Approche statistique : métayage et fermage

Tous les témoignages, pendant un siècle, s'accordent à considérer le fermage comme un mode de faire-valoir exceptionnel en Pays basque. En 1866, "il n'existe guère de fermage que pour les propriétés situées dans les banlieues des villes, jardins exploités par des maraîchers"795. Le fermage est rare, constate à nouveau l'enquête de 1909, et le métayage tend à se développer même si "le métayer ne tarde pas à acheter de la terre pour son compte dès qu'il a quelques économies"796. Le fermage est encore en 1929 "un mode d'exploitation accidentel" selon le professeur d'agriculture départemental, mais métayage et fermage ont alors tendance à reculer simultanément : "la période de prospérité économique d'après-guerre a permis à ces deux dernières catégories d'exploitants d'amasser un pécule qui fut utilisé à l'achat de la ferme ou de la métairie"797.

Hormis ces quelques données qualitatives, l'incohérence des statistiques agricoles ne permet guère de mesurer la part réciproque du métayage et du fermage et de suivre son évolution798. Si l'on peut tenir pour acquis que le métayage fut dominant jusqu'en 1940, il n'est pas certain que la continuité soit totale. Outre l'enquête de 1892, nombre d'indices comme la multiplication des mentions portées sur les actes de mutation par décès dans le dernier quart du siècle, ou celle des saisies-gageries de fermiers vers 1900, laissent en effet penser que le fermage a progressé pendant la dépression. Dans les années d'inflation d'après-guerre en revanche, les baux de fermage pourraient s'être massivement transformés en baux de métayage : vingt cas ont été recensés en 1920 dans la seule commune d'Urrugne par le géographe Théodore Lefebvre799.

A l'échelle de la commune et de l'exploitation également, l'absence de baux et le flou du vocabulaire, qui reflète le flou des statuts, interdisent de faire précisément la part du métayage et du fermage. A Ascain, la confrontation entre la liste nominative de recensement de 1851 et le cadastre fait apparaître une proportion de 1/4 de métayers au milieu du siècle, auxquels s'ajoutent trois fermiers et près d'1/5 de locataires au statut indéterminé, meuniers, journaliers et artisans louant une micro-exploitation, soit au total 45% de locataires pour 55% de propriétaires-exploitants. L'enquête agricole de 1892 indique une progression simultanée du métayage (45%) et du fermage (6%) : les données des recensements le confirment, plus de la moitié des exploitations sont en faire-valoir indirect. Au recensement de 1946 enfin, au moment où se met en place le statut du métayage et du fermage, 58% des exploitants sont locataires, mais 14% seulement seraient encore métayers. A Hélette aux mêmes dates, plus de 50% des exploitations sont également en faire-valoir indirect, pour moitié en métayage et pour moitié en fermage selon les enquêtes de 1852 et de 1892800.

A l'exception des communes les plus montagneuses, domaine quasi-exclusif des petits propriétaires-exploitants, l'ensemble du Pays basque connaît des proportions analogues d'exploitations en faire-valoir indirect801 : le petit exploitant est aussi souvent métayer, ou parfois fermier, que propriétaire.

Notes
795.

Ministère de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, Enquête agricole. Deuxième série. Enquêtes départementales. 17e circonscription, Paris, Imprimerie Impériale, 1868. Réponse au questionnaire par M. F.Labrouche.

796.

Ministère de l'Agriculture, La petite propriété rurale en France. Enquêtes monographiques (1908-1909), ouvrage cité, 1909.

797.

Ministère de l'Agriculture, Statistique agricole de la France. Annexe à l'enquête de 1929. Monographie agricole du département des Basses-Pyrénées, ouvrage cité, pp. 69-94.

798.

Voir tableau 1 en annexe : la part du métayage d'après les enquêtes agricoles.

799.

Théodore LEFEBVRE, Les modes de vie dans les Pyrénées Atlantiques orientales, ouvrage cité, p. 582.

800.

Voir tableaux 15 et 16 en annexe : la part du faire-valoir indirect; métayage et fermage.

801.

Voir tableau 1 en annexe : la part du métayage d'après les enquêtes agricoles.