Entretien avec Pierre JAMET Directeur de cabinet et directeur des services du conseil général du Rhône depuis 1990 - 8 janvier 2003

L’entretien se déroule dans les locaux du Conseil général du Rhône. Il dure 50 minutes.

Je vais tout d’abord vous demander de vous présenter ?

Pierre JAMET. Directeur des services, directeur du cabinet du Président.

Le projet de la Manufacture des Tabacs a été lancé en 1989 par Michel NOIR et Jean-Michel DUBERNARD. Le conseil général a été tout de suite associé au financement. Vous l’avez ressenti comment le lancement du projet ?

C’est une période où le conseil général avait décidé de s’impliquer dans le domaine universitaire et donc il y avait une collaboration forte entre la ville, l’agglomération, le département et la région tout de suite derrière. Et on s’était organisé et entendu sur le plan politique pour répartir un petit peu les tâches. Autant l’opération Manufacture des Tabacs a été une opération phare parce que c’était la récupération d’anciens bâtiments de l’Etat désaffecté, autant elle est exceptionnelle par rapport à la suite dans la répartition des rôles entre les différentes collectivités, la ville n’a pas suivi sur le plan investissement. Ce sont la région et le département, et un peu la communauté urbaine sur le plan des investissements. La ville s’est ensuite plus occupée de l’animation universitaire, maison de l’université, logements des étudiants. Donc la Manufacture, c’est à la fois une opération emblématique et une opération d’exception par rapport aux relations entre les collectivités.

L’opération a été lancée avant le plan Université 2000…

Oui il faut savoir le contexte. C’était quoi le contexte réel ? MERCIER, président du conseil général, est un ancien universitaire, moi je suis un ancien universitaire, GARAGNON, qui était notre patron à l’époque quand on était maître-assistants tous les deux, était directeur de cabinet de Michel NOIR à la communauté urbaine. Et on savait, on était bien placé pour le savoir, qu’il y avait des vrais problèmes de locaux universitaires. On était dans une situation qui devenait très tendue sur le plan de l’accueil des étudiants. Et notamment, il fallait que l’on trouve des solutions et pour Lyon II et pour Lyon III. On ne pouvait trouver des solutions véritables que si l’on desserrait l’une de ces deux universités ce qui permettait ensuite de faire une opération qui n’est pas tout à fait finie qui est la redistribution des locaux sur les quais. C’est donc ce qu’on a fait. Ce qui en même temps permettait de desserrer Lyon I en lui redonnant complètement La Doua. C’est donc une opération qui était dans les esprits et là, c’est GARAGNON, qui le premier a suggéré à NOIR de faire de la Manufacture des Tabacs une université. Ensuite, NOIR, DUBERNARD, GARAGNON, MERCIER et moi, on s’est décidé à aller visiter les locaux. C’est là qu’on a décidé à faire l’opération. C’était dans un état passable mais bon, on s’est dit qu’on pouvait quand même y faire quelque chose d’intéressant. C’est comme cela qu’est partie l’opération. Cela a été à la fois la réussite et la difficulté de l’opération parce que nous sommes partis par tranches et les tranches ont été compliquées, différées, une de plus, avec des changements de maîtrise d’ouvrage…

La grande absente de la première tranche , c’est la région. Quelles sont les raisons de cette absence ?

Pff, parce que premièrement la région ne s’était pas mobilisée comme elle l’a fait après sur l’enseignement supérieur. Mais j’allais dire : « les autres collectivités non plus ». C’est un peu révélateur de la méthode Michel NOIR qui faisait des coups. Il y avait des dossiers qui mûrissaient. Le développement universitaire, c’était un dossier dont on parlait depuis un certain temps en se disant qu’il fallait trouver des solutions. Il y avait une idée qui avait été lancée, que l’on doit à GARAGNON encore une fois. Derrière cela, Michel NOIR l’a annoncée. Une fois que cela est annoncé, on regarde si c’est réaliste pas réaliste, plausible pas plausible. Et cela a été plausible. Et donc la région n’a pas été dans le premier coup parce qu’on s’était entendu agglomération-département. Ce n’est ni une mauvaise volonté ni autre chose, c’est simplement un contexte particulier.

En 1989, Michel NOIR vient d’être élu. C’est une relative surprise dans le paysage politique lyonnais…

