Entretien avec Gérard NIOULOU – Chef des services techniques de l’université Lyon III depuis 2003 - 27 novembre 2002

L’entretien se déroule dans le bureau de Gérard NIOULOU dans les locaux de la Manufacture des Tabacs. Nous avions rendez-vous pour une consultation d’archives. Prudents, nous avons emmené notre dictaphone : la consultation d’archives se transforme rapidement en entretien. L’interviewé se déplaçant pour chercher des archives, ses propos sont parfois inaudibles sur les bandes d’enregistrement. Dans la mesure du possible, nous avons retranscrit l’entretien.

….

Il y avait des éléments forts dans ce projet de la Manufacture des Tabacs. Peut être un petit peu des éléments de « lyonnitude » puisque cette rue transversale, on a souhaité en faire une traboule. C’est très lyonnais. Ces deux failles dans ce qu’on appelle les cloîtres, ces deux pénétrantes portent le nom de failles. La première B1-B2 et la faille B3-B4. Le site est distribué par ces deux pôles : le pôle droit et gestion plus au nord, et puis le pôle littéraire plus au sud. C’est au rez-de-chaussée qu’on trouve de la circulation étudiante qui dans les intercours changent d’amphithéâtres, quand les étudiants sortent ces espaces sont complètement pleins. On a ensuite un bâtiment dans lequel se trouvent les appartements des fonctionnaires qui sont d’astreinte 365 jours par an. Il s’appelle la lunette de l’hirondelle parce qu’avant la création de la Manufacture ce bâtiment était un bastion militaire qui protégeait Lyon des invasions venues de l’est et il y avait un dispositif militaire qui s’appelait la lunette de l’hirondelle. Et donc pour garder la mémoire de cela eh bien j’ai proposé que ce bâtiment s’appelle la lunette de l’hirondelle. La suggestion a été retenue. (…)

Vous avez été associé à l’architecte…

Oui quand même. J’ai été associé au moment des concours puisque je me suis trouvé dans la commission technique qui a évalué l’intérêt de chaque projet. Puis après, il faut dire qu’on était dans une procédure particulière puisque c’était un concours de conception-construction presque illégale selon le code. On voudrait refaire une opération comme cela qu’il faudrait y regarder à deux fois au niveau de la légalité. Oui, j’ai été associé mais sporadiquement on va dire. Et puis ensuite une fois l’architecte désigné, il est arrivé que je sois consulté pour affiner son projet en fonction du programme qui avait été défini par l’université. Le programme, c’est quand même ce qui doit guider le projet architectural.

Je crois que c’est Henry ALEXANDRE qui avait choisi de faire le programme en conception-construction…

Je ne sais pas qui avait choisi cette procédure. Après coup, je crois que cela a été finalement une bonne opération. Pourquoi je disais tout à l’heure qu’il fallait bien regarder avant de se lancer dans ce genre d’affaires ? Parce que ce qui est critiquable, c’est d’associer l’architecte avec la construction. Traditionnellement, l’architecte c’est celui qui fait. C’est celui qui impose. Si bien que si la conception et la construction sont associées, on peut imaginer qu’il y ait moins d’autorité de la part de l’architecte et que la direction architecturale en pâtirait parce que chacun a intérêt économiquement à ce que le projet avance. Il y avait un risque à ce niveau là. Mais cet effet pervers éventuel n’a pas joué dans le projet de la Manu. Parce que le résultat est quand même intéressant. La tranche nord s’est déroulée dans ces conditions là avec en plus une assurance dommage-ouvrage ce qui est intéressant dans le cadre de la période décennale. Cette tranche là n’a pas été la moins bonne. Je dirais même qu’elle a été la meilleure. On a plus de soucis avec les tranches suivantes. Quand il y a un problème c’est la mer à boire. Quand il y a des dysfonctionnements, il faut entrer dans des procédures pré-contentieuses. Alors que la tranche nord, cela roule tout seul. On est bientôt à 10 ans donc ensuite, on sera tout seul s’il y a des problèmes. Mais on est encore accompagné par les dispositions qui avaient été prises à l’époque et je crois que c’est un point très fort de la tranche nord. (…) Dans la tranche 1bis, il y a eu une petite opération en maîtrise d’ouvrage conseil général qui a consisté en une petite opération de 1400 m² de restauration financée par la COURLY, le conseil général et l’université. Une petite tranche mais qui a eu des effets bénéfiques pour les étudiants qui étaient déjà à la Manufacture des Tabacs puisque cela a permis d’ouvrir des espaces de restauration pour eux. Puisque la tranche nord a commencé à fonctionner sans espace de restauration. Il y avait quand même des Mc Do mais pas d’espace autre. Il est certain que mon implication personnelle s’est accentuée beaucoup dans les autres tranches puisque après la tranche nord nous étions sur place. Donc il y avait déjà une exploitation importante du site. Cela donnait des raisons pour être très près des autres tranches du fait qu’il y avait d’une part cohabitation entre des tranches exploitées et des tranches en travaux, ce qui posait des problèmes de sécurité assez évidents. La tranche Nord demandait d’être plus présent dans les tranches suivantes. Egalement pour que les premières interrogations qu’on pouvait avoir dans la tranche nord ne soient pas reproduites.

