Deux exploitations affermées : Attachenia et Landaburua

La mésentente familiale devient manifeste après la mort du père. Les dots des cohéritiers sont encore en partie impayées, la fille aînée écartée de la succession menace son frère d'une instance en partage. La propriété est partagée en 1840 entre Jean Daguerre et sa mère Gracieuse Dainciart, qui reçoit les 31 hectares de Landaburua et d'Attachenia, les deux métairies les plus éloignées d'Etcheverria850. C'est à l'issue de ce partage qu'est rédigé un deuxième bail à ferme.

Gracieuse Dainciart a de gros besoins d'argent, et emprunte en 1847 "pour employer à ses besoins et affaires" 900 francs à un ménage de laboureurs d'Irissarry. Elle leur donne en échange, "à titre de bail à ferme", Attachenia jusqu'alors "exploitée par un métayer"851. Le bail de six ans est cette fois clairement un contrat de fermage, assorti d'un loyer fixe en argent de 174 francs, "dont les preneurs garderont 45 francs par an pour intérêts du prêt". Mais il place à nouveau le locataire dans un rapport ambigu avec sa propriétaire, dont il est à la fois le fermier et le créancier, et à laquelle il doit par ailleurs une redevance en travail de cinq journées par an "de travail d'homme", et une redevance en nature de "cinq charretées de touyas".

Comme Attachenia, Landaburua est exploitée par un fermier852. Mais les deux exploitations ne restent pas longtemps la propriété des Daguerre. La vieille dame indigne en effet multiplie les dettes et dilapide l'héritage853. Landaburua est vendue en 1848 à un métayer, pour 4 000 francs en grande partie utilisés à éponger ses dettes auprès des commerçants, des rentiers, des meuniers, et même des métayers de la commune854. Des 31 hectares qui lui avaient été attribués par le partage de 1840, il ne reste quinze ans plus tard que neuf hectares d'Attachenia, qui deviennent à leur tour la propriété de Pierre Larre.

Les deux exploitations auront ainsi connu au cours du siècle des périodes successives de métayage peut-être, de fermage, lorsque la propriétaire âgée ne peut en assurer la direction, et de faire-valoir direct855 : le métayage, lorsqu'il n'est pas lié à la grande propriété, apparaît souvent comme un mode d'exploitation passager, un moment dans une histoire familiale.

Notes
850.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8934 : partage du 3 juillet 1840.

851.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8941 : obligation et bail à ferme du 24 avril 1847.

852.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8942 : vente du 20 mai 1848.

853.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 4-U-12/18 : affaire du 29 avril 1852. III-E 8883 : ordre entre créanciers du 10 juillet 1855.

854.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8942 : ventes des 20 mai et 17 juillet 1848; quittance du 20 mai 1848.

855.

A propos du destin de ces deux exploitations, voir aussi chapitre 4 (Lekheroa) et chapitre 5 (Le domaine de Pierre Larre).