Entretien avec Nicole PEYCELON - Présidente de la commission enseignement supérieur de 1992 à 1998 – 11 mars 2002

L’entretien est réalisé dans les locaux de la mairie de Saint-Etienne où Nicole Peycelon est adjointe au maire.

Je vais tout d'abord vous demander de vous présenter.

Oui, bien sur. Nicole PEYCELON. Je suis élue au conseil régional depuis 1986. cela a été mon premier mandat d'élu. J'ai fait mes premiers pas en politique au conseil régional. Je suis également adjointe au maire de St Etienne depuis 1995. A la ville de St Etienne, je ne m'occupe pas des mêmes questions puisque je m'occupe de tout le social alors qu'à la région j'ai toujours eu comme point essentiel de compétence l'éducation, l'enseignement supérieur et la formation professionnelle. Mais tout cela a un peu évolué dans le temps. De 1986 à 1992, j'ai eu le mandat de conseiller régional et dans le cadre de ce mandat, j'ai participé aux différentes commissions que je viens d'évoquer avec vous. En 1992, j'étais présidente de la commission enseignement supérieur avec Alain Merrieux qui à l'époque officiait. Ensuite, j'ai été vice-présidente avec Charles Millon de 1998 à 1999 sur les questions de la formation professionnelle. J'ai toujours suivi un peu de près, moins depuis 1998, l'enseignement supérieur.

Vous avez participé au groupe de travail sur l'enseignement supérieur au début des années 1990. C'était donc au moment d'université 2000. Est ce que vous pouvez m'expliquer quel a été le rôle de ce groupe de travail dans les négociations ?

La région était d'abord au début de ses compétences [en matière d'enseignement supérieur]. A l'époque, sous l'impulsion d'Alain MERIEUX et du président, la région a eu très envie de s'impliquer dans l'enseignement supérieur. C'est un premier point. On s'était déjà impliqué dans les bourses d'enseignement supérieur pour l'étranger auparavant. L'Etat, c'était déjà Claude Allègre à l'époque, qui a lancé l'idée d'université 2000. En fait, l'Etat gardait la responsabilité de l'enseignement supérieur et faisait payer les collectivités locales. Je caricature un peu mais je crois que cela a été vrai quels que soient les gouvernements. A l'époque Rhône-Alpes a regardé cela avec circonspection mais avec aussi intérêt parce que Rhône-Alpes est très riche en matière d'enseignement supérieur. Cela nous paraissait l'avenir puisque l'enseignement supérieur est un pôle de développement important d'une région tout aussi important que le développement économique mais cela va de pair parce que si on a le savoir, c'est une ressource pour les entreprises. Le groupe de travail a eu surtout pour but de travailler aussi avec l'Etat pour essayer de border un peu les choses, de savoir jusqu'où la région était prête à aller, quelles étaient les opérations qui nous paraissaient prioritaires. C'est comme cela que nous avons beaucoup travaillé sur les questions relatives à la professionnalisation, l'enseignement par alternance... Dans ce groupe de travail, nous n'étions qu'une aide à l'exécutif c'est quand même l'exécutif c'est à dire le président et le vice-président en charge de l'enseignement supérieur qui ont discuté avec l'Etat. Mais moi-même, j'ai souvent participé avec Alain MERIEUX à des rencontres avec le recteur, avec le représentant du ministère [de l'Education nationale] pour essayer que certes nous acceptions de financer mais pas n'importe quoi. Donc il y a eu des opérations dans université 2000 qui ont été inscrites sous la pression de la région notamment ces enseignements professionnalisants, ces enseignements qui ouvraient sur l'alternance, cela a toujours été un peu le "dada" si vous me permettez l'expression, sans pour autant ignorer des formations universitaires plus généralistes, mais là on considérait que c'était plus le rôle de l'Etat. Donc il fallait aider à l'implantation et à la construction d'universités qui accueillaient de tout il ne s'agissait pas d'opérer un tri sélectif. Mais on disait : « d'accord on va sur un certain nombre d'opérations mais nous voulons aussi marquer une empreinte d'orientation plus forte de l'enseignement supérieur vers les entreprises ». Et c'est comme cela qu'on a pu faire inscrire dans université 2000 des opérations un peu originales par rapport à l'ensemble de la France. C'était le rôle du groupe de travail pour réfléchir avec nos services, pour trouver les priorités de Rhône Alpes et de les faire discuter ensuite avec l'Etat. Donc un rôle de propositions d'orientations.