Ce n’est pas une surprise énorme. Moi, je suis arrivé ici courant 1988. MERCIER a été élu en 1990. J’étais un observateur à l’époque. On avait dit en 1989, parce que l’équipe sortante ne s’était pas assez renouvelée, elle était vieillotte et quand, en face, vous avez quelqu’un qui est dynamique, eh bien, c’est lui qui l’emporte. Ce n’était pas une réelle surprise. Cela a été un séisme dans l’histoire politique lyonnaise parce que on a rarement eu de bouleversements politiques comme celui-là à la ville de Lyon. Mais pour un observateur attentif cela ne l’était pas. Je me souviens d’une réunion chez un élu sortant de l’équipe ancienne qui d’ailleurs n’était pas candidat en 1989 sur les listes de COLLOMB parce qu’il en avait été écarté. Il avait fait une réunion chez lui avec quelques amis à l’époque mais ce n’était pas un groupe politique c’était un groupe de réflexion. Il y a des gens qui se sont retrouvés chez moi, chez COLLOMB et quand on se réunissait, on réunissait 150 personnes pour parler librement. Je me souviens d’une réunion à la Croix Rousse, où on avait été deux à dire à des élus qui étaient sur les listes de COLLOMB : « attendez ne vous faites pas d’illusions, vous allez être battus parce que vous ne vous êtes pas assez renouvelés et personne ne se reconnaît dans cette équipe de vieillards. » Je me souviens que la suite du repas avait été un peu rude. On m’avait dit « qui voulait vous changez dans la liste ? » Et là, j’avais répondu : « attendez, donnez moi la liste et je vais vous rayer ceux qu’il faut sinon vous allez à la catastrophe ! ». Et je n’étais pas le seul, ce n’est pas un truc de gloriole. J’étais un observateur lambda à l’époque pas du tout inséré comme je le suis aujourd’hui dans les circuits de décision. Mais c’est l’entente lyonnaise qui avait joué à fond.

Cela a été facile de travailler avec Michel NOIR ?

C’est un peu ce qui a provoqué le renouvellement au conseil général. On est dans une collectivité où il y a une tradition qui veut que le président sortant cède la place à un président rentrant avant les élections, pendant le mandat. Cela fait partie de l’une des traditions du département du Rhône, c’est comme cela. La succession de PALLUIS était donc préparée, l’arrivée de MERCIER était prévue. La victoire de Michel NOIR a précipité de quelques mois la succession. Le contexte politique était que NOIR, qui était une forte personnalité, avait la légitimité du suffrage universel et quand MERCIER a été élu en 1990, il n’avait pas cette légitimité du suffrage universel puisque c’est le président sortant qui avait démissionné et que MERCIER avait été élu en dehors de la période électorale. Donc, il n’avait pas la même force et puis c’était un nouveau venu. Il n’avait pas tout à fait le même charisme, le même poids. Mais il se trouve que cette période a été une période très bénéfique de collaboration entre les collectivités, entre les deux, entre l’agglomération et nous pour deux raisons :

La première, c’est que NOIR était un homme qui lançait les dossiers. Il avait des idées, un charisme, un dynamisme. Mais ce n’était pas un homme qui suivait les dossiers. Ce n’était pas un homme de dossier. MERCIER, c’est tout le contraire. Ce n’est pas un homme qui aime les médias, qui va faire des déclarations tous les matins. Vous le voyez rarement mais par contre c’est un homme qui connaît parfaitement ses dossiers. La collaboration a toujours été bonne, je le dis, on en a été suffisamment accusé dans la maison parce qu’il y avait encore les séquelles de 1989 à la ville, y compris ici au conseil général. Les deux hommes se respectaient et n’étaient pas du tout sur la même planète. MERCIER ne faisait pas de l’ombre à NOIR qui lui faisait une carrière nationale, il pensait à un moment donné être Président de la République. Par contre, NOIR avait besoin de MERCIER parce qu’il était sûr que dans les dossiers, l’équipe du Conseil général assurait les dossiers. On se rencontrait environ tous les un ou deux mois ensemble environ deux représentants du conseil général, MERCIER et moi et trois de la communauté urbaine : Michel NOIR, Serge GUINCHARD et un autre pas toujours le même. Souvent c’était Guy BARRIOLADE qui avait succédé à GARAGNON comme directeur de cabinet de NOIR. Et à côté de cela sur certains grands dossiers, notamment quand on a lancé TEO, le tronçon nord du périphérique, tous les lundis matins, on avait une réunion le département où on devait avoir trois conseil général (MERCIER, TREGOUET, DA PASSANO) et de leur côté il y avait NOIR, GUINCHARD, CHABERT, et il me semble que j’en oublie un de chaque côté et puis deux collaborateurs le DG de chaque côté. Et on se réunissait tous les lundis matins pour parler de cela. Vous en avez trace dans le rapport de la Chambre régionale des comptes qui a analysé ensuite le problème de TEO puisqu’ils m’ont fait la gentillesse de citer l’une de mes notes où j’avais averti des démêlés qui allaient arriver en disant à MERCIER de faire attention. C’est donc plutôt une période de bonne collaboration. D’abord, parce qu’ils n’étaient pas sur la même planète et ensuite parce qu’ils étaient complémentaires.

Et avec Charles MILLON ?

Alors, c’est ensuite que la région est venue dans ces grands dossiers mais la région n’est jamais venue dans ces grands dossiers strictement d’agglomération. Elle est venue sur le domaine universitaire avec le plan Université 2000 où la région a beaucoup investi, nous aussi. C’est là où la ville et la communauté urbaine se sont plutôt retirés après le lancement de la Manufacture des Tabacs. Et la région est venue à l’époque parce qu’elle a changé de stratégie politique en disant : « on va dans le domaine universitaire et de la recherche à l’occasion d’université 2000. Et on en prend le leadership. » Ce qui était normal puisque l’Etat voulait négocier d’abord avec les régions au niveau des collectivités. Et à l’époque la région a dû mettre globalement quelque chose comme 840 millions sur la région et sur le Rhône, 240 environ et nous on a dû mettre 147 ou 152.

