Entretien avec Pierre VIALLE
Président de l’Université Lyon III de 1987 à 1992

L’entretien est difficile à mener. Après nous avoir demandé des explications sur notre travail de thèse et ses axes problématiques, l’interviewé nous retourne souvent les questions et fait des réponses extrêmement elliptiques. Devant nos demandes de précisions, il refuse explicitement de répondre. Il dure tout de même une heure.

Pierre VIALLE est professeur agrégé de droit public. Il a fait ses études pour l’essentiel à la Faculté de droit de Lyon. Il est parti réaliser sa thèse aux USA. Il est devenu Président de Lyon III à la suite de Jacques GOUDET. Il nous répond uniquement en tant que président d’université et ne veut absolument pas parler de la stratégie des autres acteurs (université Lyon II, université Lyon I, municipalité…). Il ne veut pas donner non plus son avis. Au moment du lancement du projet son problème était l’éclatement de son université en deux sites distincts. L’implantation à la Doua n’avait pour lui guère de sens : elle ne correspondait pas à une logique de cursus et elle ne correspondait pas « à la texture générale du campus de la Doua ». Il n’y avait pas de liaison satisfaisante entre les deux campus. Les raisons de l’implantation de Lyon III à La Doua étaient historiques et sont décrites comme « surréalistes ». Au total, pour son président, l’Université Lyon III était mal implantée. Il était de toute façon pour une implantation en centre-ville depuis longtemps. Il retrouvait ce souhait de vouloir implanter l’université en centre-ville chez DUBERNARD surtout et un peu chez NOIR qui avaient la volonté de « rapatrier des étudiants en centre-ville ». Comme « il fallait trouver de la place », la Manufacture des Tabacs constituait une opportunité. Pierre VIALLE voulait que Lyon III s’implante à la Manufacture des Tabacs. Il avait deux projets : l’implantation de l’Ecole notariale près du Rectorat d’académie et celui de la Manufacture des Tabacs. Pour lui, il y avait des gens qui voulaient également s’implanter à la Manufacture des Tabacs. Il refuse cependant de les citer. Une fois la décision prise, c’est les administratifs qui prennent le relais. Il nous dit avoir des relations avec les élus, « comme un président d’université doit en avoir ni plus ni moins » [alors même que Pierre VIALLE connaît Michel NOIR – cf. entretien avec Michel NOIR]. Il avait de bonnes relations à la région et au département. Avec Michel NOIR, les relations étaient plus difficiles : l’interviewé reconnaît des tensions vives. Il ne met cependant pas en cause le sérieux de la COURLY sur la première tranche. Le contexte du lancement du schéma Université 2000 a grandement facilité la réussite de l’opération. Pierre VIALLE nous dit que le projet ne se serait peut-être pas fait avant de se reprendre et de nous dire que si finalement il se serait fait de toute façon. Le schéma Université 2000 a permis à l’Etat de mettre de l’argent au pot commun. Il insiste sur le rôle éminent du Recteur BANCEL dans l’organisation des réunions qui précèdent la signature du schéma Université 2000. Il lui apparaît important de se mettre d’accord entre universitaires pour que chacun n’aille pas demander isolément de l’argent aux collectivités locales. De toute façon les collectivités étaient tout à fait satisfaites que les universitaires se mettent d’accord entre eux : les élus savent trop qu’il est dangereux de se mêler des affaires universitaires. C’est beaucoup trop risqué pour eux. A ce moment des discussions, les participants aux réunions connaissaient le montant des enveloppes financières. Ils ont donc arrêté un certain nombre d’opérations qui étaient prioritaires pour le site lyonnais. C’est le recteur qui était pilote sur ce projet, le préfet ne s’en est pas mêler. Il voulait simplement se tenir informé. BANCEL a permis une mise en conformité des projets de ses universitaires. Il se sont donc mis d’accord sur la répartition de l’enveloppe en laissant quelques « miettes » à Saint Etienne et à Bourg-en-Bresse. Ils ont abouti à une vision très cohérente de ce que devrait être les projets lyonnais. Les réunions n’ont pas connu de blocage majeur : elles réunissaient les présidents de Lyon I, Lyon II et Lyon III ainsi que les directeurs des grandes écoles lyonnaises. Il insiste ensuite sur le parcours du Recteur BANCEL qui « avait fait du cabinet » et qui même après le changement politique de 1993 semble avoir gardé de l’influence. « Quand BANCEL disait quelque chose, ce n’était pas en l’air. Les positions qui étaient prises à Lyon, elles intervenaient. ». Le recteur a joué un rôle important dans la défense des intérêts universitaires lyonnais dans la négociation de la répartition des crédits entre Lyon et Grenoble. Il insiste sur la différence de parcours entre les recteurs de Lyon et Grenoble à l’époque. « BANCEL avait fait du cabinet alors que le recteur de Grenoble il n’en avait pas fait ». Bien que les Grenoblois soient très exigeants et veuillent beaucoup d’argent, BANCEL savait et a réussi à défendre les intérêts lyonnais. La région ne se mêlait pas des négociations et le Préfet a, semble-t-il, entériné les positions définies par BANCEL. La CURA n’a pas joué un rôle important dans cette répartition ; la CURA c’est surtout une institution où l’on parle de choses peu importantes. Les élus locaux n’étaient pas conviés à ces réunions : ils ne voulaient pas qu’ils « jouent leurs jeux propres » alors même que les universitaires tentaient de se mettre d’accord. Les élus, Pierre VIALLE les rencontrait lors de repas en ville, il les informait de l’état d’avancement des projets.

