d’orage et il s’est rendu compte de ce que pouvait être Bron par un jour d’orage. Il a déclenché un plan d’urgence ce qui nous a valu la création de l’amphi Lumière et puis, ensuite, le complexe CASSIN qui a déjà meilleure allure. Mais simultanément, toutes les emprises foncières jouxtant le campus continuaient à nous échapper. La communauté urbaine avait des projets : un parc paysager, un parc scientifique. Autant de choses qu’on nous a fait miroiter depuis pas mal de temps. Là encore, c’était de l’escroquerie. Parce que les informations qu’on avait étaient des informations fortes. Puisqu’on avait décidé de rester sur Bron, et donc de jouer la valorisation de Bron, nous, on a joué le jeu mais les partenaires ne l’ont pas fait. On a fait Bron alors pas financièrement parce qu’on en avait pas les moyens. On était le seul campus avec Lyon III à ne pas disposer de terrains de sport. Il se trouve que le sport, c’était mon truc. Un jour, on a réuni les étudiants de l’association sportive et on leur a dit : « augmenter le droit sportif en le fléchant de manière à créer une enveloppe pour construire une halle des sports ». On a été aidé par les événements puisqu’au même moment, on a eu le plan VALLADE. VALLADE c’est l’ancien Ministre de l’enseignement supérieur de l’époque qui ensuite est devenu Président du Conseil général d’Aquitaine. Il a créé une espèce de plan qui consistait à dire aux universités : « proposez-moi un projet qui rentre dans vos priorités et je le cofinance ». On a proposé à Michel CUSIN de considérer que la constitution d’une halle des sports était prioritaire. Les étudiants ont dit : « banco ». Le plan VALLADE nous a amené un deuxième tiers de financement et ce sont les collectivités locales qui ont amené le dernier. A partir de là une halle des sports s’est constitué. Nous avons eu de nouveaux postes d’enseignants de sport et cela a été spectaculaire. La halle des sports s’est remplie de façon spectaculaire. C’est pour cela que si nous avions pu être aidés, nous aurions pu faire la démonstration que l’université pouvait aider au développement d’activités à condition qu’elles soient judicieusement choisies. Dans la foulée, le ministère nous a accordé de nouveaux crédits pour les installations sportives. Mais si les étudiants n’avaient pas accepté nos propositions, on attendrait toujours. C’est un exemple. Dans la mesure où il n’y avait plus de terrains autour du campus, puisque le grand terrain où les gens des années 1970 tiraient le lapin, tout cela nous a échappé. Heureusement que l’on avait un géographe urbaniste qui s’appelait Jean PELLETIER qui est à la retraite et qui a été longtemps l’un des coresponsables de l’atelier d’urbanisme. Il veillait au grain et il nous avertissait quand on allait se casser la tête. Je vous donne un exemple encore : là où il y a l’IUT actuellement. A la même époque Paul ROUSSET, avec l’accord de Michel CUSIN, avait exploré la possibilité d’installer un département d’IUT au quartier République de Vénissieux. Du coup, à un moment, on a commencé à penser qu’un IUT sur le terrain où il est actuellement ne serait pas mal. Et puis, on a appris par Jean PELLETIER que la mairie de Bron allait affecter ce terrain pour y installer une énorme entreprise de camionnage. Contre l’université. Voilà à nouveau un exemple de ce que nous avons dû affronter. Ensuite, est venue la présidence d’Eric FROMENT. Eric FROMENT est quelqu’un qui est d’une lucidité extrême puisque c’est un économiste. Il a été aux affaires longtemps. Il a été doyen de sciences économiques. Il a été doyen de Philippe LUCAS. Il a mobilisé toutes les ressources financières de l’Université pour aménager le campus. On a fait miroiter, à lui et son équipe, l’implantation d’un parc scientifique. Ce parc scientifique devait jouxter un parc paysager.

Quand vous dites « on », c’est qui ?