Sur la première tranche c’est la communauté urbaine qui a pris la maîtrise d’ouvrage…

Oui, parce que c’était eux qui avaient lancé le projet. C’était à NOIR politiquement d’assurer la responsabilité du projet. Ce qui est d’ailleurs intéressant parce que la communauté urbaine était complètement incompétente sur le plan juridique.

C’est important pour une collectivité d’assurer la maîtrise d’ouvrage ?

A partir du moment où c’était NOIR qui avait lancé l’idée qu’il fallait faire cela, la logique, c’est que la collectivité qui avait lancé l’idée assure la maîtrise d’ouvrage puisqu’elle en avait à la fois la responsabilité politique mais aussi les bénéfices politiques, ce qui est assez normal.

Les locaux ont été attribués à l’université Lyon III. C’est facile de travailler avec cette université : il y a eu quelques affaires, l’affaire NOTIN…

Objectivement, cela n’a eu aucune espèce d’importance. C’était avec VIALLE à l’époque. L’université dans ce cas là, elle élabore le programme, c’est tout. Elle n’intervient pas dans les travaux.

Le projet a ensuite été inclus dans le projet Université 2000. Cela a été facile de peser pour le conseil général dans le projet université 2000 ?

Oui, il n’y a eu aucun problème dans les relations région- département- communauté urbaine sur université 2000. On a travaillé en très bonne intelligence ensemble. Nous, on avait décidé d’y aller. On fait encore de l’enseignement supérieur avec le dernier contrat de plan même si je pense que ce sera la dernière fois avec la deuxième phase de la décentralisation. Et on a toujours travaillé en bonne intelligence parce qu’il y avait une entente globale entre les trois collectivités. Cela c’est une tradition de l’agglomération lyonnaise : quelque soient les divergences politiques, il y a en général une entente sur les projets. Les grands fonctionnaires de l’Etat qui bougent beaucoup nous disent que dans l’agglomération lyonnaise, même s’il y a des divergences politiques, quand il y a une mobilisation sur un dossier, les collectivités savent travailler ensemble. Et c’est une tradition qu’on essaye de respecter. Là, en plus , c’est une période où il y avait une cohérence politique, donc la répartition des interventions entre l’Etat et les collectivités a été claire. Avec Georges CONSOLO qui était mon collègue à la région, on faisait des réunions en disant : « on va bénéficier au maximum de la loi qui permet de récupérer la TVA » ; une fois que les grands arbitrages étaient fixés on se redistribuait les maîtrises d’ouvrage entre l’Etat, la région et nous de telle façon qu’on puisse rester dans le cadre de l’application de la loi sur le FCTVA. Et ce sans aucune difficulté. On l’a fait pour le dernier contrat Etat- région. Pour vous donner un exemple de collaboration, c’est une anecdote mais c’est assez significatif. Avec les universités Lyon II et Lyon III se posait le problème de la bibliothèque du 18 quai Claude Bernard. C’était un moment où les universitaires disaient qu’ils fallaient faire de gros travaux. Les collectivités disaient que c’était plus l’Etat que les collectivités. En plus on était dans un bâtiment qui appartenait à la ville de Lyon. Mais on se disait qu’on ne pouvait pas laisser la bibliothèque dans un état pareil. Moi je connaissais bien la bibliothèque du 18 quai Claude Bernard pour l’avoir fréquentée pendant quinze ans. Je me souviens qu’on a fait une visite avec Bernard SINOU qui était directeur des services de la région, Guy BARRIOLADE qui était secrétaire général ou directeur de cabinet, c’était au début de BARRE. Le secrétaire général de la ville cela devait être KAEPPELIN et puis moi et le colonel des pompiers pour aller visiter la bibliothèque du 18 quai Claude Bernard pour montrer à mes collègues qu’il fallait vraiment qu’on fasse quelque chose. On ne pouvait pas laisser cela comme cela. On avait visité le bâtiment de la cave au grenier. Je m’en souviens parce qu’on a fait cela un mois et demi avant l’incendie puisque le samedi matin quand j’ai reçu un coup de fil du colonel des pompiers pour me dire : « cela brûle. C’est la bibliothèque, vous savez celle que vous m’avez fait visité avec tous vos collègues ». Je suis arrivé immédiatement sur les lieux. Mais c’était pour vous dire que pour préparer le dossier on travaillait vraiment ensemble il n’y avait pas de difficulté de ce point de vue là.

Vous avez tout à l’heure évoqué un retrait de la communauté urbaine après le lancement du projet de la Manufacture des Tabacs. Quelles en étaient les raisons ?

