1857 : Dominica Heuty

A la deuxième génération, par la vertu du mariage tardif, Marie Sougarret n'a eu que trois enfants. C'est à nouveau la fille aînée, Dominica, qui est appelée à la succession. Les deux cadets sont casés très jeunes : Jean, séminariste, deviendra curé. Marie est religieuse chez les Ursulines, une congrégation enseignante. La succession en est simplifiée, mais rendue plus urgente lorsque le père décède prématurément en 1857 : la mère et la fille se retrouvent seules à la tête de l'exploitation. Aussi, à la différence de sa mère, Dominica est-elle mariée exceptionnellement jeune, à 22 ans.

Comme à la génération précédente, l'époux de l'héritière est choisi dans une commune voisine. Jean Gracy, fils d'un duranguier de Sare et ancien cordonnier, déjà âgé de 37 ans, s'est constitué des économies placées en créances et rentes sur l'Etat. Il apporte une dot importante évaluée à 22 200 francs, sans commune mesure avec le modeste statut social de ses parents dont la fortune ne dépasse pas 4 000 francs : sans doute a-t-il fait lui aussi le voyage aux Amériques80.

Comme à la génération précédente également, Dominica reçoit d'abord le 1/4 par préciput hors part des biens de son père par testament, puis des biens de sa mère par contrat de mariage. Elle devient légataire universelle de Jean "Chumé", son oncle célibataire resté à Haranederrea. Enfin, après un partage fictif en trois lots, elle rachète les lots de ses cadets évalués à 7 600 francs chacun. Mais si la part de Marianne est versée à la congrégation, Jean ne réclame pas la sienne : lorsqu'il meurt dans sa paroisse de Bidart en 1896, il a laissé prescrire sa créance81.

Comme sa mère, Dominica est donc devenue l'unique héritière. Mais cette fois, 1/3 seulement de la dot du mari a servi à indemniser les cadets. Le ménage dispose donc de moyens financiers que n'entamera guère l'achat d'un petit labour puis de terrains communaux, dont la valeur totale est estimée à 4 500 francs. A son décès en 1900, Jean Gracy laisse une créance de 5 000 francs, des titres de l'emprunt national de 1871, et un livret de Caisse d'Epargne, soit plus de 15 000 francs de valeurs mobilières : si la maison a renoncé depuis 1820 aux investissements fonciers, c'est affaire de choix plus que de nécessité82.

Notes
80.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 303-Q / 6 : mutation par décès de Françoise Elissalde, épouse de Pierre Gracy (déclaration du 5 avril 1851). Arch. com. Sare : registres des mariages et des décès.

81.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15606 : mariage du 5 octobre 1857. III-E 15611 : comptes de tutelle du 6 janvier et du 6 février 1862, notoriété de Baptiste Heuty du 7 janvier 1862, testament, donation-partage et vente du 6 février 1862. Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutation par décès du 10 avril 1900.

82.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 1560 : pouvoir du 23 avril 1858. III-E 15609 : pouvoir du 26 novembre 1860. III-E 15620 : pouvoir du 23 juillet 1871. III-E 15625 : décharge du 20 octobre 1876. III-E 15627 : quittance du 4 octobre 1878 et obligation du 9 octobre 1878. Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutation par décès du 10 avril 1900.