La COURLY. On nous a complètement leurrer avec cela. Le parc scientifique nous a complètement leurrer. Eric Froment est un européaniste convaincu. Il est président de l’association universitaire européenne. Il a inventé l’opération MINERVE qui consistait à faire venir les Universités de Barcelone et de Francfort sur le campus pour enseigner des cours que nous nous voulions. Cela s’inscrivait dans un contexte urbain qui aurait du permettre à des cadres d’entreprise de venir prendre des cours au titre de la formation continue. Le parc scientifique on n’en a jamais plus entendu parler. Il s’est développé là où MERIEU s’est implanté. On a été obligé d’extorquer des terrains de foot. Le parc scientifique ne se réalise pas. Et on ne voit pas poindre les projets de voirie qui devait longer le bâtiment EUROPE. C’est la barre sur pilotis qui accueille la Faculté des sciences juridiques et le centre de langues. Voilà comment les choses se sont développées. Je dis cela à très grand trait. Mais c’est l’université qui a toujours pris l’initiative des choses, qui a proposé, qui a trop souvent financé. Elle a été trop souvent mobilisée, ce qui nous a empêché de faire autre chose. Il y a donc des investissements importants qui ont été faits sur Bron et on peut comprendre que dans la politique d’implantation universitaire, on s’acharne à vouloir le développer. C’est une histoire sans fin : mes collègues actuels de l’administration s’échinent à trouver des solutions pour le vieux Bron qu’on doit raser parce qu’il ne tient plus la route. Le restaurant universitaire a été rasé dans l’urgence, mais on ne nous a pas proposé de solution de remplacement pour assurer l’intendance. On a la partie Campus berges du Rhône. Vous savez que son occupation est en cours avec les premiers m² qui ont été libérés par Lyon III avec le centre d’inscription. On attend la démolition de l’ancien bâtiment de l’IEP. C’est une bibliothèque qui va s’implanter là. Ce qui atteste qu’on tient à l’implantation des quais et à son développement. On y tient d’autant plus que les quais restent insuffisants notamment au niveau de la recherche. L’arrivée de l’ENS n’est pas indifférente. La politique documentaire y est très liée. La politique documentaire de Lyon II et de Lyon III, on ne peut pas l’évoquer sans parler de l’ENS. En tous les cas, la volonté de Lyon II, cela a été de conforter l’implantation sur les quais y compris en perspective de l’occupation de l’ancien tènement Saint Luc / Saint Joseph avec une répartition pas très favorable à Lyon II. Mais c’est fait, c’est fait. Sur ces aspects des choses, il faudrait voir Gilbert PUECH qui suit de façon prioritaire à la fois l’évolution du 74 et le projet Saint Luc. Voilà comment s’est faite la position de Lyon II depuis les années CUSIN.

Ce que vous décrivez là ce sont des relations avec les collectivités locales qui sont longtemps faites d’abandon…

Ce n’était même pas de l’abandon. Il y a eu deux phases avec un basculement très visible dans le temps. Toutes les années 1973-1980, l’arrivée de Michel CUSIN, cela a été l’indifférence totale de Bron et de Saint-Priest vis à vis de son université. On n’était absolument pas dans leurs préoccupations, on n’apportait pas de taxe professionnelle. Le fait qu’on soit en face du parc de Parilly ne nous a pas aidé à trouver une solution pour accéder au parc de Parilly. Là aussi c’est tout de même un paradoxe. On a un parc qui est très beau mais qui a une séparation physique qui est la quatre voies que vous connaissez. On a eu pendant des années cet élément grotesque et visible qui était une passerelle qui devait l’enjamber et qui a été arrêtée au bout de cinq mètres parce qu’ils se sont aperçus qu’il fallait que ce soit accessible aux camions et donc qu’elle devait passer beaucoup plus haut. Cela relevait presque du grotesque comme le poteau de soutènement qui était en bas de la rampe d’accès des handicapés. Mais on n’a pas pu compter sur la ville de Bron. La ville de Lyon, c’est historique. Lyon s’est toujours foutu d’une manière générale de son université. Pour la ville de Lyon, l’université c’était la fac catho. La ville de Bron et la COURLY ne se sont intéressés à l’université qu’à partir de 1980-85 mais plus visiblement dans les années 1990. La prise de conscience a été facilitée par le contexte européen. Mais l’université y a joué également son rôle par entrisme vis à vis de la Ville de Lyon et de la COURLY. L’université était déjà imbriqué dans l’Europe, la Ville et la COURLY pas du tout. Lyon Ville internationale etc. La région a mis à disposition des crédits pour développer des projets dans ce sens. Et des crédits non seulement à bonne hauteur mais aussi de façon continue. L’opération MINERVE a été le record absolu de financement par la Région qui voyait tout à fait l’intérêt de cette liaison avec Francfort et Barcelone. Il y a quand même un renversement de situation. L’autre élément catalyseur, on le doit aussi à Eric FROMENT, c’est le pôle universitaire lyonnais. Aujourd’hui cela s’appelle l’Université lyonnaise. En créant cette entité globale des quatre établissements délivrant des doctorats, il a créé une lisibilité de l’enseignement supérieur. En se réunissant, on a apporté une vitrine à l’enseignement supérieur lyonnais. On voit tout ce que cela apporte dans le tissu lyonnais voire même dans le tissu régional. Ce sont des éléments qui ont été catalyseurs. Cela a aidé considérablement à la prise de conscience des collectivités locales que l’enseignement supérieur, il fallait s’en préoccuper. Le changement de comportement a été spectaculaire. En même temps, cela s’est inséré dans un contexte où l’enseignement supérieur développait beaucoup les partenariats. La nouvelle législation de 1986 poussait en ce sens. Les mentalités avaient beaucoup évolué. On n’était plus dans l’esprit : « ne pas vendre l’université ».

