C'est en 1838, à son décès, que s'ouvre la succession de Pierre Darrayoague, premier propriétaire connu de Chetabebaïta. On ne sait précisément ni quand ni comment cet ancien marinier est entré en possession de l'exploitation. Il habite d'abord la maison de son oncle, également marin, qui l'a choisi pour héritier361. En 1815, les décès successifs de sa mère, de sa soeur et de son frère en font aussi l'unique héritier d'Arcatchondoa, la maison maternelle362, dans laquelle il s'installe après avoir quitté la marine et donne naissance à deux enfants. C'est après le décès de sa première épouse en 1819 qu'il vend le bien de son oncle363 et devient propriétaire de Chetabebaïta, voisine immédiate d'Arcatchondoa. Au cadastre de 1832, sa propriété couvre cinq hectares, presque entièrement en labours. Mais les deux exploitations restent distinctes : Pierre Darrayoague exploite Chetabebaïta en faire-valoir direct, tandis qu'Arcatchondoa est mise en location364.
Des deux mariages de Pierre Darrayoague sont nés neuf enfants, dont sept survivent à leur père en 1838365. Quelques jours avant sa mort, "malade dans son lit", il a pris soin de partager ses biens par testament, en présence de quatre voisins appelés comme témoins366. "Désirant éviter toutes discussions" entre ses héritiers, il a partagé sa propriété mais non l'exploitation. Aux enfants de son premier lit, il a légué Arcatchondoa. Chetabebaïta revient à sa deuxième épouse Marie Jaureguiberry et à ses cinq filles, "par égales portions" de 1/6. La transmission des terres s'accompagne de celle de la dette : Pierre Darrayoague a en effet emprunté 300 francs à un maître-valet en 1834, puis 2 000 francs à François-Louis de Larralde-Diusteguy, vicomte d'Urtubie et grand propriétaire foncier367, pour acheter les droits maternels des enfants de son premier mariage en 1837368. Ce partage égalitaire laisse donc indivise une petite propriété de trois hectares grevée d'une dette de 1 300 francs.
La succession se décide quatre ans plus tard. Désormais seule à la tête de l'exploitation, Marie Jaureguiberry doit d'abord faire appel à un domestique369 mais, très vite, elle marie sa fille aînée : Dominica Darrayoague est à peine âgée de 19 ans lorsqu'elle épouse en 1842 Jean-Joseph Etcheguia. Réfugié espagnol370, le gendre n'apporte que sa force de travail et le mariage ne donne lieu à aucun contrat371.
Les quatre cadettes doivent quitter la maison pour s'employer comme domestiques avant de se marier372. Jusqu'en 1859 pourtant la propriété reste indivise. C'est pour marier Jeanne, la plus jeune des soeurs, que les époux Etcheguia doivent se résoudre à acheter les parts des cohéritières. Jeanne se prépare en effet à épouser un propriétaire, Christophe Etcheberry, héritier de la maison voisine d'Apitouchenea, et les 700 francs de gages qu'elle a économisés ne constituent sans doute pas une dot suffisante pour ce mariage373.
Les quatre cadettes, puis la mère, cèdent leurs parts à Dominica et son époux pour la somme de 300 francs chacune374. Le coût de la transaction est certainement élevé au regard des ressources du ménage, qui doit emprunter à un peintre-vitrier de Saint-Jean-de-Luz les 1 500 francs nécessaires : même s'il se libère à cette occasion de l'obligation de 1834, son endettement atteint alors 2 500 francs375. Mais au regard de la valeur de la propriété, estimée à 3 000 francs en 1870376, le dédommagement est fort modeste : les 300 francs versés à chaque cohéritière, soit l'équivalent de deux boeufs, ne représentent qu'une part de 1/10 au lieu du 1/6 auquel elle pouvait prétendre.
En dépit de pratiques juridiques hétérodoxes, la maison s'est donc transmise à un héritier et successeur unique. Le partage, en apparence égalitaire, se révèle en fait conforme à une coutume inégalitaire.
Voir en annexe : arbre généalogique (6) et schéma de la circulation des terres (7).
Archives de la Marine, bureau de Rochefort, 15-P-3 / 54 et 55 : matricules des gens de mer. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 247-Q 7 : mutation par décès du 7 mars 1815. Arch. com. Ascain : registres des naissances.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 247-Q 7 : mutation par décès du 24 mars 1815.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 247-Q 7 : mutation par décès du 25 septembre 1819.
Arch. com. Ascain : matrice générale des quatre contributions directes (1822-1848). Etats des pertes éprouvées par suite d'inondation, grêle, incendie ou épizootie (1823 et 1829). Registres de l'Etat civil.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 247-Q 11 : mutation par décès du 9 novembre 1838.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15595 : testament du 2 juin 1838.
Voir monographie du domaine de Vignemont : chapitre 6.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15590 et 15594 : obligation du 10 janvier 1834, obligation et vente du 20 janvier 1837.
Arch. com. Ascain : liste nominative de recensement de 1841.
Arch. com. Ascain : état nominatif de tous les Espagnols (1861)
Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutation par décès du 2 avril 1869.
En 1851, ne sont plus recensés à Chetabebaïta que Dominica, sa mère, son époux, et ses trois enfants. Jeanne est domestique à Ascain. En 1859, Françoise et Jeanne sont domestiques à Bayonne, les deux autres son mariées. Arch. com. Ascain : liste nominative de recensement de 1851.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15608 : vente du 24 septembre et contrat de mariage du 17 octobre 1859.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15608 : contrat de mariage du 17 octobre 1859.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15608 : ventes du 24 septembre et du 7 novembre 1859.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15608 : obligation du 24 septembre et quittance du 28 octobre 1859.
Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutation par décès du 19 juillet 1870.