C’est facile comme cela d’intervenir sur le déroulement des travaux ?

Non c’est assez difficile parce qu’on est un peu les empêcheurs de tourner en rond. Parce qu’on vient pour dire que cela ne va pas, qu’il y a des problèmes. Notre intervention va demander de recaler le dossier. C’est toujours un contre temps, alors il faut le comprendre, il faut l’admettre mais si la question posée représente un enjeu important il faut que cela soit pris en compte. Et quand l’université intervient, c’est que l’enjeu est là. Il y a des tas de choses où on n’intervient pas mais il y a des choses où on estime qu’il ne faut pas que cela en reste là. Mais quand on dit : « il ne faut pas que cela reste comme cela, ce serait dommage. » Là on est plus présent. La demande fait l’objet d’un écrit au maître d’ouvrage qui en général produit un effet positif. Notamment dans le cadre de la tranche 2, je suis en opposition avec des acteurs du projet. Je ne sais pas qui est le responsable probablement le maître d‘œuvre. Le permis de construire prévoit un amphithéâtre classé type L et non type R. Le type L permet d’organiser des manifestations avec du public qui n’est pas le public habituel. Le public des étudiants, c’est le type R classique, les étudiants. Le type L s’apparente au spectacle qui permet de faire venir des gens qui sont extérieurs à l’université. Il n’y a pas les mêmes installations par exemple au niveau de l’alarme. L’alarme incendie est différente, la sono de l’amphi est également différente. Or, dans le permis de construire, il est bien dit que les bâtiments doivent être de type L et ils ne les ont pas mis type L. Ou qu’à moitié type L. Il y a un certain nombre de choses qui sont bien de type L et puis d’autres qui ne le sont pas. Comme il y a des choses qui ne sont pas faites, il n’est pas typé. On a commencé à investir, à dépenser de l’argent sur un type L et on n’a pas été au bout parce qu’on a oublié de définir ce qu’il fallait. Et aujourd’hui je suis en opposition parce que notre idée au sein de l’université c’est qu’il faut absolument que ce soit de type L. On l’avait annoncé dès le départ dans le document majeur qu’est le permis de construire. Les techniques doivent y être. La commission de sécurité n’a pas voulu qu’on l’ouvre au public parce qu’il n’est pas de type L. Pour qu’on puisse l’ouvrir au public, ils nous ont donné le feu vert mais il a fallu qu’on s’engage de ne pas recevoir des gens qui sont extérieurs à l’université. Mais actuellement on est privé de cette possibilité là. Or l’université s’ouvre sur l’extérieur de plus en plus. C’est le genre de problème qu’on rencontre. Je cite ce problème là parce qu’à mon avis c’est le plus gros. C’est le plus gros problème qui démontre qu’il peut y avoir discussion entre l’affectataire et le maître d’ouvrage, le conducteur de l’opération et le maître d’œuvre qui s’est trompé. Ces plans ont été validés alors même qu’ils n’étaient pas bons. Le dossier est ouvert.

Et cela se passe comment, la résolution de ces problèmes ?

