Une exploitation pluriactive

Tout au long de son existence connue, l'exploitation cumule les ressources de l'atelier de cordonnerie, de l'agriculture, et d'un petit commerce intermittent. De 1800 à 1901, les Teilletche sont toujours recensés comme cordonniers, mais les nomenclatures officielles sont trompeuses690. Lorsqu'en 1813 l'offensive de Wellington laisse un village dévasté691, ils perdent en effet non seulement leurs outils de cordonnier et plusieurs pièces de cuir, mais aussi 20 conques de maïs, 18 conques de froment, et surtout une vache et deux porcs692. En 1851, Joachim et Salvat se déclarent tous deux cordonnier et cultivateur, et ils emploient une domestique d'exploitation. En 1886, Saint-Martin, qui a obtenu son certificat d'études à onze ans mais continue à fréquenter l'école, s'absente souvent pour garder les vaches ou pour les travaux des champs693. Il se déclare cordonnier lors du conseil de révision mais, comme son père, s'inscrit comme laboureur sur les listes électorales deux ans plus tard694.

De plus en plus agricole et de moins en moins artisanale, l'exploitation élève en 1906 huit bovins et deux porcs695. L'atelier de cordonnier cesse semble-t-il son activité autour de 1900696 : comme les tisserands et la plupart des artisans du secteur de l'habillement, les cordonniers disparaissent des villages en cette fin de siècle. L'exploitation toutefois reste pluriactive : la boutique du cordonnier abrite en effet une épicerie tenue par les femmes de la famille, dont l'activité est toujours ignorée. En 1809, Catherine Baratceart paie des droits d'octroi, pour quelques litres d'eau de vie697. Elle se déclare encore "revendeuse" lorsqu'elle marie son fils en 1825, puis toute trace de ce petit commerce disparaît pendant deux générations, jusqu'au décès de son petit-fils Salvat qui laisse en 1915 un petit fonds de commerce d'épicerie698. Il est fort probable que la boutique a été tenue après la guerre par les deux filles célibataires de Salvat, qui habitent Marihaurrenea avec leur frère. Mais jusqu'en 1946 les recensements restent silencieux sur les professions des femmes, et c'est seulement à cette date que Maria Teilletche devient officiellement épicière, à l'âge de 78 ans.

Notes
690.

Arch. com. Ascain : liste nominative des individus ou citoyens de la commune d'Ascain depuis l'âge de 16 ans jusqu'à l'âge de 60 ans pour l'organisation de la Garde nationale sédentaire (28 Messidor an 7). Liste nominative des habitants du quartier de la Place (sans date, vers 1816). Listes nominatives de recensement depuis 1836.

691.

"Les habitants et propriétaires furent en général ruinés. Plus d'un tiers des maisons furent détruites, les autres dévastées, les bois brûlés par l'établissement des campements des troupes. Les pertes éprouvées s'élèvent à 380 427 francs..." Arch. com. Ascain : registres des délibérations municipales. Délibération du 20 janvier 1853.

692.

Arch. com. Ascain : état des pertes que le nommé Pierre Teilletche, propriétaire de la maison Marihaurrenea, a éprouvé par l'effet de la guerre. Fait à Ascain le 1er janvier 1815, signé par le maire.

693.

Arch. com. Ascain : extraits des registres d'appel des écoles publiques. Nombre d'élèves de 6 à 13 ans ayant manqué l'école au moins quatre fois une demi-journée (1883-1898).

694.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1R / 415 à 865 : registres matricules de recrutement. Arch. com. Ascain : listes électorales (1891 et 1895).

695.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 5P-160 : Bureau de Herboure. Registres de déclarations et de passavants pour les bestiaux français envoyés au pacage à l'étranger ou dans la zone extérieure. Années 1905-1906.

696.

Salvat Teilletche est recensé comme laboureur en 1901 et 1906, puis à nouveau comme cordonnier en 1911. Il a alors 83 ans, et c'est la dernière trace de la profession de cordonnier. Arch. com. Ascain : listes nominatives de recensement.

697.

Arch. com. Ascain : rôle ou répartition de l'abonnement de l'octroi de la commune d'Ascain pour l'an 1808 et 1809 par le conseil municipal entre les habitans consommateurs.

698.

Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutation par décès du 13 décembre 1915.