Après le coup de projecteur de la décision de la Manu et de le première tranche, eh bien, on est rentré dans la banalisation du plan U2000. On est rentré dans le cadre normal et dans ce cadre normal, il avait été dit que la ville se retirait un peu même complètement des investissements et s’occupait de la vie universitaire, de la vie étudiante que la communauté n’avait pas de compétence en ce domaine et n’était pas outillée correctement pour assurer les maîtrises d’ouvrage et que donc les maîtrises d’ouvrage c’était plutôt la région et le département qui devaient les assurer. Et c’est pour cela que c’est la région qui a repris la maîtrise d’ouvrage et puis ensuite parce que l’argent, c’était l’argent.

Au début de son implication, le conseil général n’avait pas de service enseignement supérieur. Il y a un service maintenant…

Oui, au départ c’est moi qui suivais en direct. Après, on a ensuite créé un service qui suivait l’enseignement supérieur. Mais cela n’a jamais été un gros service. Mme MAZARD dans un premier temps et puis VIEL aujourd’hui.

C’est important d’avoir ce service ?

Pff, oui et non. Il faut être objectif. Dans un premier temps, toutes les négociations, elles se sont faites au niveau du président et de moi. D’abord parce nous sommes d’anciens universitaires. Ensuite parce que c’était une volonté politique du nouveau président de s’engager dans ce domaine là. C’était des négociations au plus haut niveau. Par contre ensuite il fallait suivre les services. Quand dans un premier temps, il n’y avait pas de maîtrise d’ouvrage, il y avait à suivre sur le plan financier. On n’avait pas besoin de 10 000 personnes. Mais quand on a commencé à prendre des maîtrises d’ouvrage, c’était notre service bâtiment qui gérait la conduite d’une opération. Bon, on fait une université comme on fait un collège ou comme on fait un autre bâtiment. C’est une opération immobilière classique. Nous, on a toujours distingué dans la maison, c’est notre principe d’organisation, le service bâtiment n’est pas un service gestionnaire. C’est un service qui est à la disposition des autres, ce n’est pas un service qui est gestionnaire. Donc, moi je voulais qu’il y ait un responsable enseignement supérieur recherche parce que c’est lui qui a la responsabilité financière du suivi, du coût global, du dossier etc. Et puis le service bâtiment fait sous son contrôle, le service bâtiment, il fait un jour CPE [Chimie- Physique – Electrique], le lendemain l’université et le sur lendemain un collège. Les services enseignement supérieur recherche ne sont pas des services importants au sein des collectivités. A la région, c’est Lucette DIXON qui suit cela, ils ne sont pas très nombreux. Deux ou trois personnes environ mais pas plus.

L’enseignement supérieur reste une compétence de l’Etat. Qu’est ce qui a poussé les collectivités à s’investir dans ce domaine ?

L’incurie de l’Etat. Rien d’autre. C’est l’incurie de l’Etat. Les universitaires ont crié un moment au secours parce que les locaux ne sont plus adaptés et on va avoir des problèmes sociaux, des étudiants. Est ce que les collectivités doivent rester là bouche bée en disant : « ce n’est pas notre problème, c’est celui de l’Etat. » Comment vous voulez faire ? Et en plus, quand on est dans une compétition internationale de concurrence entre les territoires, et c’est le cas, quels sont les critères qui rendent une agglomération attractive pour les investisseurs, pour les implantations nouvelles etc. ? C’est la culture, c’est la possibilité de trouver des laboratoires de recherche et de structures d’enseignement pour les jeunes parce que les cadres qui s’installent ont des gamins et ils veulent faire des études, c’est le site etc. Donc l’université et tout ce qui est lié à l’université font partie intrinsèquement des éléments attractifs des territoires. Il appartient donc bien aux collectivités de les développer.

Finalement, l’Etat garde la compétence tout en faisant financer des projets qui devraient être à sa charge. Est ce que c’est pas l’Etat qui sort gagnant de l’investissement des collectivités locales ?

Cela c’est tout le problème du fonctionnement de l’Etat français. Les contrats de plan Etat- région, cela a toujours été comment l’Etat fait financer par des tiers des compétences qui lui sont propres. Le premier ministre l’a même reconnu récemment. Vous n’avez jamais dans les CPER des crédits de l’Etat qui vont sur des compétences des collectivités locales. Même quand les collectivités locales prennent des maîtrises d’ouvrage : ce sont toujours dans des domaines qui relèvent de la compétence de l’Etat et sur lesquels il appelle au secours les collectivités locales. Quand RAFFARIN a dit qu’on ne ferait plus des contrats de plan Etat – région comme on les a faits jusqu’à maintenant, c’est parce que toutes les collectivités de droite et de gauche, on a trouvé que le dernier CPER, c’était la honte absolue. On va faire financer aux collectivités les autoroutes, la voie ferrée alors que la loi FITTERMAN a expressément dit que le transport international, national, à grande vitesse ou marchandises c’était une compétence de l’Etat, les régions n’ayant que les TER, et vous avez RFF qui tend la manche tous les matins pour dire : « je vais pas boucler mes opérations, à votre bon cœur Messieurs Dames ! ». L’enseignement supérieur n’a pas dérogé à la règle.