Nous ne sommes jamais allés au contentieux, on trouve toujours des accords avant mais on est insistant si vous voulez. C’est une des raisons, une grosse raison, pour laquelle dans les réunions on est un petit peu des empoisonneurs. Il y a deux possibilités : soit ce qui était prévu dans le programme n’est pas en train de se faire comme prévu, et on demande que cela soit corrigé ; soit il y a un besoin nouveau universitaire qui s’impose ce qui fait que la cloison qui est prévue là, il faudrait la mettre là. Là c’est embêtant parce que le dérangement vient vraiment de notre fait. Mais s’il y a une vraie raison, politiquement approuvée, de faire une modification c’est quand même bête de laisser faire les choses pour les casser ensuite. En terme d’économie globale on a intérêt à faire bien. Alors même que la tendance, c’est de dire : « écoutez c’est trop compliqué, on fait comme c’est marqué. Et nous on comprend bien qu’on empoisonne la vie des gens. Mais il y a quand même un certain nombre de choses pour lesquelles on ne dit rien. Mais quand l’enjeu financier est intéressant, on dit les choses. De fait peu d’enseignants ont été impliqués.

Donc la réalité de Lyon III c’est une présidence forte.

C’est un peu ce que l’on peut dire c’est un peu délicat de le dire comme cela parce que cela voudrait dire que la concertation n’existe pas à Lyon III. Ce n’est pas tout à fait le cas. Mais c’est peut être plutôt la chance d’avoir une très bonne connaissance du terrain pédagogique par quelqu’un qui vient en représentation du corps enseignant. Il y a certainement des concertations qui sont faites. Et puis, il faut poser la question de savoir s’il y a beaucoup d’enseignants qui souhaitent être impliqués. Il y en a qui sont très directifs, qui souhaiterons l’être, qui s’imposeront et qui seront agrégés aux équipes de réflexion. Et puis il y a ceux qui ne souhaitent pas l’être et qui ne se posent pas de questions. C’est aussi simple que cela. Mais il y a forcement une concertation, les projets passent en CA. Il y a toujours quelqu’un à la marge pour vous dire que cela aurait pu être mieux mais bon, ce n’est pas la majorité. Loin de là. Les gens étaient satisfaits des locaux livrés ce qui prouve bien qu’il y a eu une sorte de consensus sur la direction des projets en interne. Il n’y a jamais eu de problèmes. En tous les cas je n’en ai jamais entendu parler. Les gens étaient plutôt en attente pour savoir quand est ce qu’on va déménager. Et puis il a fallu intégrer la question des réseaux parce que la tranche nord est arrivée en plein début de l’informatique. Avant la période de la tranche Nord chaque fonctionnaire n’avait pas de poste. Dans les années 1980 et jusqu’au début des années 1990, on était dans une pièce où il y avait de l’informatique. Aujourd’hui, c’est balayé, le moindre salarié a son PC. En 1990, dans l’enseignement supérieur, ce n’était pas comme cela. On voyait bien par rapport au contenu que c’était un programme fait pour une université scientifique, il y avait des laboratoires. La seule université qui avait des labos c’est Lyon I. C’est un projet qui avait été commandité par la COURLY. Il y a eu une étude de faisabilité pour la transformation d’une friche industrielle en bâtiments universitaires mais qui était dépouillée de toute affectation. Mais par contre, lorsque le concours d’architecte a été lancé, Lyon III était déjà depuis longtemps identifié comme l’affectataire des locaux. Ce truc là c’était fait par un bureau d’études. La grande pérennité possible dans le cadre de l’exploitation du bâtiment et puis en terme de coût global, tous les acteurs doivent avoir une responsabilité : l’architecte, le destinataire exploitant et l’enjeu c’est de trouver le système le moins cher. Vous savez que le parking a pu être financé grâce à l’idée de quelqu’un de la COURLY, idée qui a été relayée par PITANCE qui était le mandataire commun de conception-construction de la tranche nord, et qui aurait créé une société émanant de PITANCE qui s’est appelée PASS et qui a été créée pour commercialiser les volumes commerciaux qui sont dans la 1ère partie de la rue Rollet. C’était une idée intéressante parce que la COURLY qui était propriétaire des terrains puisqu’elle les avait rachetés à la SEITA, proposait de construire une université pour le compte de l’Etat et se donnait la possibilité de construire une partie pour faire des surfaces commerciales privées. De plus en plus actuellement on a un principe qui veut que les propriétaires ne soient propriétaires que du volume. Et non pas des gros murs qui sont à l’Etat. Ils ont acheté un vide fort cher d’ailleurs. L’idée, c’est que pour quelques m² de terrain, on pouvait vendre de l’air aux gens. C’est comme cela qu’on a vu arriver Mc Do. Ce n’est pas nous qui avons réclamer Mc Do mais par manque de chance ils se sont portés acquéreur. Je ne sais pas si au départ, on n’y avait pensé qu’il y avait ce risque là. C’est un petit peu ce qui est dans la tête de tout le monde. Certains ont dit : « mais c’est scandaleux, c’est l’université qui a mis un Mc Do. » Nous l’avons entendu. Nous on y est pour rien. Personne n’y est pour rien. C’est Mc Do qui s’est porté acquéreur. Dans l’accord qu’il y avait le Recteur avait un droit de veto s’il s’agissait de développer une activité qui soit néfaste à la bienséance universitaire. Ce qui n’a pas empêché Virtual Center de s’installer pendant de nombreuses années, 4-5 ans. Avec ses mitraillettes pour flinguer virtuellement les gens. Il n’existe plus maintenant. Mais bon il y aurait eu un vendeur d’armes ou un sex shop je ne pense pas que cela se serait passé de la même façon. Mais il ne pouvait pas jouer sur Mc Do. Et puis quelque part Mc Do a permis de compenser le déficit d’offre alimentaire qu’on connaissait au départ. La revente de ces volumes a permis de financer une partie du parking de Lyon III. Sinon on n’aurait pas trouver les financements, il faut donc reconnaître que l’idée était géniale. C’était quand même dommage de réaliser un tel projet sans prévoir un parking parce que pour le parking, c’est au moment des travaux ou jamais. On ne peut pas travailler en sous sol comme cela. Donc c’était maintenant ou jamais. Cela fonctionne bien aujourd’hui. Le parking est totalement suffisant pour l’ensemble des personnels de l’Université. On ne l’a pas ouvert aux étudiants parce qu’il aura été insuffisant et là il aurait fallu faire de la sélection sur des critères financiers. On n’a pas voulu le faire.

