Par la force de travail

Ce second indicateur de la taille des exploitations se révèle plus difficile à manier. Trop souvent en effet les listes nominatives n'indiquent que la profession du chef de famille, ignorant la pluri-activité et le travail des femmes et des enfants. Elles ne permettent par ailleurs de saisir que la main-d'oeuvre disponible au sein du groupe domestique : l'apport des journaliers notamment, en déclin sensible, ne peut être évalué à l'échelle de l'exploitation.

Ronald Hubscher a pourtant proposé une méthode de classement des exploitations fondée sur la force de travail : à chaque membre du groupe domestique, il affecte un coefficient tenant compte de son âge, de son sexe et de sa profession59. Bien que ce coefficient comporte inévitablement une part d'arbitraire, nous en avons repris le principe en réévaluant le travail des femmes, des enfants et des vieillards60. Les rares monographies de communes ou d'exploitations, les registres d'absences des écoles comme les listes nominatives indiquent en effet que les femmes consacrent à l'exploitation au moins autant de temps que les hommes, que les vieillards veillent sur les brebis, filent le lin ou fabriquent des espadrilles, que dès l'âge de six ans enfin les enfants sont affectés à la garde des troupeaux ou des bébés avant de participer aux travaux des champs, voire placés comme domestiques61.

Main-d'oeuvre familiale et domestique**
  Ascain Hélette
1851 1881 1911 Indice* 1851 1881 1911 Indice*
< 200 64 54 49 77 39 35 26 67
200 à 300 35 39 35 100 32 23 29 91
300 à 500 52 52 46 88 54 70 65 120
500 à 800 16 13 16 100 26 15 11 42
≥ 800 1 0 0 0 1 0 0 0
Ensemble 168 158 146 87 152 143 131 86
* Indice 100 : 1851
** Coefficients : 1 adulte ou équivalent adulte = 100

Recul des micro-exploitations pluriactives employant moins d'un couple d'adultes, recul ou stagnation aussi des plus grosses unités employant l'équivalent d'au moins cinq adultes : les résultats confirment pour l'essentiel les conclusions que nous avons pu tirer de l'étude de la superficie cultivée. On ne voit pas toutefois émerger ici la catégorie supérieure des petites exploitations : utilisé sur une période de plus d'un demi-siècle, l'indicateur est biaisé par les progrès de la productivité, repérables notamment à partir de 1881 à Hélette qui voit décliner sa population rurale et agricole.

Notes
59.

Ronald HUBSCHER, L'agriculture et la société rurale dans le Pas-de-Calais du milieu du XIXe siècle à 1914, ouvrage cité, pp. 738-749.

60.

Voir tableau 2 en annexe : coefficients de force de travail.

61.

Alexis de SAINT-LEGER et E. DELBET, "Le paysan basque du Labourd. Enquête menée auprès d'une famille de paysans d'Aïnhoa en juin 1856", ouvrage cité, pp.161-220.

Archives du Musée des Arts et traditions populaires Ms 45.379 / B.49 : Charles Struys, Réponse au questionnaire sur l'habitation rurale, s.d., 11f.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1-J-17/3 : monographie de la commune d'Uhart-Cize par Victor Montiton, instituteur.

Arch. com. Ascain : extraits des registres d'appel des écoles publiques. Nombre d'élèves de 6 à 13 ans ayant manqué l'école au moins quatre fois une demi-journée (1883-1898).