Pour la relation avec le maître d’ouvrage, il n’y avait aucun problème avec les services de la COURLY qui s’occupaient de cela. Pour lui, le PUL n’a pas été un lieu de discussion des problèmes immobiliers important. « Les questions immobilières sont beaucoup trop importantes pour qu’on les aborde dans ce cadre là. Quand les choses deviennent sérieuses, on ne les fait pas au PUL ».

L’implication des collectivités locales n’est pas pour lui un risque de constitution de tutelle de la part des élus. Les seules pressions qui peuvent exister sont personnelles et non juridiques : il suffit donc de ne pas se laisser faire. Il n’a connu aucun problème sur ce point. Parce qu’à partir du moment où chacun se cale à sa place il n’y a pas de problème. Il y a en plus une méfiance de la part des politiques vis-à-vis de l’université, méfiance « qui relève du fantasme ». La multiplication des financeurs n’est pas un facteur d’autonomisation des universitaires : à Lyon, cela peut être appréhendé comme cela mais si le préfet, le recteur et les élus locaux ne s’entendent pas, la situation peut être difficile pour les universitaires. A Lyon, chacun est resté à sa place. Il semble que ce soit BANCEL qui ait joué le rôle de pilote sur le dossier. Avec le Préfet s’il y avait des relations de « respect mutuel », il n’est pas intervenu dans le travail qui se faisait autour du Recteur sinon pour s’informer du déroulement des négociations. En tous les cas, ni le Préfet ni les élus locaux n’ont jamais cherché à imposer quelque chose.

Pierre VIALLE a tenté à deux reprises d’impliquer des financeurs privés essentiellement pour financer l’embellissement des locaux universitaires (œuvre d’art notamment). Il a passé de nombreuses années aux USA (où il a fait notamment sa thèse) où les universités sont largement financées par des entreprises privées. Pour lui, en France ce n’est pas facile de faire cela. Les collectivités et l’Etat ne voulaient en effet pas mettre le 1% culturel. Il a ainsi contacté des banques et des assurances : le milieu économique était réceptif mais la médiatisation du dossier a gêné la conclusion d’un accord. Ne voulant pas assumer les risques d’image, les milieux économiques ont préféré ne pas participer au financement de l’opération. C’est donc l’université sur ces crédits qui a dû financer l’œuvre en question.