Partenariat avec qui ?

Avec tout le monde. Mais le tout le monde englobe les collectivités locales. Je crois que cela aussi a aidé. Cela a considérablement fait changer le paysage. Eric FROMENT, quand il a créé l’opération MINERVE, a même eu des crédits de la DATAR. C’est dire que tout le monde y croyait. Mais cela n’a pas empêché que la voirie qui devait desservir le bâtiment EUROPE qui abrite MINERVE n’est jamais arrivée. Mais on discute un peu plus. Même si les choses ne se font pas, on sait pourquoi elles ne se font pas. Les terrains de foot dont je vous parlais tout à l’heure c’est la COURLY qui nous les a proposés. Il y a encore quelque temps, on ne nous les aurait pas proposés. De même, le Conseil général qui coordonne l’opération Saint Luc, Saint Joseph. Autre exemple, pour l’incendie de la bibliothèque, la Ville de Lyon a aidé.

Quand on interroge les universitaires sur le sujet, on retrouve la rupture provoquée par le mandat de Michel NOIR…

Oui cela correspond à ce que je vous disais. C’est là qu’on a vu poindre ce genre de choses. Pour un autre exemple, l’opération VILLE MANZY. C’est un ensemble bâtiment qui abritait une caserne qui se trouve sur les hauteurs de la Croix Rousse. C’est un bâtiment de prestige qui a été rénové par la Ville de Lyon. L’opération consistait à faire de ce bâtiment un bâtiment d’accueil pour les cadres et les chercheurs qui venaient à Lyon. C’était une façon de les accueillir dans un site magnifique. C’était une initiative de la Ville qui a été coordonnée par Jean Michel DUBERNARD qui s’est beaucoup rapproché des universités. Cela correspond bien à cette époque.

La décision de ne pas prendre la Manufacture des Tabacs, elle a été prise en consultant les UER ?

Oui, d’une manière générale, je reviens sur la culture Lyon II. Ce qui a fait probablement la force de l’université, c’est que d’entrée de jeu, et là c’est un élément de différence par rapport à Lyon III qui a une position très facultaire, nous, on a une position très centraliste et très pluridisciplinaire. Les présidents se sont toujours beaucoup appuyés sur les doyens. Tous les projets majeurs de l’Université ont toujours été soumis aux doyens qui eux mêmes répercutaient dans leur conseil. De ce côté là, le débat a toujours été plein et total.

Il y avait consensus sur cette question ?

Le consensus, il n’était peut être pas global mais c’était une position qui était très généralement rencontrée. Au sein de l’équipe présidentielle mais aussi au sein du conseil d’administration ou au niveau des doyens.

La décision d’affecter les locaux à Lyon III a été prise par les Présidents et le Recteur.

Oui il doit y avoir un document qui a été signé par les Présidents. Oui c’est sous l’arbitrage du recteur. Le prorata des m² qui devait être rendu à Lyon II doit être d’ailleurs très précisément défini.

Cela a été facile de se mettre d’accord avec Lyon III pour la rétrocession des m² ?

Non, non. Je pense que si les décisions ont achoppé c’est là-dessus. On n’a jamais été trop d’accord entre Lyon II et Lyon III sur les m² et cela continue d’ailleurs avec l’emprise sur les hôpitaux de Saint Luc et Saint Joseph. Là aussi, il y a eu l’arbitrage du rectorat, je ne dis pas qu’on a rien à dire mais bon. C’est là-dessus que cela achoppe. On n’était pas d’accord sur le nombre de m² enseignement pas non plus sur le nombre de m² recherche. En plus la restitution des m² au sein du 74 a pris beaucoup de retard mais dans la mesure où c’est une opération à tiroir, on nous libère des locaux au 74 quand Lyon III a des locaux à la Manu. Le 74 va être complètement libéré.

Vous évoquiez le rôle du recteur. C’est quoi le rôle du recteur ?