Dans ce contexte-là, cela a encore du sens de définir des blocs de compétences ?

Je crois qu’il faut y revenir. Il faut nuancer le propos. Il est effectivement de moins en moins logique aujourd’hui et de moins en moins accepté par les élus locaux de financer quelque chose dont ils n’ont pas de bénéfice. Parce qu’on arrive à une situation qui est pour le moins ubuesque et qui a des conséquences du fait de son incompréhensibilité par l’électeur de base. L’Etat ne peut pas dire qu’il baisse les impôts tout en transférant des charges aux collectivités locales et en gardant la compétence. Et les collectivités locales exsangues sont obligées d’alourdir leur fiscalité. L’hypocrisie de l’Etat et des élus nationaux, parce que l’Etat, ce sont les élus nationaux, c’est de dire : « on baisse les impôts d’un côté et on augmente les charges des collectivités locales. » Et c’est là que c’est intéressant sur le plan de l’analyse politique de l’évolution qui va se faire. Si aujourd’hui on est dans la deuxième phase de décentralisation, et il ne faut pas oublier que RAFFARIN est un homme de région, d’abord un élu local avant d’être un élu national, c’est bien parce qu’il y a une poussée très forte des élus locaux, même s’il y a des contradictions encore aujourd’hui, en disant : « nous, on veut bien financer des choses mais qu’on les assume complètement. » Et, on voit bien que l’Etat pour se soulager financièrement a eu la tentation de faire prendre les hôpitaux par les régions et puis quand MATTEI a fait le tour des régions, il s’est fait virer. Il voulait recommencer avec les hôpitaux ce qui s’était fait avec les universités. Et pratiquement tous les présidents de région l’ont envoyé sur les roses en disant : « si on prend, on prend. Mais si c’est pour nous faire payer les murs et continuer à définir la politique hospitalière, allez vous faire voir ailleurs. »

Parce qu’on sait bien que si les régions mettent le doigt dans les hôpitaux, on sait bien qu’entre le transport ferroviaire et cela, elles sont plombées pour des années. Et donc aujourd’hui les discussions sont très serrées sur ce plan là. Mais comment faire autrement que de considérer que les collectivités doivent intervenir dans les domaines qui paraissent essentiels pour le développement de leur territoire. Que l’Etat assure les péréquations, assure la solidarité nationale etc. Mais c’est intéressant comme débat.

Vous êtes pour une clarification des compétences ?

Oui, je suis totalement pour une clarification des compétences.

Vous évoquiez tout à l’heure le cas des hôpitaux. Pour les universités, c’est un peu la même situation dans le sens où les collectivités financent les murs sans cependant avoir de prise sur ce qui est enseigné dans ces murs. Cela n’a pas été un frein à l’investissement des collectivités ?

Cela a été une réorientation des investissements des collectivités qui ont du faire des priorités. Mais globalement aujourd’hui vous êtes dans un contexte où la demande sociale d’investissement des collectivités a beaucoup évolué. Je le vois bien, quand j’étais en charge de la DGI, quand nous sommes arrivés le premier budget d’investissement c’était les routes . C’était de l’ordre de 800 millions de francs, budget qui avait monté quand on a fait TEO avec la communauté urbaine. Aujourd’hui le budget des routes, il fait 340 millions de francs. Il a été considérablement diminué à la fois parce qu’on a diminué les opérations, parce qu’on avait moins de besoins. On a un réseau routier qui est aujourd’hui relativement adapté. Et aujourd’hui quand vous lancez une opération de voirie, vous mettez un à deux ans de plus qu’autrefois. Ou même on n’y arrivera pas parce que personne ne veut de voirie, parce qu’on a une levée de boucliers ou parce qu’on a une phase de concertation qui n’en finit plus. Il y a à la fois moins de besoins et une difficulté de procédure, de délais qui nous consomme un temps fou. Donc forcément un étalement budgétaire. Et je ne suis pas sûr que dans les années à venir, on remonte dans ce domaine. Par contre, je suis persuadé aujourd’hui que dans les années qui viennent, on nous demandera moins d’investissement mais plus de qualité, plus de qualité de service. Là aussi, on aura une autre orientation.

L’opération de la Manufacture des Tabacs, elle est marquée par la permanence des financements croisés dans toutes les tranches. Qu’est ce qui explique cette capacité du système français à ‘produire’ du financement croisé ?

