4ème évaluation : 1903-1906

C'est au tournant du siècle, avec une nouvelle génération, que s'amorcent quelques changements dans l'organisation du domaine.

En 1903, la déclaration de mutation par décès de Dominica Heuty fait état des revenus des différentes exploitations. Haranederrea, avec un revenu annuel de 500 francs, représente encore 40 % du total. Si Sarrola, qui a toujours été la métairie la plus importante, l'égale presque avec 400 francs, les trois autres exploitations viennent très loin derrière avec 80, 160 et 180 francs89.

De même en 1906 les registres de la douane font-ils état de quinze bovins à Haranederrea et onze à Sarrola, tandis qu'Halchua et Manchotenborda ne comptent que trois bovins chacune. Haranederrea rassemble ainsi près de la moitié des bovins, et la totalité du troupeau d'ovins du domaine90.

D'après les listes nominatives enfin, l'exploitation du domaine ne requiert plus, pour la première fois, que la force de travail de l'équivalent de quatorze adultes. Sarrola est exploitée par deux métayers aidés de leur nièce de 19 ans et d'un petit domestique de sept ans. Halchua est louée à un ménage de blanchisseurs, et Manchotenborda à un meunier. Gainecoetchea n'est plus habitée : la maison sera déclassée comme bâtiment rural au cadastre en 1926.

Seule la main-d'oeuvre d'Haranederrea se maintient. Jean Gracy et Rosalie Lacarra n'ont plus qu'une domestique, bien que leurs quatre enfants soient tous âgés de moins de douze ans. Mais ils emploient, dans la vieille maison inhabitée depuis 1844, une famille de métayers dont la main-d'oeuvre équivaut à quatre adultes. Cet aménagement est sans doute en partie nécessité par les nombreuses activités de Jean Gracy, devenu maire de la commune, et sera abandonné après 1911. Il reste que pour la première fois la part d'Haranederrea atteint plus de 50 % du domaine : à la veille de la guerre, on peut estimer que la superficie cultivée de l'exploitation du propriétaire est passée de six à huit hectares.

Les recensements de l'après-guerre confirment ce mouvement de concentration au bénéfice du propriétaire, qui exploite directement en 1942 les 3/4 de son domaine. Deux des métairies sont désormais des micro-exploitations pluriactives. Les blanchisseurs durablement installés à Halchua élèvent en 1942 quatre bovins, sur deux hectares de terres cultivées. A Manchotenborda se succèdent un sandalier puis un menuisier, qui élève sept bovins en 194291. Seule Sarrola reste une métairie importante jusqu'en 1936, mais en 1946 les métayers y sont à leur tour remplacés par des ouvriers agricoles.

Jusqu'aux alentours de 1900, l'exploitation semble donc ne pas pouvoir dépasser un seuil de six hectares. Qu'elle soit en faire-valoir direct ou en métayage, qu'elle s'adjoigne ou non l'aide de domestiques, elle reste en effet dans un cadre familial qui limite son expansion. Il faut attendre le XXe siècle pour que les gains de productivité, qui ne se font sentir que tardivement, permettent de déplacer ce seuil.

Notes
89.

Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutation par décès du 12 février 1903.

90.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 5P-160 : Bureau de Herboure. Registres de déclarations et de passavants pour les bestiaux français envoyés au pacage à l'étranger ou dans la zone extérieure. Années 1906-1908.

91.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1204-W/11 : enquête agricole de 1942. Commune d'Ascain.