C’est notre autorité de tutelle, en tous les cas il la représente. Ses services interviennent de près sur la définition des m², sur la configuration des lieux, sur la conception des bâtiments nouveaux. Il a un rôle plein et entier. Il n’a pas un rôle décisionnel. C’est l’université qui définit ses besoins et les exprime. Ensuite les ajustements, c’est là que le Recteur intervient. Quand il y a des oppositions, il faut bien intervenir. Il n’est pas là pour être là.

Qu’est ce qui explique l’adoucissement des relations entre Lyon II et Lyon III ?

Là aussi c’est un contexte qui est bien évoqué dans les rapports du CNE. La période très crispée qui s’est étalée de 1973 à 1985, cela a été tendu. Les deux universités ont vécu leur vie chacune de leur côté mais en même temps cela a été très conflictuel. C’était la guerre des locaux, la guerre des habilitations, la guerre des effectifs, la guerre de la communication. C’était tout cela  C’était à qui prenait le plus d’étudiants, à qui allait faire le siège du ministère pour obtenir des habilitations. C’était un truc assez fou qui a des incidences pérennes. Des habilitations concurrentes, il y en a toujours. Et certaines ont même été créé récemment : attribuer à Lyon III, un premier cycle de sciences économiques alors que les sciences économiques périclitent partout en France. IL y en avait déjà un à Lyon. Ce n’est donc pas complètement fini. Mais avec l’arrivée de Michel CUSIN, avec l’arrivée de VIAL, les contacts ont été beaucoup plus sereins. Les choses ont été faites ensemble. Les gens allaient plus les uns vers les autres. Il y avait même des contacts : quand il y a eu l’affaire NOTIN, Michel CUSIN avait proposé son aide à Lyon III. Depuis le temps a joué, les gens ont changé. Le contexte global a évolué aussi. Le fait qu’il y ait le pôle universitaire fait qu’on travaille ensemble. Je pense aussi que le fait qu’il y ait d’autres universités qui soient entrées fait qu’on n’est plus dans un jeu bilatéral et que cela a considérablement aidé. On n’est plus dans les mêmes relations. Quand on a vécu l’ensemble de l’histoire c’est à remarquer. Les clivages initiaux et historiques se sont estompés. Ceux qui étaient nés de la loi de 1968 se sont estompés. Tout ce contexte, dont on était très imprégné et qui a imprégné des générations d’étudiants, s’est estompé. C’est le cours normal de l’histoire qui veut cela. Chaque université avait d’autres préoccupations que de se regarder le nombril et de regarder le nombril de l’autre. Les deux universités, du fait même de leur scission, avaient des problèmes majeurs. De locaux notamment. On a oublié, pas totalement, ce qui avait été brûlant pendant des années où les gens en étaient à avoir leur propre réseau à Paris et à Lyon. Ce contexte malsain a fini par disparaître. Mais ces deux universités ont perdu beaucoup de temps par rapport aux autres du fait de leur scission. Et puis ensuite, le contexte universitaire est passé. Avec l’avènement des contrats quadriennaux, on a eu de jeunes enseignants qui sont arrivés qui étaient aux prises avec leurs propres préoccupations de carrière qui passe essentiellement par la recherche. Donc, ils ne sont pas venus en agitant le drapeau de la scission. Cela a été l’un des effets positifs de ce sang neuf. Les deux universités, en tous les cas, la nôtre, se sont avant tout préoccupées de leur propre évolution. Pour moi, cela a été marquant. J’ai bien vu à quel point au fil du mandat cela s’est arrangé. On a eu également une chance c’est l’envergure de ses présidents. Je crois, quitte à passer pour un nombriliste, que Lyon II a joué un très grand rôle dans l’évolution des choses.

Il n’y a quand même pas eu une peur de passer à côté de locaux neufs ?

Oui, bien sûr, on n’en a pas été un paru près. C’était difficilement concevable qu’on n’obtienne pas les moyens de la réhabilitation de Bron. On la paye quelque part. Lyon III a bénéficié des financements de la Manu. Quand on a fait le choix de se répandre sur le 74, c’est qu’on a trouvé le 74 dans un état lamentable. Il nous a été difficile de faire un état des lieux avant. Quand cela a été possible, on a découvert que cela a été bien plus vétuste et en bien plus mauvais état qu’on ne l’avait imaginé. Mais bon les choses se feront quand même. Mais dans un esprit d’équité, il aurait fallu que Lyon II, pour le réaménagement du 74, bénéficie de moyens bien plus importants que ceux qui ne lui ont été attribués. Le rectorat n’était pas mieux informé que nous sur le sujet. L’état domainial de l’université c’est quelque chose d’un peu insolite. Je ne suis pas sûr que l’IRCT ait les plans initiaux de Bron.