C’est d’abord lié au fait que l’Etat transfère des demandes de financement aux collectivités locales. Dans l’état actuel des choses, il n’y a aucune collectivité qui peut se substituer à l’Etat à elle seule. Parce que cela voudrait dire qu’elle a des pointes de financement à un moment donné alors que les budgets sont annuels. Donc il faut d’abord essayer de lisser pour essayer d’avoir une régularité de consommation de crédits. Quand cous étalez sur plusieurs, vous arrivez à pondérer les opérations. Même si le maître d’ouvrage met plus d’argent que les autres, comme on alterne les maîtrises d’ouvrage, vous arrivez à lisser vos investissements. C’est d’abord pour cette raison. On n’y pense jamais mais cela en est une. On dit : « ils n’ont qu’à se concentrer sur certaines opérations et ne pas mettre de l’argent partout mais vous n’allez pas au milieu de la charpente dire : « on a consommé tous nos crédits, on la fera l’année prochaine. » Vous êtes obligé de faire des opérations qui soient dans une certaine continuité. Quand vous les étalez à plusieurs, vous arrivez à lisser. C’est notre boulot de programmation et cela fait partie de l’entente entre les collectivités. C’est d’essayer d’arriver à des choses qui sont plausibles, qui sont raisonnables, qui sont gérables. La deuxième raison, c’est aussi qu’il y a des discussions entre collectivités quand on monte ces opérations, il y a aussi une préoccupation politique. Les universitaires aujourd’hui, quand vous voyez leurs déclarations, ils préfèrent que les opérations soient financées à plusieurs. Ils le disent moins brutalement que je ne vais l’énoncer, mais ils ont le sentiment que s’il y a plusieurs financeurs, ils seront moins dépendants que s’il n’y a qu’un financeur. Parce que les universitaires, ils se plaignent sans arrêt de l’Etat qui ne leur donne pas les moyens mais en même temps, philosophiquement, culturellement, historiquement, ils sont attachés à rester sous l’autorité de l’Etat qui est beaucoup plus loin, qui leur fout, paraît-il, plus la paix qu’une collectivité fut-ce-t-elle régionale. A mon avis, c’est largement une fiction mais cela fait partie de notre culture. Le fait que les universitaires aillent voir toutes les collectivités en disant : « il faut monter un dossier, mais il faudrait que tout le monde vienne. » Parce qu’en ayant deux ou trois interlocuteurs, cela permet de leur garantir que tout le monde leur fichera la paix. Je parle en termes un peu crus mais c’est cela. On en n’est pas encore chez les universitaires à dire : « bon, on a une collectivité de rattachement, la région, c’est elle qui va faire. » Je ne suis pas sûr qu’avec la décentralisation, on n’arrive pas à cette solution là. Ce serait une très bonne chose.

On a évoqué le fait que les collectivités palliaient largement aux insuffisances de l’Etat. A force d’intervenir sur des domaines qui ne sont pas de leur stricte compétence, ne deviennent elles pas des collectivités de plein exercice ?

Pour les ‘vraies’ collectivités, elles l’ont toujours été. Elles ont toujours eu cette compétence générale aussi bien pour la commune, que pour le département puis la région. Seuls les établissements publics ont des compétences spécialisées. Ils ne l’auront jamais il ne faut pas se leurrer. Ce sont des établissements qui ont un principe de spécialité. Mais là encore, c’est largement une fiction. Ce principe de spécialité n’a jamais empêché la communauté urbaine d’être maître d’ouvrage sur la première tranche, cela n’a pas empêché la communauté urbaine d’être maître d’ouvrage de l’ENS LSH, mais par contre cela a empêché la communauté d’intervenir sur l’opération de la Faculté catholique. Quand le préfet ferme les yeux parce qu’il est grand serviteur de l’Etat et qu’il obéit à son gouvernement pour trouver des crédits y compris à la communauté urbaine pour faire une opération, le contrôle de légalité sur le principe de spécialité, il s’assoit dessus. Mais quand il y a une association laïque qui arrive dans l’enseignement supérieur ou sur l’Opéra où la communauté n’a pas de compétence, comme par hasard le juge administratif se réveille. C’est pour cela que cela vous relativise beaucoup les enseignements de cours administratif sur le contrôle de la légalité. Et c’est cela qui en France n’est pas normal. Cette espèce d’interprétation du droit de manière totalement irrégulière avec la conscience de ceux qui sont chargés d’appliquer le contrôle de légalité a quelque chose de choquant dans son principe.

Le préfet est finalement à la fois impliqué dans les affaires locales et assure le contrôle de légalité. Il est à la fois juge et partie…

Il est même le premier à susciter des interventions de la communauté urbaine qui ne sont pas dans son domaine de compétence. C’est quand même choquant. On ne peut pas toujours se réclamer d’un Etat de droit et dire qu’il faut respecter le droit et donner l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Non, je crois que la vraie difficulté de la décentralisation, ce n’est pas que la question des compétences, c’est celui de la réforme de l’Etat. La réforme de l’Etat, on en parle, on en parle. Mais pour moi, les gens qui crient victoire à chaque fois qu’il y a une déconcentration de l’Etat c’est de la foutaise. C’est le fonctionnement sur le fond de l’Etat qui doit être rénové. Il faudrait qu’on ait en face de nous au niveau régional ou départemental, des représentants de l’Etat qui soient des représentants, qui soient des représentants forts de l’Etat qui se limite à la compétence de l’Etat, à la péréquation ou au contrôle. Mais un vrai pas un truc où on est juge et partie prenante à la fois. Et où l’autorité est pour le moins discutée. L’Etat ne peut plus être protéiforme aujourd’hui, s’occuper de tout sans en avoir les moyens. Mais ce n’est pas dans notre histoire française, ni dans notre culture française. Et ce n’est surtout pas dans la culture des hauts fonctionnaires nationaux.

