Un mariage excessivement tardif334

Lorsque, vers 1801, Catherine Dihissahar a épousé Pierre Doyhambehere, aucun contrat de mariage n'a semble-t-il été signé. Ici encore, un arrangement occulte a permis de contourner les lois révolutionnaires : l'héritière a reçu les terres paternelles, le gendre a apporté en dot 55 ares de labour et de pré "recueillis de ses père et mère avant son mariage"335.

Sept enfants survivent à leur père en 1833. Aucun n'est encore marié, et Pierre Doyhambehere n'a pris aucune disposition testamentaire. Or, en l'absence de contrat de mariage, tous les biens appartiennent légalement à la communauté et le père était copropriétaire de la maison. L'indemnisation des cadets sera donc particulièrement lourde : le successeur, qui ne peut prétendre à plus du quart de l'héritage, devra racheter à ses cohéritiers les 3/4 de la propriété336.

Sans doute ces difficultés expliquent-elles en partie la réticence de la mère à marier ses enfants : elle semble repousser jusqu'au dernier moment l'échéance d'une succession délicate. La propriété reste indivise, et la maisonnée ne se vide que très lentement de ses cadets. En 1835, la fille aînée épouse, sans dot ni contrat, un tisserand dans la gêne. Après le décès de Marie en 1837, la mère garde toujours auprès d'elle cinq de ses enfants âgés de 17 à 39 ans, tous célibataires337. En 1851, un des fils parvient à se marier après un apprentissage de charpentier de marine. Sans dot ni contrat, il épouse l'héritière d'un domaine lourdement hypothéqué, bientôt vendu, et devient métayer338 : excepté le plus jeune qui s'engage dans l'armée à vingt ans, les cadets qui ont quitté la maison sans aucun dédommagement connaissent le déclassement.

Les autres sont contraints au célibat dans la maison maternelle où cohabitent avec leur mère Jean, l'aîné, qui quitte la marine pour prendre la succession de son père, sa soeur Jeanne, et son frère Pierre, charpentier339. Ce n'est que quelques mois avant sa mort en 1862 que Catherine Dihissahar, âgée de 80 ans, se décide enfin à désigner un héritier : son fils aîné a déjà 60 ans lorsqu'il reçoit par testament le quart des biens de sa mère340. Comme Marie-Louise Durrels à Ithurburua341 ou Dominica Yanots à Haranederrea342, Catherine Dihissahar a gardé jusqu'à l'extrême limite le pouvoir quasi absolu que lui confère son double statut d'héritière et de veuve.

Notes
334.

Voir en annexe : arbre généalogique d'Etchegaraya (5).

335.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 247-Q 10 : mutation par décès du 3 juin 1834.

336.

Part du successeur = part préciputaire (1/2 x 1/4) + part d'héritier (7/8 x 1/7) = 1/8 + 1/8 = 1/4.

337.

Arch. com. Ascain : liste nominative de recensement de 1841.

338.

Arch. com. Ascain : listes nominatives de recensement. Registres de l'Etat civil. Matrices cadastrales.

339.

Arch. com. Ascain : listes électorales de 1848.

340.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15611 : testament du 6 février 1862. Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutation par décès du 10 février 1863.

341.

Voir ci-dessus.

342.

Voir biographie d'Haranederrea : chapitre 2.