La part de l'élevage

Les comptes de tutelle ne reflètent qu'une partie des activités de l'exploitation : leur échappent non seulement les activités domestiques, mais aussi la basse-cour, les productions de fourrages et de maïs destinées à l'autoconsommation. L'exploitation est par ailleurs privée des ressources de la pluriactivité que lui fournissait sans doute en des périodes plus fastes le petit atelier de menuisier décrit aux inventaires. Le recoupement des recettes et des dépenses permet cependant de reconstituer une bonne part de ses activités agricoles213.

A la différence d'Etcheederrea qui ne commercialisait que quelques surplus de froment, Errecartia tire 40% de ses revenus des productions végétales. Ses terres, amendées à la chaux, fournissent une récolte assez importante pour justifier la location d'une batteuse, et la vente du froment lui rapporte presque autant que les bovins. Les bonnes années, elle vend enfin une partie de ses petites productions : des haricots, des pommes et des poires, et un peu de bois de chauffage.

La part prépondérante des productions animales dans les recettes confirme toutefois une même orientation vers l'élevage. L'élevage bovin vient en tête, et fournit à lui seul 1/3 des recettes. Comme Etcheederrea, l'exploitation renouvelle au début de chaque printemps une partie de son bétail après l'avoir sans doute engraissé pendant l'hiver : ses deux boeufs, deux de ses trois vaches, sa génisse et deux veaux en 1868; puis à nouveau deux boeufs, une vache et un bouvillon en 1869. L'importance de l'élevage bovin se retrouve dans les dépenses, dont les cotisations versées à la Confrérie du bétail constituent un des postes les plus lourds214. Cette confrérie des éleveurs de Hélette, dont on trouve trace depuis 1837, semble faire office à la fois de société d'assurance mutuelle et de coopérative de commercialisation : son existence même est révélatrice d'une orientation collective vers l'élevage215. C'est aussi en vue de l'élevage bovin que l'exploitation a introduit les prairies artificielles, pour lesquelles elle achète des graines de luzerne et de farouche216.

L'élevage ovin semble beaucoup moins rémunérateur, malgré l'importance du troupeau qui nécessite la location de pacages pour l'hiver et les services d'un vieux berger. Pendant plusieurs années d'ailleurs, l'exploitation ne vend plus de bêtes, mais seulement de la laine. Elle tire en revanche des bénéfices non négligeables de l'engraissement des porcs, et fait saillir chaque année sa jument pour vendre un poulain. La comparaison avec le budget d'Etcheederrea laisse ainsi penser que l'exploitation adapte la gamme de ses productions animales au marché : l'engraissement des porcs pour la vente compense le recul du secteur ovin, attesté par les enquêtes agricoles, tandis que l'élevage bovin tient toujours la première place.

Notes
213.

Voir tableau synthétique en annexe : comptes d'Errecartia (17).

214.

Les 1 817 francs versés à la confrérie paraissent bien lourds au regard des 2 885 francs de bénéfices sur les bovins. C'est que le tuteur a dû s'acquitter en 1868 d'un arriéré de sept années de cotisations.

215.

Sur la confrérie du bétail de Hélette : voir chapitre 7.

216.

En 1852, Errecartia ne faisait pas partie des 17 exploitations de la commune qui cultivaient à elles toutes six hectares de prairies artificielles. Arch. com. Hélette : enquête agricole de 1852.