Au moment, du lancement de ce schéma, Michel Noir et Jean Michel Dubernard ont lancé l'opération de la Manufacture des Tabacs. Vous aviez quel regard sur cette opération ?

Si vous voulez que je sois sincère, je ne crois pas que cela a été perçu comme une initiative de tel ou tel mais là, je ne parle qu'à titre personnel, je ne sais pas ce qu'en a pensé l'exécutif de l'époque. Je ne l'ai pas perçu comme tel, là je parle pour moi. Mais plutôt comme une très grosse opération de l'Université lyonnaise qui allait phagocyter beaucoup de crédits. Comme on ne voulait pas négliger le reste de la région, c'est vrai qu'il y a eu des discussions un peu serrées tant avec la ville de Lyon qu'avec le département du Rhône pour que la participation régionale ne soit pas exclusivement lyonnaise et que les universités de Savoie, de la Loire, d'Isère n'y perdent pas complètement parce que nous avions des budgets et il ne fallait pas que la Manufacture des Tabacs en absorbe la totalité. C'est vrai que cela a été présenté comme une initiative un peu, par un certain forcing de la part de la ville de Lyon. Mais je crois que la discussion s'est faite et que le résultat c'est qu'on y est allé sur des sommes relativement conséquentes, d'accord, mais c'était avec des partenariats d'autres collectivités. Mais cela a été vu à un certain moment comme un peu une certaine pression des élus lyonnais. Et puis c'était aussi une manière pour eux d'occuper un site. Il ne fallait pas que nous négligions cette opération qui pouvait être intéressante du point de vue de l'aménagement. a titre personnel en tous les cas, je ne l'ai pas ressenti comme une opération trop politicienne.

La région n'avait pas participé à la première tranche de travaux qui avait été financée par l'Etat, le département et la COURLY. Quelle avait été la raison de cette absence de participation ?

Je ne me souviens pas exactement. Je crois que cela faisait partie de cette discussion qui disait : "nous, on veut bien y aller mais à partir du moment où cela apportait un plus. Si ça n'apporte pas un plus, on n'ira peut être pas tout de suite." C'était pour montrer que cette opération Manufacture devait apporter quelque chose. Il y a eu des problèmes mais j'avoue que je ne m'en souviens pas très bien.

Il fallait en tout les cas que cela s'inscrive dans un programme régional...

Voilà, il fallait que cela ait un peu d'ampleur, que cela apporte un plus. Toujours avec cette volonté de ne pas faire les murs sans savoir ce qui s'y passait dedans. Et la région a toujours travaillé avec l'Etat en disant : « d'accord on veut bien mettre des murs mais on veut aussi discuter de ce qui se passe dedans. Même si nous n'avons pas la compétence. » C'était un peu, pas le bras de fer, mais une discussion serrée.

Ensuite vous avez été la présidente de la commission enseignement supérieur recherche. Quel a été le rôle de cette commission dans la négociation du CPER 1994-98 ?

