A son apogée en 1834, Etcheverria et son domaine forment une des plus grandes propriétés de Hélette. Ses 67 hectares sont dispersés dans la commune. Autour de la maison voisine du bourg, le petit labour, le pré et le jardin ne dépassent pas 50 ares. S'y sont ajoutés de vastes bois et pâtures, quelques parcelles probablement défrichées sur les anciens communaux, les terres proches de Sarhiborda et d'Ipharria, puis deux exploitations éloignées, Landaburua et Attachenia.
Son propriétaire, Bernard Daguerre, est un des notables de la commune dont il est conseiller municipal de 1826 à 1840846. C'est probablement, comme Pierre Larre, en partie par l'intermédiaire du crédit qu'il a agrandi son domaine. Attachenia, sa dernière acquisition en 1830, lui vient ainsi d'un petit propriétaire endetté dont le seul descendant resté à Hélette est son domestique de 1817 à 1861847. Cette génération vit dans l'aisance, achète des terres, et prête beaucoup d'argent. Bernard Daguerre conserve, dans une armoire enchâssée dans le mur de sa chambre, un petit carnet de comptes et un portefeuille contenant billets et actes sous seing privé. A son décès en 1840, on y trouve dix créances de 50 à 2 595 francs, dont le montant total dépasse 10 000 francs848.
Bernard Daguerre exploite en faire valoir direct la plus grande partie de son domaine. En 1817, seuls les locataires de Landaburua sont probablement métayers. Sarhiborda, louée à un ménage de tisserands, et Ipharria, occupée par un "cultivateur" veuf, sans doute journalier, sont des micro-exploitations d'une cinquantaine d'ares : la maison, le jardin, et les deux petites parcelles qui l'entourent sont bien identifiables sur la matrice et le plan cadastral. Etcheverria en revanche compte à cette date une très nombreuse main-d'oeuvre familiale : Bernard Daguerre, son épouse, son frère, son domestique, et ses cinq enfants âgés de 6 à 15 ans cultivent sept à huit hectares.
Le premier bail connu date de 1835 et accompagne l'acte de mariage de Jean Daguerre, auquel son père afferme Etcheverria pour 25 ans849. De façon tout à fait inhabituelle, les parents ne cohabitent pas avec leur fils, mais se réservent une partie de la maison et de son grenier, la moitié du jardin, deux petits prés, et "le droit de tenir six poules et un cochon dans les loges et une monture dans l'écurie". L'héritier, propriétaire du quart de la maison qui lui a été attribué par contrat de mariage, est donc en même temps fermier des trois-quarts restants.
Son "bail à ferme" du reste est aussi ambigu que son statut personnel. Il tient en effet autant du contrat de métayage que du bail à ferme. Contrairement au métayer qui partage ses récoltes, Jean Daguerre verse certes à ses parents un loyer fixe. Mais aux 150 francs payés en argent s'ajoute un versement en nature destiné à la consommation du propriétaire : un hectolitre de froment, autant de maïs, seize décalitres de haricots, le quart des châtaignes et des pommes, un litre de lait par jour, du cidre et du bois. Le propriétaire, qui partage la maison avec le locataire, aura en outre le droit d'utiliser le four, une partie du fumier, et l'attelage pour travailler ses terres. Ce bail entre père et fils, certes inhabituel, est sans doute révélateur de l'ambiguïté des statuts que dénotent les hésitations du vocabulaire, et des rapports de familiarité qui pouvaient lier un propriétaire-exploitant au locataire hébergé sous son toit.
Arch. com. Hélette : registres des délibérations municipales.
Voir arbre généalogique en annexe (5).
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8878 : ventes des 25 janvier et 26 décembre 1833.
"S'est trouvé dans ladite armoire enchâssée un petit carnet de comptes commençant par le numéro 1 et qui le suivent jusqu'au numéro 409 ou 410, et commençant ensuite par le numéro 101 et le suit jusqu'au numéro 155; il contient quatorze pages et trois lignes d'écriture." Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8934 : inventaire du 6 avril 1840.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8879 : contrat de mariage et bail à ferme du 28 avril 1835.