Ce qui ressort de mes entretiens, c’est également le projet d’une université Lyon IV qui aurait pu s’installer à La Manufacture des Tabacs. Cela concernait qui cette université ?

Lyon IV, c’était vis à vis de l’évolution des coûts potentiels universitaires. Mais je ne sais pas qui a fait émerger l’idée Lyon IV. Je ne crois pas que ce soit d’origine universitaire locale. C’est peut être collectivités locales ou ministère, je n’en sais rien. L’idée, c’était de créer une quatrième université plutôt que de continuer à engranger des universités. Lyon I était moins concerné et il me semble que c’était une université à dominante sciences humaines et sociales, c’est vrai que c’était le gros des effectifs. C’est vrai qu’on a parlé de l’implanter à la Manu mais on a parlé aussi des autres sites dont je vous ai parlé tout à l’heure. Mais il ne manquait pas de lieux en espace pour accueillir une quatrième université. S’il y avait eu un consensus sur le sujet, on n’aurait pas eu de problème pour trouver un lieu. Cette université Lyon IV cela aurait été un projet assez déraisonnable. Quand on regarde le panorama des universités françaises, on n’est pas plus gros que dans les autres métropoles : Lille, Aix-Marseille, Grenoble, Montpellier. Je ne veux pas dire par là que l’université Lyon IV était une mauvaise idée en soi : une université plus petite est peut être plus facile à gérer sur le plan pédagogique. A Lyon II on n’était pas trop d’accord avec un projet pareil. On avait le souvenir de la scission qui s’était faite dans une absence totale de rationalité. La scission était complètement arbitraire. Quand il y a un certain volontarisme et une certaine rationalité à un projet c’est autre chose. Quand l’Institut du Travail a demandé de passer de Lyon II à Lyon III, là on est dans le rationnel parce que l’institut rejoignait une entité qui existait déjà à Lyon II, l’ancien ’institut du travail de Lyon. On était en cohérence avec quelque chose. En revanche là où on ne l’était pas, c’est par exemple dans le cadre de la scission Lyon II – Lyon III. Donc, comment se serait fait Lyon IV ? Nécessairement, ce n’aurait pas été une création ex nihilo. Donc cela se serait fait par extraction d’un existant. A partir de quels critères cela se serait fait ? Cela voulait dire reprendre des débats sans fin. Mais peut être que ces débats méritaient d’être repris. Est ce qu’en psychologie, Lyon II n’a pas un seuil critique avec 4 000 étudiants ? C’était un débat qu’on aurait pu ouvrir. L’idée, parce que ce n’était pas un projet qui a émergé, n’était pas très sécurisante. Le contexte de la scission n’était pas éteint. Imaginer l’émergence d’une quatrième université sur Lyon ne se percevait pas avec beaucoup de sérénité. Cela aurait demandé de très longs débats. L’université Lyon IV, pour la conception des projets pédagogiques, la conception des projets de locaux, c’était une échelle 10-15 ans. Il y avait, je crois, des besoins urgents avec des problèmes de locaux. La solution de la Manu elle a été bienvenue dans cette recherche de solution pour les deux universités.

Le fait qu’il y ait plus de locaux à disposition cela a permis d’apaiser les tensions ?

Oui, quand même parce que cela permettait d’envisager sur le long terme déjà autre chose. On savait que les deux Universités n’allaient pas rester de façon très étriquée. On a quand même développé énormément de choses. Le pôle recherche Lyon II représente quand même quelque chose. Le nombre d’étudiants , contrairement à ce qui avait été annoncé continue d’augmenter. L’effet Manu a été un ballon d’oxygène pour tout le monde. Même si on continue à avoir des divergences de vues sur qui a été le plus gagnant ou le moins gagnant sur cette opération en terme du nombre de m². Là-dessus, on continue d’avoir des divergences. Si on prend le problème avec un peu de recul, il n’y a rien à faire on gagne des m². Mais c’est toujours en discussion. Un entretien avec Gilbert PUECH pourrait vous servir.

C’est en perpétuelle négociation ?

Oui c’est en négociation constante. Par exemple, ce qui se passe sur la Rue Pasteur avec l’attribution des anciens locaux des hôpitaux en est un bon exemple. En plus quand on parle politique universitaire, cela veut dire pas seulement les locaux mais aussi ce qu’on veut y mettre. Cela donne lieu à arbitrage.