C'était la même chose que pour Université 2000, à quelque chose près. Même si soyons clair quand même, au niveau du contrat de plan, les choses étaient un peu différentes. Comme Université 2000 c'était déjà déroulé, le décor était un petit peu planté. L'Etat savait déjà un peu comment Rhône Alpes discutait les choses. Il a fallu avoir la même vigilance. On est bien d'accord. Mais cela était déjà un peu rodé. Donc la commission avait un rôle de consultation parce que le groupe de travail était un peu à part. Il avait été fait spécialement pour Université 2000, c'était toujours ce rôle consultatif puisque c'est quand même dans ses procédures, l'exécutif qui décide en tout dernier lieu. C'était essentiellement ce rôle consultatif et puis d'essayer de débattre entre nous des priorités qu'on fixait à la région dans l'engagement dans ces politiques. On devait faire des choix parce qu'il y avait des échéanciers parfois à fixer et donc c'était le rôle de la commission de donner un avis. Mais le contrat de plan, comme Université 2000 s'était déjà déroulé, il y avait une sorte de continuité. Avec quelques différences, parfois les choses avaient un peu évolué. Il y avait l'expérience d'Université 2000 mais c'était dans une certaine continuité donc la discussion s'est faite d'une autre manière. C'était plus routinier, on avait pris un peu nos marques.

Comment se sont passées les discussions avec l'Etat ? C'est difficile de faire prendre en compte les orientations prioritaires de la région ?

Oui, assez. C'est pas facile. Et là, j'avoue que le rôle d'Alain MERIEUX a été extrêmement important. La personnalité d'Alain MERIEUX, sa crédibilité, son charisme ont beaucoup aidé. En plus, c'est un sujet qu'il connaissait fort bien en tant qu'industriel et donc entre guillemets comme employeur de diplômés de l'enseignement supérieur. Il connaissait bien quelles pouvaient être les priorités d'une entreprise, ses besoins pas uniquement ses besoins au sens immédiats mais avec une vraie prospective. Alain est quelqu'un qui raisonnait toujours à 15 ans en matière de besoins de formations. Cela a été difficile. Lui-même, reconnaît que cela n'est pas toujours évident de discuter avec l'Etat. Mais je pense qu'on y est à peu près arrivé. Au côté de Charles Millon, Alain était très très en pointe dans ces négociations.

Les autres collectivités participent également...

Oui avec les départements, cela a été un peu différent. Tout d'abord parce que l'Etat mettait la moitié et puis ensuite sur l'autre moitié la région mettait la moitié [soit le quart] et les départements et les villes se partageaient le reste. Donc si vous voulez c'est souvent ville et département qui arrivaient avec la région face à l'Etat. Donc il y avait déjà des pré-négociations, et c'était un peu le but de ces groupes de travail, qui permettaient de voir ce que demandaient les autres collectivités. Le rôle des villes est aussi important. Les villes universitaires connaissent bien leurs besoins. Le département était surtout un appui, quand ils acceptaient de rentrer dans la logique. Mais c'est vrai qu'il y avait plutôt une discussion région, départements et villes face à l'Etat. Les villes étaient importantes pour avoir une connaissance de la première demande sur un plan immobilier alors que sur un plan contenu, c'était plutôt la région. En concertation avec les villes et les départements bien entendu. Mais cela c'est plutôt bien passé dans l'ensemble.

Vous aviez des liens avec les universitaires à ce moment là ?

Oui toujours beaucoup. La politique de la région a toujours été d'être très proche des universitaires. C'est en région Rhône-Alpes qu'il y a eu la CURA qui a été mise en place en premier. Il y a toujours eu une concertation avec soit le président de la CURA soit avec le président de la commission regroupant les grandes écoles. Il y avait des rencontres très très régulières y compris moi en tant que présidente de commission j'y ai participé avec le vice président chargé de l'enseignement supérieur. Il y avait beaucoup d'échanges, la région n'arrivait jamais en disant : « c'est comme cela », le travail se faisait toujours en concertation y compris par rapport à l'Etat. La communauté universitaire, je ne dis pas qu'elle faisait corps avec la région parce que ce ne serait pas le terme qui conviendrait, mais ce qui était proposé par la région avait quand même été évoqué avec le monde universitaire. Cela n'a jamais été quelque chose de décidé par nous et d'imposer. Cela a toujours été fait en concertation avec le monde universitaire par le biais de contacts très réguliers. Moi, j'ai eu très souvent des réunions de travail avec des représentants des universités, ils ont participé à beaucoup de projets avant qu'ils soient présentés. Il y avait un vrai travail en amont fait avec eux. En plus, nous avions à la direction de l'enseignement supérieur Mr Martin, qui est malheureusement décédé, qui travaillait beaucoup avec le monde universitaire. Il y avait un vrai climat. J'ai beaucoup travaillé avec les présidents des universités quel qu'ils soient. C'était passionnant. On voyait leurs priorités, il n'y a jamais eu de hiatus avec le monde universitaire.