C’est difficile de travailler avec les hauts fonctionnaires nationaux ?

Vous savez, moi je raconte toujours une anecdote. Quand j’ai cumulé mes fonctions de directeur général et de directeur de cabinet (j’ai toujours cumulé les deux), quand MERCIER n’était que président du conseil général, il avait à peu près le même pouvoir qu’aujourd’hui, je téléphonais à Paris pour avoir des rendez-vous. Je les avais. Mais à un mois. Ensuite, il a été député puis sénateur. Aujourd’hui quand je téléphone, je connais bien les rouages maintenant, je deviens un vieux du métier, je ne dis jamais que je suis directeur général. Je dis : « Directeur de cabinet de Michel MERCIER, Président du conseil général et sénateur du Rhône ». Je peux vous dire que le rendez-vous, je l’ai très vite. Tant que la haute fonction publique d’Etat vit dans la trouille de l’interpellation du ministre d’un parlementaire lors d’une question d’actualité sur un sujet important, la décentralisation ne se fera pas. C’est fondamentalement cela. Cela nous fait rire, nous, les représentants des collectivités locales. Entre nous, cela nous amuse toujours. D’autant qu’il y a des gens qui passent de l’un à l’autre. Cela nous fait rire et pourtant c’est la réalité. Si vous dites : «  je suis directeur général du Rhône », on est quand même un des départements les plus importants avec des enjeux, cela n’intéresse personne. Vous êtes directeur de cabinet du sénateur qui peut interpeller le ministre mercredi illico, là, cela intéresse tout de suite. C’est extraordinaire. C’est totalement amusant. Alors que la fonction qui prime, c’est quand même celle de directeur des services. Celle de directeur de cabinet, on n’en a strictement rien à faire. Mais dans le rapport à Paris c’est extraordinaire. Maintenant, j’ai moins ce problème là parce que je connais mes interlocuteurs mais c’était frappant et cela l’est encore.

Et avec les haut fonctionnaire, préfet, recteur…

Non, là il n’y a pas de problème. Mais j’ai toujours une anecdote assez intéressante. Le département du Rhône est un département qui a joué la décentralisation assez tard. PALLUIS était en fin de carrière. La décentralisation c’est 1982 mais la mise en place c’est 1984-86. L’ancien président du conseil général avait des problèmes de santé, il était en fin de carrière et il était un peu en retard. Mon prédécesseur était lui aussi en fin de carrière, c’était d’ailleurs un sous préfet hors cadre. Et la volonté de PALLUIS était de passer la main à quelqu’un de plus jeune donc à MERCIER pour que vraiment la décentralisation se mette en place. MERCIER m’a demandé de venir parce qu’il voulait aller assez vite. Je suis venu un an et demi avant. Et on a préparé la mise en place pour pouvoir pousser la décentralisation à partir de 1989 et pour être totalement opérationnel en 1990. Et par exemple, la DDE, il y avait un vice-président, TREGOUET, chargé de la voirie. C’est lui qui négociait avec le DDE à l’époque. Jamais le DG n’était associé aux négociations. TREGOUET en parlait à MERCIER qui était vice président aux finances mais les contacts avec la DDE c’était TREGOUET. Et en 1989, pour la préparation du budget 1990, il m’a dit un jour : « Pierre, il faut m’accompagner, je vais à la DDE. Je veux que vous m’accompagniez. » Mon prédécesseur se demandait ce qu’il lui arrive puisque la démarche n’était pas du tout habituelle. J’étais DG à l’époque. Je suis arrivé à la DDE, parce que cela se négocie à la DDE alors que cela aurait du se négocier au conseil général, et c’était extraordinaire. Il y avait exactement le nombre de chaises pour le nombre de gens qui devaient négocier. Quand le DDE et ces trois adjoints sont arrivés ils m’ont vu et ils ont tout de suite vu qu’il manquait une chaise. Et le sénateur TREGOUET a dit immédiatement : « Pierre vous vous mettez à ma droite. » Les quatre autres ont été cherché une chaise et on a commencé à discuter. Et le sénateur dans la discussion me sollicitait. Je ne connaissais pas grand chose mais j’arrivais à suivre à peu près, j’avais quand même regardé les dossiers et je pouvais intervenir mais pas avec la compétence de TREGOUET. Mais il a joué le jeu totalement. De ce jour là, le DDE m’a appelé dès qu’il y avait un problème alors qu’avant jamais il ne m’aurait appelé. Parce que j’avais été intronisé comme celui avec qui il fallait compter. C’est très drôle, c’est très drôle. Tous mes collègues vous raconteront les mêmes choses. C’étaient le passage d’un système très centralisé à un système très décentralisé. En plus, je suis universitaire, ce qui est un cas rare. Un universitaire dans une collectivité, on pense tout de suite à un hurluberlu qui vient se perdre là-dedans. Je ne suis ni membre du corps des sous préfets ni membre de celui des ingénieurs des Ponts alors franchement. C’était pas normal. J’étais un intrus dans la maison. Depuis lors, je n’ai plus de problèmes, rassurez-vous. C’était le système, c’était le jeu. Aujourd’hui, c’est dépassé. Aujourd’hui, le jeu est même dépassé dans les relations avec le préfet. Il y a quatre cinq ans dans la plupart des départements et c’est plus vrai dans les départements que dans les autres collectivités. Il ne faut pas oublier qu’avant 1982, le préfet orientait complètement la politique du département. Donc le pouvoir, c’était le préfet. L’élu avait une grande déférence à l’égard du préfet. On allait le consulter. Aujourd’hui, les nouveaux élus qui n’ont pas connu cette période de la décentralisation y compris dans les départements très ruraux, ils se foutent totalement du préfet. Ils ne vont pas le voir quand ils sont élus. Ils le voient à l’occasion d’inauguration et ils m’arrivent de voir des élus qui me disent :

