Les ventes d'Hiriburua (1849-1895)

La première vente a lieu quelques mois après l'incendie. En mai 1849, ce sont deux voisins qui se partagent les trois hectares de l'une des deux annexes de l'exploitation, une grange entourée de bois et de prés, au fond d'un vallon humide. Après une estimation confiée à deux experts, la vente se fait à un bon prix : 4 200 francs, entièrement versés aux créanciers738. Les dettes de la maison toutefois ne sont pas encore épongées, et Jean Gelos part tenter sa chance en Amérique, laissant à Hiriburua sa femme et ses quatre enfants en compagnie de son beau-frère739. Catherine Larralde ne survit pas longtemps au départ de son mari, et leur fils aîné, soldat, est tué pendant le siège de Sébastopol740. Tandis que Marianne se place comme cuisinière à Evreux, Baptiste puis Marie décident alors de rejoindre leur père à Montevideo. L'exploitation est mise en métayage, puis affermée pendant cinq ans741.

En Amérique du Sud, Jean Gelos et son fils exercent diverses professions et semblent mener une existence instable. Tous deux sont cultivateurs en 1859; en 1861, le père est cuisinier, le fils boulanger742. Marie, d'abord ouvrière, s'y marie et Baptiste revient en 1864 seul avec une épouse. Brouillé avec son unique cousin, il parait désormais bien isolé dans la commune où, depuis deux générations la maison n'a plus passé d'alliances matrimoniales. Il prend la succession et se rend propriétaire de la totalité de l'héritage maternel743. Mais les économies accumulées en Amérique sont insuffisantes : il doit encore vendre à deux voisins, par petits bouts de parcelles, 16 ares de labour en 1868, puis 85 ares l'année suivante744.

La principale opération a lieu en 1872-1873. Baptiste tente alors de tirer parti de la mise sur le marché des terrains communaux, et de l'afflux simultané de riches étrangers. Il achète à la commune sept hectares de bois et de pâtures autour de la borde d'Hiriburua, les défriche en partie, construit une maison à l'emplacement de la grange, et ouvre un chemin d'accès. Hiriburua et deux hectares de basses terres, proches du bourg, sont vendus à une rentière anglaise. La maison, agrandie et entourée d'un jardin d'agrément, devient le lieu de villégiature de familles bourgeoises, tandis que l'exploitation se déplace vers les hauteurs des anciens communaux.

Hiriburucoborda est en fait une exploitation presque entièrement nouvelle, issue d'un défrichement. Autour du petit verger de 35 ares seul cultivé en 1832, transformé en pré, près de trois hectares ont été mis en valeur lors de la révision du cadastre en 1914. Il n'est pas certain cependant que ces défrichements soient tous dus à Baptiste Gelos, sa femme et leurs quatre enfants, qui semblent vivre dans la misère : si Anne Gelos, âgée de douze ans, s'absente de l'école en 1882-1883, c'est plus souvent pour "mendier son pain" que pour participer aux travaux agricoles745. Les trois aînés d'ailleurs quittent rapidement la maison sans laisser de traces et Baptiste Gelos se retrouve bientôt seul avec Anne : Hiriburucoborda est vendue à son tour en 1895 à un cadet rassembleur de terres746.

Notes
738.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 17552 : vente du 25 mai 1849. III-E 17553 : quittances des 22 février et 15 novembre 1850. III-E 17558 : quittance du 8 mai 1855.

739.

Arch. com. Ascain : liste nominative de recensement de 1851.

740.

Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutations par décès des 3 mars 1855 et 31 mars 1859.

741.

Voir en annexe (16) la correspondance du 15 novembre 1864.

742.

Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutations par décès des 31 mars 1859 et 2 août 1861.

743.

Il a, d'après ses déclarations, désintéressé sa soeur durant son séjour en Amérique. Puis il provoque une vente judiciaire pour acquérir les droits de son père, auquel reviennent 200 francs. Arch. com. Ascain : correspondance du 15 novembre 1864. Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutation par décès du 4 mars 1869.

744.

Arch. com. Ascain : matrice cadastrale.

745.

Arch. com. Ascain : extraits des registres d'appel des écoles publiques. Nombre d'élèves de 6 à 13 ans ayant manqué l'école au moins quatre fois une demi-journée (1883-1898).

746.

Anne Gelos est blanchisseuse lors de son mariage en 1901, et elle épouse un journalier. Ils quittent la commune, y reviennent, déménagent souvent. Son père vit toujours avec elle en 1911. Arch. com. Ascain : listes nominatives de recensement, matrice cadastrale et registre des mariages.