Vous étiez dans les années 1960 employé par le Rectorat d’Académie…

Au niveau immobilier, à l’époque, les services techniques du rectorat était constitué de l’ingénieur régional. Il avait une équipe très restreinte de deux à trois ingénieurs pas plus. Parallèlement à cela, il y avait une structure qui s’appelait le contrôle des travaux qui s’occupait des travaux de l’académie mais au sens large du terme puisqu’on avait en charge les problèmes relatifs au Rectorat, qui n’était pas construit dans son implantation actuelle. Et à l’époque, on avait assumé également les travaux des universités lyonnaises grosso modo localisées sur Lyon. Avec des antennes de locaux dont nous avions la charge en dehors de Lyon : la Faculté des sciences avait un labo de biologie marine où je ne sais pas quoi à Tamaris sur mer. J’ai eu moi même à m’occuper de bons d’achat pour des aquariums envoyés à Tamaris sur mer. J’avais également en charge l’entretien de l’observatoire de St Genis-Laval. Des aberrations. Mon chef de service était un homme qui avait 70 ans et qui s’accrochait au travail puisqu’à l’époque rien n’empêchait de travailler jusqu’à cet âge. Il était là surtout pour faire les relations avec les entreprises et c’est tout. Et l’un de ces adjoints qui était concrètement le chef de service de cette petite unité dont je faisais partie. Ce patron jouait le jeu du responsable. On avait une secrétaire qui faisait le contrôle des mémoires. Et puis moi même dans cette équipe là. Nous étions quatre. J’y suis rentré par le plus grand des hasards. J’ai fait mon service militaire dans le Génie alpin. Est ce que ce sont mes états de service de personne n’ayant pas fait de bruit mais en tous les cas on m’a affecté pour les trois derniers mois de mon service à la rescousse des services du Rectorat de Lyon qui avait besoin de monde pour se relever de 1968. Je me suis retrouvé dans un service administratif de l’enseignement supérieur pendant un mois. J’étais chargé de mettre à jour le dossier des réservistes de l’enseignement supérieur. Rien à voir avec le bâtiment donc. J’avais fait des études de bâtiment et de génie civil préalablement et puis le chef de service de suivi des travaux cherchait quelqu’un. En discutant, il s’est rendu compte que j’avais une formation de bâtiment et de génie civil, et cela l’a fortement intéressé. Donc après l’armée, je n’avais pas de projet à part une proposition de conducteur de travaux pour la construction du métro de Brazillia dans une boîte pour laquelle j’avais travaillé avant d’aller à l’armée. N’étant pas très aventurier, j’ai laissé tomber cela et on m’a offert un emploi d’adjoint au conducteur de travaux. Le conducteur de travaux c’était celui qui faisait réellement le travail. Là, j’ai intégré l’équipe tout de suite après mon service.

