Arrangements avec le Code civil

Contre toute légalité, la coutume est ainsi perpétuée et le bien intégralement transmis à un héritier unique. C'est en toute légalité en revanche que Pierre Eliçagaray leur fils devient en 1817 propriétaire de la moitié d'Ithurburua par son contrat de mariage : seul héritier, il reçoit la totalité de la quotité disponible autorisée par le Code civil, avant d'entrer en possession de l'autre moitié des biens de ses parents à leur décès, en 1827 et 1837304. Exceptionnellement, son épouse Marie Héguy n'apporte semble-t-il pas de dot. Mais cette génération n'a pas de cadet à indemniser, et peut faire l'achat en 1838 et 1840 de 1,5 hectare de pâture305. Cette modeste acquisition, d'une valeur de 141 francs, s'ajoute à l'héritage de leur fille aînée Marie, qui se marie en 1841.

Par son contrat de mariage avec Pierre Durrels, dernier né d'Errecartia306, Marie reçoit à son tour la quotité disponible. Mais sa part préciputaire est cette fois réduite à 1/4 puisqu'elle a deux cohéritiers : sa soeur Julie et son frère Pierre. Le contrat prévoit que chacun d'entre eux sera doté de 1 200 francs en avancement d'hoirie et d'un "ameublement proportionnel à leur naissance", soit le quart qui lui revient légalement dans la succession, estimée à 5 200 francs. Il semble bien pourtant que ce calcul ne soit à nouveau que le résultat d'un arrangement familial. Lors du décès de Pierre Eliçagaray en 1856, la valeur déclarée du domaine, qui ne s'est pas agrandi, est en effet de 6 800 francs et non de 5 200 francs307 : les déclarations devant notaire sont généralement sous-évaluées par rapport aux déclarations de succession, vérifiées par les services des Contributions. Les 2 400 francs attribués aux deux cadets, calculés de façon à compenser les 2 400 francs apportés par l'époux, ne représentent donc probablement qu'un tiers environ de la succession.

Aucune de ces sommes d'ailleurs n'est versée immédiatement. Julie Eliçagaray reçoit bien une avance d'hoirie de 1 200 francs, mais douze ans plus tard lorsqu'elle épouse un métayer de Saint-Martin d'Arberoue, propriétaire d'une petite vigne308. Quant à Pierre Eliçagaray, il est parti pour l'Amérique et n'a jamais touché sa part : ses soeurs se la partagent lorsqu'il meurt à Buenos Aires en 1868, mettant fin à une indivision de près de trente ans309. C'est à 52 ans que Marie Eliçagaray devient alors pleinement propriétaire d'Ithurburua, mais elle n'aura finalement versé que 1 900 francs de dédommagement à ses cohéritiers, payés grâce aux dots de ses deux époux successifs.

Notes
304.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 269-Q-1 à 46 : mutations par décès des 31 mai 1827 et 12 janvier 1838.

Le contrat de mariage a disparu avec les archives de Me Darieux, notaire à Labastide. Seules y font référence les déclarations de mutation par décès des 12 janvier 1838 et 7 juillet 1860.

305.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 269-Q-1 à 46 : mutation par décès du 7 juillet 1860.

306.

Voir monographie d'Errecartia : chapitre 3.

307.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8935 : contrat de mariage du 12 avril 1841. 269-Q-1 à 46 : mutation par décès du 16 mai 1856.

308.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8882 : contrat de mariage du 14 février 1853.

309.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 895 : cession de droits du 7 mai 1870. 269-Q-1 à 46 : mutation par décès du 2 décembre 1870.