« - qui c’est le monsieur là bas avec qui vous discutiez ? »

- C’est le secrétaire général adjoint.

- ah bon, c’est lui. »

Ce qui était inenvisageable, il y a cinq ou six ans. Et donc ils n’ont plus du tout les mêmes rapports. Vous savez la décentralisation, Gaston DEFERRE avait dit qu’il faudrait une génération pour qu’elle se mette en place, c’est vrai. Il fallait des élus nouveaux qui arrivent au pouvoir et qui n’aient pas connu la période d’avant la décentralisation. Et cela change totalement les choses. Et les relations avec l’Etat jouent dans ce sens-là. La culture est quelque chose qui joue autant que le reste.

Il y a eu une banalisation du préfet dans le paysage politico-administratif local…

Bien sûr, bien sûr.

Vous voyez quelque chose à ajouter ?

Non, je pense que la manufacture des tabacs est une belle réalisation. C’est quand même ce qui nous a permis d’aboutir à nos fins c’est-à-dire à une redistribution de l’ensemble des locaux entre les universités lyonnaises. Bon entre Lyon II et Lyon III pour les quais, cela a été perturbé par l’incendie de la bibliothèque. On n’a pas encore trouvé le bon système parce qu’il y a encore trop de financements croisés. Bon j’espère que la deuxième vague de la décentralisation apportera des solutions. Mais je ne vois pas comment aujourd’hui on pourra longtemps s’abstraire d’aller plus loin pour des raisons de cohérence et d’efficacité. Ce qu’on a vécu depuis la Manufacture jusqu’à l’actuel CPER, je ne vois pas comment après les collectivités, notamment le département, on pourra autant s’impliquer dans l’enseignement supérieur. Parce que les charges qu’on a reçu avec l’APA, avec les services d’incendie et de secours, les charges que l’on va recevoir dans le domaine, c’est quasiment acquis, des routes nationales feront qu’on aura plus de disponibilités budgétaires pour cela. Même la fin du contrat avec l’APA va être difficile. Je ne vois pas comment on pourra justifier des augmentations de fiscalité dans un domaine qui n’est pas le notre. Autant, on peut le justifier pour l’APA ou pour les routes ou pour les collèges, autant je ne vois pas un élu dire : « écoutez il faut encore mettre 150 millions de francs dans le domaine universitaire parce que l’Etat n’est plus là. » L’actuel contrat Etat – région est le dernier exemple dans le domaine des implantations universitaires d’un mode de fonctionnement que la Manufacture avait démarré. Là, on a vécu la période et on est en train de la clore. On l’a démarrée avec la Manufacture et on va la clore avec le contrat de plan Etat région. Je ne vois pas comment cela peut être fait. Alors qu’au contraire la région qui n’était pas présente devient la collectivité de référence pour l’enseignement supérieur. Et légitimement parce que c’est elle qui doit l’être parce que l’université n’est pas une affaire de ville, ce n’est pas une affaire de département. L’université rayonne sur un territoire régional avec une cohérence à trouver sur le territoire régional. C’est un peu cela que les universitaires craignent. Si la région est appelée à devenir l’interlocuteur pour les investissements dans les projets qu’elle prendra, elle n’interviendra pas sur l’enseignement, ni sur la recherche, mais elle dira peut être : « si vous me proposez deux équipements de même nature, de même objet l’un à St Etienne et l’autre à Lyon, on n’en choisira qu’un ». De façon à ce que les universités ne se fassent pas concurrence sur le même territoire. C’est un peu cela que craignent les universitaires. Mais aujourd’hui on a besoin de cohérence, l’argent public est rare. Cela paraît normal. Mais cela sera plus dur de l’entendre pour les universitaires venant d’une proximité régionale que cela ne pouvait l’être avec moins de force venant du ministère. Je pense que la difficulté est là. Mais c’est comme cela que je vois l’évolution et je ne vois pas bien ce qui pourrait nous en écarter.