Pourquoi le projet a été abandonné au profit de Bron Parilly. On trouve des traces depuis la fin des années 1950. On s’oriente plutôt ensuite sur Bron Parilly.

En 1970, le projet était toujours envisagé. On était à deux doigts d’aboutir sur une décision. Moi j’avais la charge de ce domaine techniquement. Il y avait un gardien qui était sur place et j’encadrais ce gardien. Je me rappelle avoir été avec la deux chevaux de service régler des problèmes d’étang, intervenir après l’éboulement des arbres de la propriété sur la ligne SNCF. J’étais intervenu pendant un an, un an et demi sur ce sujet là. Il y a quelqu’un qui est très compétent sur ce sujet là, c’est Mr LAFERRERE.

Le projet de Lacroix Laval, pourquoi est ce qu’il n’est pas relancé au moment de la scission entre les deux universités ?

Parce que les bâtiments n’existaient pas à Lacroix Laval au moment de la partition.

Oui, mais pourquoi cela n’a pas relancé le projet ?

Contre Bron ? Lyon III à Lacroix Laval cela laissait en vacuité des locaux qui auraient été repris par qui ? Puisque Bron a été créé pour les besoins de l’extension de Lyon II constitué. Lyon III à l’époque n’était pas particulièrement serré dans ses locaux. C’était juste, déjà mais cela allait encore. La crise du logement était moins accentué qu’elle ne l’a été ensuite. On a dû commencer l’université avec 6500 étudiants quelque chose comme cela. On était à La Doua pour le 1er cycle de droit. On n’était pas forcément à l’étroit comme on a pu l’être plus tard quand les effectifs ont monté puisqu’on est passé de 6500 à 20000. Moi je n’ai pas entendu dire que la question se posait de savoir si Lyon III irait ou non à Lacroix Laval.

Il y a eu des commissions de réflexion autour de Mr MURAT qui avaient réfléchi à cela.

Moi, en tous les cas, je n’ai jamais été associé au projet.

Ensuite vous êtes passé au service technique de l’ancienne Lyon II ?

Oui, c’était l’embryon des services techniques de l’ancienne université Lyon II. J’étais au contrôle technique des travaux de l’Académie. L’ancienne Université Lyon II commençait à se structurer. Mon introduction dans l’ancienne Lyon II pouvait en effet constituer le début d’un service technique immobilier. Je ne me souviens pas d’avoir eu un homologue. Après, il y a eu un recrutement d’un ingénieur qui s’appelait Mr DESCOMBES. Je pense que je suis arrivé avant lui. Et puis, ensuite, la scission est intervenue avec la partition des ingénieurs avec DESCOMBES d’un côté et moi de l’autre. DESCOMBES est resté à la nouvelle Lyon II. Moi, je suis arrivé au début puisque je m’étais déjà rallié à Lyon III pendant la période confuse. Quand vous êtes personnel, vous êtes au gré des flots. J’avais pris quinze jours trop tôt le parti de choisir structurellement mon camp mais que structurellement et pas politiquement. Politiquement, on aurait des difficultés à savoir où je me situe, je n’en sais rien moi-même. Je suis un pragmatique : ce qui m’intéresse c’est que les choses soient bien décidées. A l’époque, j’étais déjà dans le même état d’esprit. J’avais quelques propensions à m’occuper des bâtiments dont allait hériter Lyon III. Je m’étais déjà rapproché du président pressenti de Lyon III, le conseil n’avait pas été élu mais il y avait déjà des velléités. Je m’étais donc rapproché de lui pour engager une action conservatoire pour commencer à créer l’identification physique de Lyon III. Dans quels bâtiments ? Les biens qui sont dans ces bâtiments, qu’est ce qu’on en fait ? Quand il y avait des biens dans les futurs locaux de Lyon III qui semblait sortir trop vite, j’avais déjà mis des serrures pour qu’ils ne sortent plus. J’avais été pressenti comme étant à Lyon III et j’empêchais que le matériel fuit. Parce que cela partait et que les gens avaient pris les mêmes dispositions mais dans l’autre sens en disant : « puisque je vais travailler là, j’emmène mes ouvrages, mes moulages. » J’ai bloqué les moulages, personnellement. Je me suis enguelé crûment avec mon collègue DESCOMBES. On a quand même réussi à rester au moins collègue au niveau des relations personnelles mais au niveau du boulot, il s’en est passé quand même de pas tristes. Le service des sports qui étaient en sous sol, qu’est ce qui pouvait dire que cette salle des sports ne pouvait pas bénéficier à Lyon III ? Pourquoi il fallait faire partir les agrées ? Il y a la question des services administratifs : qu’est ce qui disait que les tables, les chaises, le matériel devaient revenir à Lyon II ? Parce que les services administratifs étaient dans les bâtiments revenant à Lyon II. Il y a quand même eu des accords qui ont consisté à nous acheter du matériel. J’ai eu avant l’heure des responsabilités. Ce qui m’a d’ailleurs valu des rappels à l’ordre de la part du secrétaire général qui m’a dit que tant que la scission n’était pas officielle, il restait le responsable des services administratifs alors que moi j’avais déjà fait mon choix 15 jours avant. Il m’a rappelé à l’ordre en me disant : « Mais NIOULOU, vous recevez vos ordres de qui ? » Je lui ai dit : « je ne devrais les recevoir que de vous mais j’en reçois aussi du président ROLAND. » J’avais une grosse pression de l’autre côté et le choix était dur. Fort heureusement, j’ai pu ensuite intégrer Lyon III et j’ai pu exercer mes fonctions avec plus de clarté avec un président élu. Il y avait une propension de la part de Lyon II à considérer que tous les biens mobiliers étaient les leurs de façon catégorique. Il y a un article de presse que j’ai gardé.