Vous m'avez parlé de la définition des priorités avec les collectivités locales pour ensuite négocier face à l'Etat. Vous souhaiteriez que le CPER soit une procédure qui soit plus ouverte et que l'ensemble des collectivités soit signataire du document ?

Oui, mais de fait cela se passe un peu comme cela. Quand on dit que le contrat de plan est un financement Etat -région, il y a aussi des financements sur certains projets qui associent les autres collectivités locales. Parfois, l'Etat joue un petit peu sur la division entre collectivités. Chaque collectivité a un peu l'habitude de défendre son quant à soi si vous me permettez l'expression. Et face à l'Etat qui est monolithique c'est un facteur de faiblesse des collectivités. Donc je crois que c'est un peu aux collectivités de travailler entre elles parce que l'Etat joue sur les divisions et sur leurs différences de priorités et, à la limite, que l'Etat demande à ce que tout le monde signe ce n'est pas cela qui fera avancer les choses. Il faut que les collectivités sachent fixer entre elles des priorités et ne discutent pas seules avec l'Etat.

C'est le rôle de la région d'intégrer les positions locales...

Cela pourrait l'être mais comme il n'y a pas de tutelle d'une collectivité locale sur une autre de par la loi, on ne peut pas. Cela se passe de manière informelle et puis en pré-discussions. Mais l'Etat joue beaucoup sur des discussions qu'il essaye d'avoir séparément. C'est un peu compliqué mais on y arrive.

Vous m'avez parlé des répartitions de financement avec l'Etat qui prend en charge 50% et les autres collectivités, 50% avec souvent la région qui assume la moitié de la part des collectivités locales. C'est vrai que c'est quelque chose qu'on retrouve. Cette répartition c'est quelque chose qui est presque institutionnalisé ?