Le fait de devoir discuter systématiquement, est-ce que ce n’est pas un facteur de rapprochement parce que les gens se connaissent, se côtoient.

Sûrement. C’est un facteur de tension aussi parce que dans toutes négociations il y a de la tension mais il y a beaucoup plus maintenant cette approche systématique de deux institutions qui sont aux prises avec un problème commun. C’est un facteur de rapprochement, oui.

Dans vos fonctions de secrétaire général adjoint vous étiez en contact avec les collectivités locales ou cela passe par la présidence ?

Dans le cadre de mes fonctions, j’ai pu être à certains moments donnés en contact avec les collectivités parce que mandaté par mon président. Par exemple, dans le cadre de l’opération VILLE MANZY, j’ai été le représentant de l’Université dans les réunions avec DUBERNARD. Dans le cadre de mes fonctions, je suis aussi président de l’association sportive de Lyon II, j’ai assisté à toutes les réunions dans la mise à disposition des deux terrains de football dont je vous parlais. Dans le cadre des relations internationales, j’étais en contact avec la région sur des contrats d’objectifs.

Avec le rectorat ?

Beaucoup moins. J’ai été en contact avec eux il y a longtemps, du temps de Philippe LUCAS au moment où nous avions des problèmes avec le campus de Bron. Donc LUCAS c’est 1979 à 1986. Philippe LUCAS, comme beaucoup de présidents d’université, a été prolongé réglementairement du fait de l’avènement de la loi de 1986. Ca a été un mandat long. Donc là j’ai été en contact avec les services de l’Ingénieur rectoral.

Avec le ministère ?

Non, là c’est en général coiffé par les services du président, sauf dans le cadre de la promotion de l’offre d’enseignement supérieur à l’étranger. Vis à vis des collectivités territoriales c’était plus évident. Avec la préfecture, j’étais aussi en contact, pour la résolution des problèmes de cartes de séjour des étudiants ou des professeurs. Ou quand il y avait des problèmes plus sérieux, de moins en moins mais toujours sévèrement, d’envahissement du campus par les gens du voyage. Avec des dégâts qui sont .considérables. Comme j’avais des attributions juridiques à ce moment là, j’ai été la personne ressource. Autrement non. Pour les choses majeures du CPER c’est directement le président.

C’est pas d’ailleurs un renforcement de la présidence, le fait pour le président de monopoliser les relations avec les collectivités territoriales avec l’Etat ?

Si. De ce côté-là, la loi de 1986 a renforcé ou rendu plus visible les attributions du Président. Depuis la loi de 1968, le Président a ce pouvoir là. Les présidents ont des pouvoirs majeurs. La loi de 1986 les a rendus plus évidents. Cela fait partie de leurs attributions d’avoir ces contacts. Les présidents d’université sont des partenaires connus et reconnus du Préfet, du Président du Conseil général, du Président du Conseil régional, du Maire de Lyon, du Président de la COURLY. Et probablement, le projet de modification de la loi sur l’enseignement supérieur va encore renforcer ses pouvoirs.

Au tournant des années 1990, on commence à voir les collectivités s’investir

Oui. Anecdotiquement, Charles MILLON avait été un économiste avant de s’investir dans le monde de l’entreprise. Il était donc connu du milieu universitaire. Il n‘avait à ce moment là pas pris de position qui le faisait percevoir de façon négative. L’évolution a commencé à ce moment là. La prise de conscience de l’enseignement supérieur et de la recherche et ce que cela signifiait a fait que dans les budgets on a vu apparaître des lignes enseignement supérieur. D’année en année, l’intérêt s’est amplifié donc les financements. Notamment pour le développement d’un certain nombre d’actions. La région a passé des contrats par exemple avec Shanghai où elle intègre le partenaire universitaire. L’enseignement supérieur de Shanghai évalue ses besoins, nous, on voit comment on peut y répondre. C’est comme cela qu’on participe à l’évolution de l’enseignement supérieur de Shanghai. Si la région nous a tant aidé sur l’opération MINERVE, c’est aussi parce que Rhône Alpes a un partenariat privilégié avec la Catalogne et qu’elle a évalué cette opération comme étant un des éléments de promotion des relations entre les deux régions.

Vous revenez souvent sur l’internationalisation. C’est par ce biais que les universités et les collectivités se sont rencontrées ?