Dans la scission, la solution retenue était de laisser le libre choix aux personnels…

Oui, cela s’est partagé semble-t-il proportionnellement au poids des diplômes et des habilitations qui étaient en face. Pour les gens qui étaient déjà dans la scolarité, la plupart du temps ils ont suivi leur unité, mais pour les services techniques, nous, on n’avait pas de chapelles. Il fallait vraiment faire un choix. Moi je l’ai fait. Il y a eu deux présidents BERNARDET à Lyon II et ROLLAND à Lyon III. J’ai fait un choix qui n’était pas du tout politique. A tel point que le président BERNARDET de Lyon II avec qui j’étais en très bonnes relations parce qu’on côtoyait le même site, m’avait rendu un hommage en me disant : « quel regret de ne pas vous avoir récupéré au moment où cela pouvait se faire. » Je ne sais pas s’il voulait me faire plaisir ce jour-là. Mais c’était un peu désobligeant pour mon collègue de Lyon II qui est aujourd’hui à la retraite. C’est pour cela que j’en parle un peu plus à cœur ouvert. Il m’avait dit cela et cela m’avait fait plaisir. Je n’avais pas pensé mais cela m’a étonné. Tout ceci pour dire que j’aurais très bien pu me retrouver à Lyon II sans aucune conséquence pour moi.

C’est quoi qui pousse ces unités à se séparer ?

Certains disent que ce n’étaient pas politique d’autres si. Mais il y avait déjà la grandeur de l’établissement qui posait problème. Si on réunissait les 24 000 étudiants de Lyon II et 20 000 étudiants de Lyon III aujourd’hui, cela fait quand même 44 000 étudiants, je ne suis pas sûr qu’il y ait une université aussi grande aujourd’hui en France. Il y en a de très grosses mais pas de 45 000. Il y avait une taille critique qui était atteinte et comme toute institution qui atteint une taille critique, elle devient ingérable. Si on dit qu’on doit couper une université en deux, sur quels critères ? C’est là qu’intervient le facteur politique si vous voulez. Il y avait les gens du droit. Ils sont où les gens du droit ? Ils sont de droite. Pour les plus petites unités, si le droit part là, certaines ont préféré rejoindre le camp du droit. Ce n’est pas forcement un choix politique. C’est lié au prestige de la Faculté de droit. Après il y avait psycho et socio à Lyon II, ce n’est pas des gens de droite dans l’ancienne Lyon II. Donc du coup, ils rejoignent l’autre camp parce qu’ils ne se sentent pas proches du droit. Et puis ensuite, il y a des atomes crochus qui se font avec les psycho/socio. Chaque université avait chacune quasiment l’ensemble des composantes : ils ont recréé une Faculté de droit de l’autre côté, nous on a fait un embryon de sciences économiques avec trois fois rien, pour les lettres, on avait une faculté comme eux. Les langues on avait une faculté de langues et eux aussi ils avaient une petite unité. Ils trouvaient que les langues avaient une tendance de droite et qu’ils avaient des raisons de se rapprocher du droit. L’alliance pour laquelle on pourrait donner un affichage politique s’est faite par rapport aux sensibilités des composantes et peut être pour certaines non pas à l’aspect politique mais à l’intérêt qu’il y a de se rapprocher du droit qui a un certain prestige. C’est mon analyse à moi. La Faculté de philo qui n’est pas forcément de droite a voulu se rapprocher de Lyon III. C’est peut être une question de personnalité de son doyen à l’époque c’est possible. Est-ce qu’il n’y a pas non plus une volonté de se démarquer de certains ? Quand on ne veut pas se démarquer de certains eh bien on s’en éloigne. Il peut y avoir eu cet aspect. Par exemple la faculté de philo aurait pu avoir des raisons de s’éloigner de la Faculté de psycho/socio bien que de tendance politique proche. Dire que c’est complètement politique, ce n’est certainement pas vrai mais le politique a contribué à créer le partage. Quant aux FN, il y en a des deux côtés.