Presque. C'est un peu dommage. Dans un certain nombre de domaines, l'Etat fait payer des choses aux collectivités qui sont de ses compétences. Ca, c'est toute l'ambiguïté de la décentralisation. En 1982, quand elle s'est mise en place même si on a été un peu réticent au début, il faut bien admettre qu'elle a été positive dans certains domaines. Mais l'Etat maintenant en profite pour faire porter aux collectivités des charges qui ne sont pas de leurs compétences mais sans jamais faire transférer les compétences. Il y a un jeu pervers. L'Etat a demandé aux universités de payer la moitié des universités mais leur dénie complètement le droit de se mêler du fonctionnement. Nous, en Rhône-Alpes, on a fait le forcing sur quelques opérations, je dis bien quelques, il ne faut pas croire qu'on a fait tout ce qu'on voulait. Et cette tendance, elle est vraie un peu partout, elle est vraie sur les transports actuellement. Cela mériterait une redéfinition de la décentralisation. S'il y a transfert de compétence et à la limite pourquoi pas, L'Etat peut très bien y mettre moins mais que l'Etat se garde des compétences pleines dans certains domaines. Ce qui est très pervers dans notre système politique aujourd'hui, c'est qu'il y ces financements croisés. C'est très mauvais. Quand quelque chose ne se fait pas, chacun se renvoie la balle en disant : « si la région n’y va pas, le département n'ira pas et l'Etat n'ira pas ». Je trouve que ce n'est pas très bon. Il vaut mieux déléguer une compétence. Cela a été le cas par exemple pour les lycées. L'Etat a donné une dotation complètement dérisoire par rapport aux besoins et par rapport à ce qu'il aurait pu donner mais cela fait partie de l'omnipotence de l'Etat quel qu'il soit. Là il y a eu un vrai transfert de compétence : c'est la région qui programme ses lycées, qui décide de ses implantations. Sur l'enseignement supérieur c'est hybride. Vous payez beaucoup et vous décidez pas grand chose et je trouve cela très pervers. La loi de décentralisation mériterait d'être revue. Soit on transfère complètement un domaine avec une dotation de l'Etat (on ne se fait pas d'illusions sur son montant). Cela qu'il y a de pire ce sont ces systèmes hybrides dans lesquels la responsabilité n'est jamais claire, et cela, c'est mauvais. Cela mériterait une redéfinition de la loi de décentralisation pour éviter les triples, les quadruples, les quintuples financements. C'est un facteur de lourdeur, de lenteur et de déresponsabilisation. Il faudrait une clarification des rôles : l'Etat est compétent sur quelque chose, il décide et il paye. Les régions sont compétentes sur des domaines, elles décident et elles payent. Mais qu'on arrête de dire : « je payerai que si tu payes ». Cela veut dire que ça fait un système de pressions, de chantage quelque part et que cela n'est pas bon. Que chacun assume sa responsabilité. Tous les partenaires ne vont pas à la même vitesse sur les financements. Il y en a toujours un qui est à la traîne, ce n'est jamais les mêmes rythmes de financements. C'est souvent le problème de l'Etat parce qu'il y a des lourdeurs plus grandes et c'est dommage. Personne n'est vraiment responsable et c'est très mauvais. Rhône-Alpes en était arrivé à assumer complètement certains financements en disant : « on fait telle opération et on la paye par contre sur d'autres ce sera l'Etat ». En disant : « d'accord on met une somme qui correspond à la moitié de l'enveloppe globale mais la région disait plutôt que de participer à toutes les opérations, la région en prenait deux ou trois grosses et on mettait moins sur d'autres mais on est maître d'ouvrage sur certaines pour que cela aille plus vite ». Et qu'on attende pas des financements qui viennent de l'Etat. Par contre, l'Etat en assume certaines. Comme cela quand il y a des retards, on sait vers qui il faut se tourner. Au moins vous savez qui est le responsable. Ce qui est bien, c'est de discuter sur une enveloppe globale et de définir des responsables sur des opérations précises, sinon, rien ne se fait.

Vous m'avez dit tout à l'heure que le jeu de l'Etat c'était de dire : « je paye si tu payes ». C'est de cet ordre là...

Ah bien sur. Au moment d'université 2000, vous aviez cela. L'Etat disait : "si les régions ne veulent pas, on ne fera rien dans votre université. Et on fera ailleurs là où les régions donneront." C'était ça. Pervers mais efficace.

Qu'est ce qui légitime l'intervention régionale dans les politiques d'enseignement supérieur ?

D'abord, je crois qu'il faut être clair, parce que l'Etat le souhaitait. Et puis je crois quand même que l'intervention d'une région sur l'université ne doit pas être sur tout. Elle peut essayer d'intervenir pour voir comment le tissu universitaire peut être un véritable apport pour les entreprises de notre région. Faire se rapprocher l'université et l'entreprise pour que ces deux mondes arrivent à se connaître, ce n'est pas possible qu'un ministère le fasse par exemple. Le ministère ne peut pas s'adapter à chaque spécificité régionale; Nous avons une région qui est assez industrielle où la chimie a un rôle très important. En Bretagne, ce n'est pas la même priorité. L'intérêt d'une implication régionale est un peu celle ci. Et puis cela a été le cas avec les bourses d'enseignement supérieur, on a eu la volonté d'ouvrir à l'international, voyez des choses un peu originales. Nos industries rhône-alpines correspondent à des activités exportatrices pour beaucoup d'entre elles. C'est cela le rôle d'une région dans l'enseignement supérieur c'est faire en sorte que l'université ne soit plus un vase clos, et de faire travailler ensemble des mondes qui pendant de nombreuses années ce sont ignorés. Les régions peuvent intervenir plus spécifiquement sur certaines formations qui sont plus adaptés à un besoin ciblé. Sur le reste, pourquoi on l'a fait, je ne suis pas très sur que cela soit très judicieux. C'est bien, on l'a fait. Cela permet aux universités d'être mieux logées mais quand même pour le citoyen lambda ce n'est pas très lisible. Est-ce que chacun sait que la région a financé la moitié des travaux pour les universités ? Non. Donc c'est mauvais. Parce qu'on ne situe pas toujours la responsabilité là où elle est. Et la politique dans son ensemble gagnerait à une plus grande lisibilité pour les citoyens. Mais cela c'est un gros chantier.

