1881 : Achaflabaïta

Raphaël est le second en 1881 à suivre la voie de son frère Paulino. Comme lui, il est d'abord métayer pendant une vingtaine d'années. Il succède d'abord à ses parents à Urritxagacoborda, puis loue successivement avec sa nombreuse famille deux grandes métairies d'Ascain, et enfin Achaflabaïta, voisine d'Urritxagacoborda.

Jusqu'en 1870, cette petite propriété a été exploitée par un charpentier, Jean Etcheberry, qui l'a agrandie d'une micro-exploitation voisine puis de communaux. Mais, faute de successeurs, Jean Etcheberry l'a quittée pour s'installer plus près du bourg et de son dernier fils survivant, également charpentier et petit propriétaire à Ascain.

Son premier acquéreur, Francisco Sarasola, cadet d'une maison voisine, est installé en Argentine. Il ne fait qu'un séjour de quelques mois à Ascain pour effectuer quelques placements avant de retourner à Buenos Aires, et met l'exploitation en location. Sans doute avait-il projeté de se retirer, fortune faite, près de sa maison natale, mais il disparaît prématurément. Sa veuve liquide la succession en 1881 : c'est alors que Raphaël Luberriaga, métayer d'Achaflabaïta, peut devenir à 51 ans propriétaire de son exploitation159.

Etape décisive, l'achat d'Urritxagacoborda n'aura toutefois été que la première marche dans l'ascension des Luberriaga. Leur insertion dans la société villageoise est confortée en 1874 par le mariage de Ramon, fils aîné de Paulino et de Josefa Aramendy, avec la fille d'un propriétaire voisin, cadet d'une vieille famille d'Ascain. Succession apparemment classique, avec co-habitation des deux couples réglée par le contrat de mariage, qui attribue à Ramon le 1/4 par préciput hors-part de tous les biens de ses parents : le mariage de Ramon semble destiné à perpétuer la présence des Luberriaga à Urritxagacoborda.

Mais Ramon n'en deviendra jamais propriétaire : les parents imposent l'indivision jusqu'à leur décès, et s'emploient à favoriser l'établissement de leurs quatre autres enfants, qu'ils marient tous et dont aucun ne deviendra métayer. Après avoir aidé Marie à acquérir Apitouchenborda, ils prêtent 2 000 francs à Martin en 1893 pour lui permettre d'acheter la maison d'un cordonnier sur la place du village. Leurs deux autres filles sont également mariées. L'une a épousé un entrepreneur en bâtiment de Saint-Jean-de-Luz, l'autre est partie pour Buenos Aires en 1872.

Urritxagacoborda n'est plus dès lors au centre des stratégies familiales. En 1891, Ramon se sépare de ses parents pour exploiter la propriété de son oncle célibataire Francisco Aramendy, où il élève des chevaux et fonde une lignée de transporteurs et de garagistes. Il inaugure ainsi la migration des Luberriaga des hauteurs déshéritées vers le centre du village. L'année suivante, il est suivi par son jeune frère Martin qui transforme en boucherie la boutique de cordonnier achetée avec l'aide de ses parents.

Seuls ces derniers restent à Urritxagacoborda, où ils se font aider par un ménage de métayers jusqu'à leur décès. Plus aucun Luberriaga n'y reviendra pour prendre leur succession. L'exploitation, qui se consacre à un petit élevage bovin puis ovin, est mise en location, tandis que les descendants des métayers espagnols poursuivent leur lente ascension : de 1977 à 2001, la commune aura pour maire André Luberriaga, concessionnaire automobile160.

Notes
159.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 17549 : vente du 17 juin 1844. III-E 15606 : contrat de mariage du 21 décembre 1857. III-E 17571 : vente du 13 décembre 1870. III-E 15620 : donation réciproque du 19 avril 1871, obligations du 30 avril et du 27 juillet 1871, pouvoir du 22 août 1871. III-E 15622 : testaments du 25 juin et du 8 juillet 1873. III-E 15630 : quittances et pouvoir du 15 février 1881.

Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutations par décès du 26 mars 1872 et du 16 décembre 1873.

Arch. com. Ascain : registres de l'Etat civil, matrices cadastrales et listes nominatives de recensement.

160.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15623 : contrat de mariage du 26 août 1874. III-E 15640 : quittance du 15 novembre 1891. III-E 17586 : bail à ferme du 2 juin 1892. III-E 15642 : vente du 18 décembre 1893.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 5P-160 : Bureau de Herboure. Registres de déclarations et de passavants pour les bestiaux français envoyés au pacage à l'étranger ou dans la zone extérieure. Années 1906-1908.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1204-W/11 : enquête agricole de 1942. Commune d'Ascain.

Arch. com. Ascain : Emigrants pour Montevideo et Buenos Ayres et demandes de passeports (1856-1890). Registre pour le droit des carrières (concession du 4 mai 1892). Registre de déclaration des chevaux, juments, mulets et mules de tout âge (1901).

Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutations par décès des 13 mars 1896, 21 juin 1902 et 7 août 1905.