Vous voyez quelque chose à ajouter sur la période ?

En résumé, je témoigne que les activités immobilières pratiquement inexistantes au Rectorat dans les années 1960-70 n’ont eu de cesse de prendre de la consistance. Vous m’avez obligé à réaliser qu’au sein de l’ancienne Lyon II, quand je suis passé d’une université à l’autre, la question immobilière était apparue comme une question à individualiser à part entière. Moi j’ai intégré une équipe qui avait une connotation plus logistique qui s’occupait plus des achats. Je suis resté là avec ma compétence travaux. C’était une grande première. Et Mr DESCOMBES est arrivé ensuite, après moi. Son arrivée, c’est ce qui a permis la partition équitable.

Ce renforcement des services techniques, il est impulsé par quoi ?

Le développement des activités immobilières des universités, il y a deux grandes périodes. Cela répond dans un premier temps à l’expansion patrimoniale des universités qui a explosé dans cette période-là, avec la création des campus à partir de 1960. Cette expansion a fait qu’il y avait besoin de compétence. Ces dossiers devaient être dirigés par la DDE à l’époque d’ailleurs. Il y avait une sorte de délégation qui faisait qu’on pouvait se passer de compétence mais après la construction, il y a quand même la maintenance et il faut encore de la compétence bâtiment. Cette expansion a fait que jusqu’en 1985, les établissements ont organisé des services immobiliers. On était sur l’aspect exploitation et maintenance jusqu’en 1985. Non pas en 1985, 1989. Jusqu’en 1989, on a eu un grand développement du fait d’une expansion puis d’une technicité de plus en plus compliquée. On a vu apparaître le développement de la téléphonie. Il fallait s’occuper des réseaux de téléphone. Alors au début, il y avait trois fils qui se courraient après mais ensuite on a constitué des réseaux téléphoniques avec des commutateurs électromécaniques. Après, on s’est occupé de l’hygiène avec le renouvellement de l’air. Ensuite, la réglementation est devenue plus complexe, plus exigeante, c’est un élément fort, les textes réglementaires. Il a fallu avoir des compétences fortes pour pouvoir construite et entretenir dans les règles. D’où le besoin de renforcer les équipes qualitativement et quantitativement. On a eu besoin d’ingénieurs dans les équipes. 1989 est passé par là avec la loi d’orientation du 10 juillet ou 12 juillet qui dans son article 20 dit que la maîtrise d’ouvrage exercée par l’Etat pour les constructions ou les réhabilitations pouvait être exercée par les établissements. A partir de là, il y a eu un gros changement de donne. 12 ans, après on constate que 30% des maîtrises d’ouvrage sont prises par les établissements. C’est beaucoup et peu à la fois. Ceci a nécessité des compétences que l’on a certainement pas héritées des rectorats parce que le mouvement ne s’est pas fait. Les établissements ont dû organiser eux-mêmes à travers leur recrutement le montage des concours. La prise de conscience de l’existence d’une fonction technique immobilière à part entière date de la création de l’association ARTIES qui s’est faite parce qu’on était dans un système de non reconnaissance d’une fonction. Et quand on n’est pas reconnu, on travaille mal. Si l’enseignement supérieur n’a pas de locaux qui soient rationnellement utilisés, si l’enseignement supérieur n’a pas de locaux qui fonctionnent bien, il faut se poser la question pourquoi. Les services immobiliers sont les seuls capables de leur donner leur outil de travail et de les remettre à niveau. On ne savait donc pas ce que les gens faisaient et c’était un peu pénible. Donc, on a fait cette association pour faire reconnaître nos compétences et surtout le code de nos compétences. Il y a un certain nombre de circulaires qui se font en application de la loi de 1989 qui nous organisaient sans qu’on soit nommé, qui nous disaient ce qu’on pouvait faire, nos limites sans qu’on ne soit jamais nommé. Le vocable général