Une exploitation endettée727

C'est pour payer les droits de leurs cohéritiers que Catherine Larralde et Jean Gelos ont commencé à s'endetter dès l'année de leur mariage, en 1831. Les pratiques relativement égalitaires de cette famille de marins ont en effet rendu la succession très coûteuse728.

Héritière de la maison, la mère de Catherine est décédée en 1827 sans avoir acheté la part de son frère Dominique et ne possède donc que la moitié de la propriété restée indivise. Par testament, elle a veillé à assurer les vieux jours de son mari, auquel elle attribue le quart préciputaire, mais non la succession729. Aux termes de son contrat de mariage, Catherine ne reçoit donc de son père que 1/32 de la maison, en échange d'une pension viagère, et doit racheter à la fois les droits de sa mère et de son oncle : elle doit en fait régler deux successions730.

Son père Martin Larralde, charpentier de marine en retraite731, établit en outre trois de ses quatre enfants. Seul son fils Michel reste célibataire et se contente d'une pension viagère de 140 francs, que Catherine devra verser "tant qu'il ne vivra pas avec elle". Or, jusqu'en 1861, Michel est presque toujours recensé à Hiriburua. La fille aînée en revanche, mariée depuis 1817 à un tisserand patenté mais sans propriété, attend depuis longtemps déjà sa part d'héritage : Catherine lui cède une petite maison et quelques terres, apanage acquis par ses parents, et lui verse 1 050 francs732. La plus jeune enfin reçoit 1 400 francs en numéraire qui constituent sa dot quelques mois plus tard733.

Pour cette génération qui ne bénéficie plus des ressources de la mer, ce règlement successoral est à la fois lourd et brutal. Les 2 000 francs du pécule de Jean Gelos, qui s'est employé quelques années comme domestique à Bayonne, n'y suffisent pas. A peine installés, Jean Gelos et Catherine Larralde empruntent 600 francs à une rentière de Saint-Jean-de-Luz734. Sept ans plus tard, la dette se monte à 1 300 francs. Elle n'est remboursée en 1840 que grâce à un nouvel emprunt de 3 000 francs auprès d'un fabricant de chandelles de Saint-Jean-de-Luz735. Les années 1846-1847 sont difficiles, et il faut à nouveau s'endetter auprès d'une cuisinière de Saint-Jean-de-Luz736. Lorsque le malheur enfin s'abat sur la maison, entièrement détruite par un incendie à la fin du mois d'octobre 1848, avec son mobilier et toutes les récoltes de l'année737, il faut commencer à vendre des terres.

Notes
727.

Voir arbre généalogique en annexe (14).

728.

Sur les pratiques successorales hétérodoxes des familles de marins, voir aussi par exemple Milorbaïta (chapitre 2) ou Ansorloa (chapitre 4).

729.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 247-Q-7 : mutation par décès du 6 juillet 1827.

730.

Son père lui fait donation d'un quart du quart de la moitié qu'il a reçu de son épouse, son oncle de la moitié dont il est propriétaire. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15587 : contrat de mariage du 6 janvier 1831.

731.

Archives de la Marine, bureau de Rochefort, 15-P-3 / 55 : matricules des gens de mer (hors de service, 1816-1825).

732.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15587 : quittances des 6 janvier et 22 novembre 1831.

733.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15587 : quittance du 6 janvier et contrat de mariage du 16 mai 1831.

734.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15587 : obligation du 22 novembre 1831.

735.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15597 : obligation et quittance du 4 décembre 1840.

736.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 17550 : obligations des10 novembre 1846 et 21 décembre 1847. III-E 17553 : quittances des 22 février et 15 novembre 1850.

737.

Voir en annexe (15) le procès verbal rédigé par le maire le 25 octobre 1848.