Le mobilier que Guillaume Delgue prend en location n'est guère plus fourni que celui de son prédécesseur. Le mobilier domestique complet, jusqu'aux fourchettes et aux chemises d'homme, est d'une valeur très inférieure à tous les mobiliers inventoriés pendant cette période. Le matériel agricole en revanche a comme partout progressé, en nombre et en valeur. Les deux charrettes valent à elles seules plus que tout l'outillage de Jean Duhalde en 1856, le tombereau est pourvu de roues, deux sarcloirs à maïs ont fait leur apparition, les outils à main se sont multipliés et semble-t-il spécialisés : faux à foin, faucilles à tuie, serpe à fougère.
Guillaume Delgue en revanche ne possède pas de bétail et doit louer son cheptel. Ce dernier aussi est plus nombreux et d'une valeur très supérieure au petit troupeau qu'abritait la ferme vingt ans auparavant : s'y ajoutent une truie et ses pourceaux, et surtout une jument destinée à la reproduction accompagnée d'un mulet. Beaucoup de métayers devaient avoir recours à ces baux à cheptel, qui accompagnent généralement le contrat de métayage, et restent donc oraux. On n'en trouve guère de traces écrites que dans le dernier quart du siècle, lorsque quelques propriétaires se lancent dans la spéculation sur le bétail. En 1895, Michel Garra baille ainsi à ses nouveaux métayers d'Harismendia deux vaches, trente brebis, une truie et ses pourceaux917.
Guillaume Delgue pourtant possédait du bétail, et sans doute ses chemises, quand il était fermier à Celhaya en 1866. Pierre Larre l'avait alors poursuivi en justice, parce que ses mulets s'étaient introduits dans ses prés. Il vendait encore ses porcs en 1870, quand il fut condamné à verser 148 francs à un cultivateur d'Irissarry pour ne pas avoir livré la marchandise vendue918. Rien n'indique quel malheur lui est arrivé depuis mais, comme Jean Duhalde, il est sur la voie du déclassement.
Petit-fils de propriétaires, il n'a pas reçu grand-chose du petit bien resté indivis, et bientôt tombé à l'abandon919. Fermier, puis métayer, il finit sa vie comme journalier. Il ne reste pas longtemps en effet à Harismendia : dès l'année suivante on le retrouve veuf à Ipharria, la petite exploitation de journaliers d'Etcheverria, où sa fille est employée comme domestique920. Il se déclare journalier à partir de 1881 et se fixe, avec sa fille également journalière, dans une de ces maisons du bourg dont journaliers et ouvriers se partagent les petits appartements. Sans doute se livre-t-il aussi un temps à quelques charrois, lorsqu'il fait l'objet de contraventions pour conduite en état d'ivresse sur la route fort fréquentée qui mène de Bayonne à Saint-Jean-Pied-de-Port921.
C'est le sort commun à tous les métayers, dès lors qu'ils sont veufs et sans successeur. Guillaume Delgue a pourtant eu sept enfants, mais aucun ne s'est marié à Hélette. Son fils aîné est parti le premier, en 1874, pour faire son service militaire, puis s'est établi à Ossès. Trois autres sont en Amérique, et n'en reviendront pas922. L'une de ses deux filles est partie aussi vers l'âge de vingt ans, peut-être, comme beaucoup de jeunes filles, pour se placer comme domestique en ville. Lui restent un fils "idiot"923 et une fille célibataire, avec lesquels il n'est plus possible de tenir une métairie. C'est plus souvent encore le destin des métayères de finir leur vie seules et journalières : les veuves de Jean Aldaits, ancien métayer d'Harismendia puis de Gastelua, et de Dominique Hardoy, ancien métayer d'Heguiabeheria puis de Gastelua, se retrouvent ainsi en 1891 à Haristoa, une maison du bourg presque uniquement peuplée de femmes âgées924.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18048 : bail à cheptel du 18 décembre 1895.
Voir aussi Sansoenea (chapitre 5).
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 4-U-12/25 et 28 : affaires des 8 août 1866 et 7 juillet 1870.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 269-Q-1 à 46 : mutations par décès des 13 septembre 1839, 22 janvier 1847 et 28 septembre 1849.
Voir ci-dessus la biographie d'Etcheverria.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 4-U-12/32 : affaire du 14 juin 1879 notamment.
Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1R / 415 à 865 : registres matricules de recrutement.
Arch. com. Hélette : listes nominatives de recensement.
Haristoa, liste de recensement de 1891 :
Jeannette Pagadoy
Marie Pagadoy veuve Aldaits
Catherine Aldaits54 ans
49 ans
24 anscouturière
journalière
sa soeur
sa nièceJean Bidart
Virginie Gastellouberry76 ans
43 anscordonnier
son épouseMarianne Haristoy veuve66 ansfruitièreMarie Landerretche veuve Hardoy65 anscouturièreMarianne Hardoy55 anscultivatriceMaria Saint-Esteven veuve60 ansjournalière