Le bail à ferme d'Ipharria (1856)

Après avoir liquidé la succession de sa mère, Jean Daguerre n'est plus propriétaire que de la moitié du domaine initial. En 1851, il loge trois ménages de journaliers à Sarhiborda, Ipharria, et dans une petite maison qu'il a fait construire en 1847 dans ses grands bois. Comme en 1817, l'essentiel de la propriété est à nouveau exploité en faire-valoir direct, avec l'aide d'une nièce et de quatre domestiques.

Mais en 1856 les dix hectares de culture de l'exploitation sont partagés en deux : un ménage de fermiers est alors recensé à Ipharria. Le bail consigné par écrit à l'automne, au moment de la rotation des fermiers, révèle à nouveau l'ambiguïté du statut des locataires856 : Jean Daguerre en effet donne Ipharria "à ferme, à titre de colon partiaire". Le bail à ferme ne concerne en fait que les prés, loués 165 francs par an. Seul ce loyer en argent, et la caution de deux propriétaires, justifient sans doute la rédaction d'un acte notarié et son intitulé. Mais le nouveau fermier est aussi le métayer de Jean Daguerre, auquel il verse en nature la moitié de ses récoltes de froment et de pommes de terre, et un tiers du maïs et des haricots. Même les fruits ramassés sur le sol de la châtaigneraie d'Ipharria, qui n'est pas louée, devront être partagés par moitié.

Au partage des fruits s'ajoutent trois redevances par lesquelles le métayer reconnaît symboliquement sa dépendance à l'égard du "maître" : la dîme, une paire de poulets, et les balais857. Cette dépendance d'ailleurs n'est pas seulement symbolique. Le métayer partage avec le propriétaire une fougeraie, un pacage et une vasière. Il dépend du propriétaire pour son fumier, sa chaux, son bois. Surtout, il n'est pas maître de ses productions : il est notamment tenu de convertir un pré en labour, et d'entretenir dans l'exploitation un troupeau de brebis. Seuls la basse-cour et le cheptel bovin, pour lequel il loue les prés d'Ipharria, échappent au partage et à la surveillance du propriétaire.

Le bail enfin, signé pour deux années seulement, est fort précaire et n'a probablement pas été renouvelé. En 1861 en effet, les terres sont à nouveau rassemblées en une seule exploitation, cultivée par les propriétaires et quatre domestiques. Les modalités du faire-valoir, dans cette propriété paysanne, s'adaptent au cycle familial : Ipharria, à nouveau occupée par des journaliers, n'a été mise en métayage que pour la brève période où le groupe domestique d'Etcheverria s'est appauvri de ses deux fils aînés, partis pour l'Amérique858.

Notes
856.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8883 : bail à ferme du 27 septembre 1856.

Le document est reproduit en annexe (6).

857.

Dans les Landes, on justifiait ces redevances, "actes d'allégeance et de servitude quasi-moyenâgeux, comme étant le prix à payer par les métayers pour le loyer de la maison et des divers bâtiments mis à leur disposition par le propriétaire". Francis DUPUY, Le pin de la discorde, ouvrage cité, p. 121. On trouve aussi dans les pays de l'Adour cette redevance symbolique en balais de millocq (sorgho à balai) qui venaient s'entasser dans les greniers des propriétaires. En 1879, les métayers du pays d'Orthe devaient ainsi porter au maître, le jour de l'an, deux grands balais et un petit. Baron D'ARTIGUES, Métayers à famille-souche du pays d'Horte, ouvrage cité, p. 390.

858.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1R / 415 à 865 : registres matricules de recrutement.