Je crois que les universités lyonnaises et particulièrement la notre ont eu un rôle très important sur ce plan. Nous on était déjà dans le phénomène SOCRATES, dans l’opération MINERVE, dans des opérations avec des Universités étrangères. Avec en plus des enseignants étrangers qui viennent sur Lyon. Les collectivités se sont préoccupées des retombées possibles de la présence de ces enseignants chercheurs pour l’université mais aussi pour la ville qui les accueille. En ce sens, des choses palpables comme VILLE MANZY ont été engagées. L’opération est malheureusement en train d’être abandonnée pour des préoccupations financières. C’est un exemple. Que ce soit par des réussites comme MINERVE ou par des opérations qui ont échoué comme l’opération Sarajevo, on était international. Eric FROMENT avait été approché par le président de l’université de Sarajevo. Il avait été amené en France pour la reconstitution d’une bibliothèque. On avait été mis en lien par une ONG BIO FORCE qui nous connaissait. Sont venus à Lyon le Recteur, une enseignante et le président. On a rassemblé l’ensemble du pôle universitaire lyonnais. Le président nous a exprimé ses besoins qui étaient énormes vous vous en doutez.. Jean Claude MARTIN de la région a déclenché avec Eric FROMENT une opération qui devait aller à Sarajevo Une délégation sous la direction d’Eric FROMENT est partie. La délégation est partie à Sarajevo et est resté 8 jours. Ils ont été bloqués là bas parce que les bombardements avaient repris. Ils ont été rapatriés en blindé de la FORPRONU. Quand ils sont revenus, il était difficile de mettre en place un projet parce que le contact ne pouvait plus avoir lieu. On avait réuni des bouquins mais ils n’ont pas pu partir. C’est parti extrêmement tard. On a essayé de renvoyer des enseignants mais aucun enseignant lyonnais n’a plus voulu partir. Et puis les universités de Graz et de Barcelone ont fait leur trou peu à peu. Quand on a renvoyé un enseignant deux ans après pour faire le point, il a été reçu fraîchement. Ils s’attendaient à plus de volontarisme de la part des universités lyonnaises. Donc Sarajevo a été un échec mais le clipsage entre l’enseignement supérieur et la région pour faire des choses ensemble dès lors que des intérêts communs sont perçus, définis et aménagés ce sont des choses qui peuvent être très efficaces ?

Et cela passe par le biais de l’internationalisation ?

Beaucoup oui. Mais pas seulement. Les contrats d’objectifs, ce n’est pas cela . Cela oblige les universités à définir une politique d’établissement qui définit des priorités qui s’intègrent dans les priorités régionales. La région ne nous demande rien d’autre que de définir des priorités qu’elle évalue. Et les finance ensuite. Jamais complètement, mais de façon suffisante pour que ce soit incitatif.

La participation des collectivités est importante dans le domaine des constructions universitaires alors qu’elles n’ont pas de compétence. C’est l’Etat qui …

Oui encore qu’à Bron ce sont des bâtiments de l’Etat mais tout le périmètre 16 18 quai Claude Bernard et Chevreul Pasteur, c’est la Ville. Ce sont des baux emphytéotiques.

Ce n’est pas une manière pour l’Etat de se décharger de la compétence ?

Je ne sais pas s’il faut dire tentation ou bien si on est dans une évolution globale des choses qui consiste à donner de plus en plus de compétence aux régions. On est dans une évolution des choses pratiquement irréversible. Je crois qu’on est dans l’irréversible. Que l’Etat soit tenté de faire en sorte que les collectivités territoriales soient les partenaires dans la construction universitaire, je crois qu’il faut s’y faire. Dans le court ou dans le moyen terme je ne crois pas. Je ne vois pas les régions capables au sens financier du terme de prendre en charge cela. C’est très lourd. On aborde là un problème qui est gigantesque. J’ai essayé de voir dans les projets actuels ce qu’il en serait mais c’est tellement flou que c’est difficile. Mais, en tendance, c’est cela. Le basculement des personnels de l’administration dont celui des universités aux régions en est un élément.

En tous les cas dans cette situation qu’on voit apparaître, est ce que les universités n’ont pas tout à gagner, parce que les universités ont plusieurs guichets pour trouver des financements…

Je pense que les universités ont tout à gagner à avoir de multiples guichets. Reste à savoir quelle est la solidité de ces guichets dans le temps. On voit quand même poindre la volonté de voir les universités se tourner vers des financements qui ne seraient pas institutionnels. La dangerosité de ce genre de choses est difficile à évaluer. A partir du moment où vous cherchez des partenariats, il y a un risque de voir le financeur vouloir intervenir. Sur le choix des filières par exemple. C’est le risque qui existe déjà dès maintenant. A l’évidence l’évolution qui point s’est plutôt cela. Les universités ont déjà des sources de financement multiples.

