Il reste en effet à régler le problème de la succession. En 1866, Ganischumé entreprend de racheter les droits de ses co-héritiers. Il emprunte les 200 francs nécessaires pour acquérir la part de son frère aîné. Il lui reste à dédommager l'aînée de ses soeurs, et surtout à verser à son beau-frère douanier une partie de la dot promise. La famille se brouille alors : Ganischumé et sa mère quittent la maison où ils cohabitaient avec le ménage du douanier et s'installent à Bordeaux. La situation se dénoue avec la mort de Marie-Galant en 1873. Sa mère et ses frères et soeurs demandent la liquidation et le partage de la succession : la propriété est vendue par adjudication139.
Milorbaïta passe alors entre les mains de plusieurs propriétaires successifs pour cesser finalement d'être une exploitation. L'adjudicataire, un rentier de Saint-Jean-de-Luz, s'installe dans la maison qu'il fait reconstruire, et fait l'achat en 1876 de plusieurs autres biens : plus de quinze hectares au total. Il revend tout en 1878, sans doute pour s'installer à Buenos Aires. Milorbaïta, achetée 3 300 francs en 1874, est revendue 10 000 francs quatre ans plus tard à un autre rentier.
Elle reste cependant une exploitation en 1879 lorsqu'une querelle de voisinage oppose devant le juge de paix de Saint-Jean-de-Luz son nouveau propriétaire à un autre rentier, qui a acheté lui aussi plusieurs micro-exploitations voisines. Il obtient en effet de garder la jouissance d'un ancien chemin rural déclassé "nécessaire pour les exploitations rurales et notamment la sienne […]par le fait du passage quotidien de sa vache allant à l'abreuvoir ou en revenant, par le fait aussi du passage de charrettes et attelages pour l'exploitation de son fonds".
Entre 1892 et 1904, le dernier acquéreur agrandit la propriété d'une quinzaine de minuscules parcelles voisines, issues de cinq micro-exploitations qui nourrissaient en 1851 des ménages pluriactifs de tisserands, couturières et journaliers. Au cadastre de 1914, le tout a été profondément remanié et transformé en parc. La maison, à nouveau reconstruite en 1907, est devenue "Villa Rosita" : indice précurseur de la périurbanisation d'Ascain140. Autour de Milorbaïta, c'est en effet tout le quartier des artisans du Port qui se voit bouleversé en cette fin de siècle. Tandis qu'après les marins disparaissaient les tisserands et les journaliers, la construction de la route de Saint-Jean-de-Luz a ouvert le marché foncier à des fortunes bourgeoises. Elle a ouvert aussi aux petits producteurs un accès plus facile aux marchés urbains. Aux petites parcelles de labour se sont substitués des jardins d'agrément, mais aussi quelques prés et de grands potagers141.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15615 : cession de droits du 21 juin 1866. III-E 15623 : pouvoir du 16 février 1874 et citation à comparaître du 4 décembre 1874. III-E 15624 : liquidation du 30 avril 1875.
Arch. com. Ascain : extrait des minutes du Tribunal de Première instance de Bayonne (20 juillet 1875).
Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutation par décès du 9 février 1876.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15624 : quittance du 20 décembre 1875. III-E 18211 : vente du 26 avril 1878. III-E 15627 : ventes des 22 mars, 2 avril et 26 avril 1878. III-E 17432 : inventaire du 3 juin 1883. III-E 15640 : vente du 7 janvier 1891. III-E 15641 : vente du 16 avril 1892. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 4-U 33/11 : affaire du 7 novembre 1879. Arch. com. Ascain : matrices cadastrales. Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutation par décès du 22 juin 1883.
Voir carte en annexe (9) : Milorbaïta et le quartier du Port (1851-1901).