retenu, c’est service technique immobilier. Il y a 10 ans en arrière, il n’y avait pas de reconnaissance. La reconnaissance s’est faite au moment où on a fait le référentiel que je vous ai donné. Reconnu dans les hautes instances du ministère. C’est un document qui résume bien la situation. On a commencé à intéresser les gens parce qu’ils ont vu qu’on était sérieux. On est reconnu et salué comme étant incontournable dans les actions de développement d’un système universitaire. Inexistence en 1970, embryon, ensuite véritable mise en place d’un service travaux et jusqu’à 1989, développement du fait de l’extension du domaine universitaire. En 1988, on avait déjà eu la maintenance qui avait été dévolue aux établissements, sans qu’on ait le choix. De fait. Avant on ne la faisait pas, c’était les rectorats qui la faisaient.  On a récupéré la maintenance qui représentait des chantiers de 5 à 10 millions de francs à l’époque, donc déjà des sommes importantes. Avec le code des marchés, il fallait en plus avoir des compétences administratives et économiques parce que les cellules marché n’existaient pas forcément encore à cette époque. Il a fallu apprendre à passer des marchés. Donc on nous a demandé une compétence technique et une compétence administrative. Il a fallu s’y mettre, connaître les dispositions des codes du marché. Avant on s’occupait de la petite maintenance c’est à dire que quand un directeur d’UFR nous demandait de faire une réfection de bureau, on lui faisait un devis et il payait sur les deniers de son service. Ce dont je parle c’est la grande maintenance c’est celle qui fait l’objet de l’article 66-70 des chapitres de l’Etat. C’est de l’argent que l’Etat donne pour faire de la grande maintenance ce qui n’a rien à voir avec la maintenance qui est faite sur les deniers de l’établissement. On n’allait pas plus loin que cela. Les crédits venant de l’Etat étaient spécifiques sur des opérations ciblées. Cela concernait des locaux de l’Etat qu’on a peut être laissés sans jamais faire de maintenance. Et là, c’est une opération complète. C’est cela qu’on a eu en 1988. En 1989, c’était pour les travaux. Maintenant, on parle de la rétrocession des biens de l’Etat aux établissements. On parle aussi d’une délégation aux régions du fonctionnement de l’immobilier sans qu’elles en soient propriétaires. On ne sait pas bien où vont les choses et où iront les gens. On se demande si on ne va pas devenir territorial. Pourquoi pas ? Mais avec quels pouvoirs et quelles activités ? Est ce que ce sera un pouvoir de la région ou de l’établissement ? On est dans le brouillard mais il y aura certainement un virage avant que je parte à la retraite.

Il est ressenti comment, ce virage ?

Nous, on attend pour voir mais on dit : « attention, ne le faisons pas n’importe comment ». Il faudra régler un certain nombre de questions préalables. Ne serait ce que la question de la taille critique d’un établissement. Est-ce qu’un petit établissement aura la taille critique pour assurer ces charges ? La technicité, les textes nous obligent d’avoir des compétences très variées. Et il faut souvent des personnes spécialisées pour les exercer. Est ce que tout le monde peut se permettre d’avoir un conducteur d’opérations ? Certainement pas. Nous à 20000 étudiants, on était juste à la taille qui permettait de dire : « oui, il nous en faut un. ». Jusqu’en 2006, on a des projets, et le conducteur d’opération aura de quoi faire. Parce qu’exercer une maîtrise d’ouvrage c’est du boulot. Il y avait 20 personnes pour l’ENS pour la maîtrise d’ouvrage. Donc pour une université de 20 000 étudiants, on avait bien besoin de personnels. Mais pour une université plus petite comme St Etienne ? Ne faut il pas alors imaginer des regroupements d’université pour la gestion du patrimoine ? Si oui, qui fait quoi ? Est ce qu’on est territoriaux ? Est ce qu’on est fonctionnaires d’Etat ? Tout le monde en parle mais personne n’a de réponses claires sur le sujet.