Il y n’y a pas un risque de multiplication des tutelles ?

Non pour moi la tutelle cela a un sens institutionnel fort. On n’est pas sous la tutelle de la Région. On peut le devenir si la loi fait évoluer les choses en ce sens. On n’est pas sous la tutelle de la Ville de Lyon et on n’est pas sous la tutelle de partenaires privés. En revanche, cela fait rentrer dans un rapport de force. Mais on a toujours la possibilité de renoncer. Mais c’est difficile à partir du moment où un phénomène a été amorcé. A partir du moment où vous faites financer des DESS par un partenaire privé, s’il retire ses financements, cela devient difficile.

Vous avez évoqué le fait que les universitaires avaient fait de l’entrisme dans les institutions locales au moment où les collectivités ne s’impliquaient pas.

Oui, j’évoquais cela dans une philosophie de réseaux. Chacun a joué son jeu avec les forces qui étaient les siennes. Même si telle ou telle personne n’avait pas un mandat d’élus. C’était des connaissances personnelles qu’on activait pour faire passer des projets.

Les élus locaux avaient une oreille attentive ?

Non pas tellement à l’époque. Plus aujourd’hui où les élus se sont fait au fait universitaire recherche. Ils savent qu’ils sont presque obligés d’avoir une oreille attentive au fait universitaire lyonnais. L’écoute du problème est tout à fait énorme.

Vous avez évoqué le fait que Charles MILLON soit passé par l’université. Il n’est pas le seul parmi les responsables locaux. Michel MERCIER ait également passé à Lyon III. Est-ce que Lyon III ne bénéficie pas de meilleurs relais que Lyon II ?

Lyon III a su, à mon sens, développer ce type de relations. Bien sûr, ils étaient peut être aidés là dedans par le fait qu’ils avaient une grosse Faculté de droit et de la gestion avec l’IAE, les élus avaient plus de contact avec eux. Ils ont peut être bénéficié avant nous d’une oreille attentive. Ceci dit les gens de Lyon II en ont pris conscience. On a été tellement préoccupé par la nécessité de mettre en place Lyon II qu’on ne s’est pas beaucoup préoccupé contrairement à Lyon III, de la communication. On a commencé à le faire avec Michel CUSIN. Je ne veux pas dire par là que LUCAS ou BERNARDET n’en avaient pas conscience. Ceci dit on avait pas le temps. On ne s’adonnait pas à la recherche de partenaires. Michel CUSIN en a pris conscience. En plus, il était vice-président de P. LUCAS. Il a lancé très fortement une politique de communication y compris en interne. Il a installé un vice président chargé de la communication qui était Alain BONNY. Cela a été une nouvelle manière d’aborder le phénomène Lyon III. Cela a été la recherche systématique de partenariats locaux. On a été dans les réunions alors qu’il y a un moment où on n’y allait plus. Cela a été extrêmement positif. On avait une perception négative de Lyon II. Même si les choses avaient évolué dans le milieu lyonnais. Il y avait des indices, des preuves tangibles du potentiel de Lyon II. Rappelez vous que nous avions été classés 1ère université dans le domaine de la recherche et des sciences sociales sur des critères ministériels vers la fin du mandat de LUCAS en 1979. On recevait les bénéfices de la volonté de donner la priorité à la recherche. Chaque UER a renoncé aux conseils scientifiques d’UER. IL y avait un conseil scientifique d’établissement  A partir de là, Lyon II a été reconnue dans toute la France et même au delà. Le fait qu’on ait de fortes entités de recherche comme la Maison de l’Orient ou la MRASH qui est venu après a beaucoup joué au profit de Lyon II. On a été beaucoup plus reconnu avec la politique de communication qui a porté ses fruits très vite. Eric FROMENT quand il a crée le pôle universitaire lyonnais voulait présenter en communiquant l’énorme potentiel universitaire lyonnais. Les choses ont été extrêmement vite à partir du mandat de Michel CUSIN. On était à distance du conflit de la scission. En 10 ans, on avait montré ce que Lyon II avait fait. Le rapport du CNE a beaucoup joué en notre faveur. Michel CUSIN a su très bien s’appuyer là dessus : les mandats de LUCAS et BERNADET ont été consacrés à la mise en place de Lyon II. On a, je crois, très bien réussi la perception de Lyon II à l’extérieur.