Propriétaire et fermier : un double statut

Propriétaire et négociant à Saint-Jean-de-Luz, dont il est maire, Joachim Labrouche n'apparaît à Ascain que comme un propriétaire moyen. Il y possède 25 hectares en 1832 : la métairie d'Errotenea, le moulin d'Errotaberria, acheté en 1798, et Ingoytia, héritage de son épouse869. Sa propriété est dispersée et ne forme pas un véritable domaine. Endetté, il s'en sépare rapidement. Errotenea est vendue à François-Louis de Larralde-Diusteguy, dont c'est la dernière acquisition, et le moulin à un officier de marine de Saint-Jean-de-Luz870. Antoine Galharraga, qui achète pour 9 000 francs les treize hectares d'Ingoytia, est le seul des acquéreurs à se déclarer propriétaire-cultivateur871. Il est exploitant à Urrugne, et afferme immédiatement Ingoytia à Jean Biscar et son fils Pierre872.

Jean Biscar était déjà locataire d'Ingoytia depuis de nombreuses années. On y trouve sa trace dès 1823, puis en 1829, 1830 et 1832873. Ce n'est pas un de ces métayers instables dont les traces se perdent rapidement. Il est propriétaire de Martingoenea, trop petite exploitation de cinq hectares qu'il a lui-même confiée à un métayer depuis qu'il est installé à Ingoytia. Sans doute le bail "de un à trois ans, au choix respectif du bailleur et des preneurs" qu'il signe en 1834 ne fait-il que confirmer son statut de fermier : Galharraga lui fait "bail à ferme à prix d'argent", pour 375 francs, sans autre condition que d'entretenir en bon état l'exploitation, "les rigoles, les haies et baradeaux".

Jean Biscar, son épouse et ses deux fils sont recensés à Ingoytia en 1836. Ils exploitent leur grande ferme avec l'aide d'un domestique et d'un jeune ménage de manoeuvres. Mais Antoine Galharraga, qui se marie cette année-là, vient bientôt résider sur ses terres et prendre la direction de l'exploitation. Pour les Biscar, la perte de leur double statut de propriétaires et de fermiers est le signal de la faillite. Les grandes fermes sont rares à Ascain, et leur propriété est trop petite et endettée. En 1833, ils ont dû céder un pré et des pommiers en antichrèse à un voisin, contre un prêt de 200 francs874. En 1837, un second pré connaît le même sort, puis les dettes s'accumulent875. Le fils cadet part pour Montevideo876. En 1847, Pierre Biscar, l'aîné héritier, doit vendre tous ses biens à un brigadier des douanes en retraite, et devenir métayer pour une quinzaine d'années877.

Notes
869.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15774 : donation du 27 décembre 1819.

870.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15592 : vente du 20 avril 1835.

871.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15590 : vente du 1er novembre 1834.

872.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15590 : bail à ferme du 12 novembre 1834

873.

Arch. com. Ascain : état du nombre de voitures existantes dans la commune d'Ascain en 1823; état nominatif des individus qui se trouvent dans la commune d'Ascain à titre de métayer, fermier ou locataire pendant l'année 1829; registre des mariages (1832). Archives de la Marine, bureau de Rochefort, 15-P-3 / 62 : matricules des gens de mer (ouvriers, 1826-1848).

874.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15589 : bail à antichrèse du 18 janvier 1833.

875.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 15594 : bail à antichrèse du 11 août 1837. III-E 15597 : obligation et quittance du 21 avril et obligation du 9 juin 1840. III-E 17548 : obligation du 1er mars 1842.

876.

Arch. com. Ascain : noms des individus qui sont allés aux colonies étrangères (sd, vers 1845). Archives de l'enregistrement. Bureau de Saint-Jean-de-Luz : mutation par décès du 20 février 1843.

877.

Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 17551 : vente du 12 janvier 1847 et quittance du 9 mai 1848. III-E 17555 : quittance du 23 mai 1852. Arch. com. Ascain : listes nominatives de recensement (1841 à 1866).