C'est un élément de développement économique l'enseignement supérieur ?

Ah oui ! C'est un vrai facteur de développement économique. A condition qu'il y ait des entreprises qui soient capable de bénéficier d'un enseignement supérieur performant. C'est un peu lié. C'est important. Cela permet d'avoir une jeunesse sur le territoire et donc du dynamisme. C'est un facteur d'innovation, cela insuffle un esprit d'innovation y compris pour les PME, je ne raisonne pas là que pour les grands groupes. C'est bien qu'une région puisse s'y associer mais elle ne peut peut-être pas aller sur tout ou alors il faut lui donner la compétence. C'est un autre débat. Faut il donner la compétence enseignement supérieur aux régions ? Toute la question est là.

Et la réponse selon vous...

Elle n'est pas très simple. Je crois qu'on peut régionaliser puisqu'une région est suffisamment large pour avoir une compétence en la matière mais il faut quand même veiller à ce qu'il y ait une uniformité au niveau des diplômes. Notre pays n'est pas assez grand pour être comme les USA avec des diplômes de niveau très différents. Il faut qu'il y ait une unité. Qu'il y ait plus de diplôme technique dans une région où il y a des débouchés industriels cela oui mais il faut bien quand même qu'on ait une équivalence au plan national. Et qu'il y ait donc une certaine unité de contenu. Il faut qu'il y ait deux degrés : une certaine uniformité des niveaux de diplômes au niveau national et puis ensuite une déclinaison régionale qui prenne en compte le besoin dans certaines formations. Donc la région peut avoir une compétence en la matière. Mais il faut quand même qu'il y ait une certaine unité. Ca, c'est mon côté non pas centralisateur mais attentif à l'unité de notre pays. C'est un peu ambivalent, j'en conviens. On peut avoir une compétence régionale forte parce que les universités sont des vrais moteurs dans le développement économique et cela, c'est le rôle de la région. Mais cela ne veut pas dire que chaque région soit indépendante en la matière.

Vous voyez quelque chose à ajouter ou quelque chose qui puisse résumer votre pensée ?

Je crois que ce qui a surtout présidé à l'attitude que l'on avait et qu'on a essayé de garder même si au fil du temps cela s'est un petit peu émoussé c'est d'avoir une vraie vision régionale des objectifs qu'on se fixe en matière universitaire et de ne pas s'éparpiller. C'est très difficile. La région peut avoir cette vocation parce que Rhône-Alpes est une région grande, forte et importante. Je ne dis pas que le découpage administratif des 22 régions soit adapté pour tous. Je ne suis pas sûre que la région Auvergne puisse avoir le même poids. Pareil pour les deux Normandie. Si on raisonne en Rhône-Alpes, je crois que le domaine universitaire est important à condition qu'il y ait une vrai concertation, pas un poids trop fort de l'Etat et que la région sache définir ces objectifs. Ca, c'est un vrai challenge. Et pour cela, il faut que la région soit bien administré, bien dirigée et avec des exécutifs qui sachent définir leur politique. Et donc encore faut il qu'il y en ait une.