Lorsqu'en 1864 Paulino Luberriaga fait l'achat d'Urritxagacoborda, il ne dispose pas des 2 000 francs nécessaires à son acquisition. Il doit emprunter 1 500 francs à une vieille célibataire, cadette d'une "bonne maison" d'Ascain, qui, depuis trente ans, tire des rentes des 3 000 francs qu'elle a reçus en part d'héritage.Mais dès 1870, quatre ans avant l'échéance, il s'est libéré de sa dette. Il fait par ailleurs l'acquisition à partir de 1865 de plusieurs hectares de communaux : en trente ans, deux générations portent la propriété de deux à douze hectares. Les trois parcelles indivises de Baptiste Aramendy complètent l'exploitation avant d'être réunies à la propriété en 1904155.
On relève ici peu d'indices d'intensification : seules deux petites parcelles ont été converties en cultures, tandis que les 2/3 de l'exploitation sont laissés en pâture. La superficie cultivée ne dépasse pas trois hectares, dont la moitié en labours. Comment les Luberriaga se sont-ils donc procuré les fonds nécessaires à l'achat puis à l'agrandissement de leur propriété ? Aucune source n'atteste une éventuelle pluriactivité mais d'après André Luberriaga, leur descendant, ses ancêtres auraient été métayers le jour, contrebandiers la nuit : hypothèse non avérée, mais fort probable. Le quartier de Plaçagain est en effet bien connu des services de douanes pour son intense activité nocturne. Jean Leholaberry, voisin immédiat des Luberriaga, est signalé en novembre 1865 comme un "fraudeur de profession". Par l'intermédiaire de "pacotilleurs", généralement des enfants ou des jeunes gens, il introduit des ballots de cigares pour les vendre pendant la saison des bains de mer. Quarante ans plus tard, c'est la contrebande du bétail qui a pris le relais, dans une zone "où le terrain se prête plus qu'ailleurs à l'espionnage et à l'introduction rapide des animaux dans les fermes limitrophes". On imagine mal qu'Urritxagacoborda, idéalement située et mieux pourvue en hommes qu'en terres, n'ait pas participé à cette contrebande généralisée156.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15613 : obligation du 31 août 1864. III-E 15619 : quittance du 13 décembre 1870.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 5P-6 et 14 : Direction des douanes de Bayonne. Rapports de service (troisième trimestre 1865 et deuxième semestre 1903).
Journal Sud-Ouest, 20 septembre 1997 : "André Luberriaga naît le 7 avril 1878, dans une fermette du versant de la Rhune (Urritzakoborda). Comme son père, son grand-père, etc... il sera donc tout petit métayer de montagne le jour, contrebandier la nuit." (Voir annexe 14).