La diversité règne aussi du côté des propriétaires. Le métayage n'est pas l'apanage de la grande propriété, et ne coïncide avec aucun type de propriété. Le propriétaire est plus souvent un moyen, voire un petit, qu'un grand propriétaire956. Contrairement au propriétaire absentéiste de l'Allier qui confie la gestion de son domaine à un homme d'affaires, il est le plus souvent lui-même exploitant, ou du moins résident957. A côté d'une grande propriété nobiliaire, qui s'effrite lentement, se maintient à Hélette une oligarchie paysanne qui n'exploite qu'une partie de ses terres en faire-valoir direct, tandis que s'affirme à Ascain une petite propriété citadine.
Tout aussi diverses sont les pratiques des propriétaires, dont témoignent les dossiers des sept métairies candidates au concours agricole de 1905958. Ce sont presque toujours les propriétaires qui présentent leur candidature, omettant souvent de citer les noms des métayers : le propriétaire agit et se considère comme le chef de l'exploitation. Il en tient lui-même la comptabilité, n'ignore manifestement rien du calendrier des cultures, des procédés d'amendement, d'alimentation du bétail, veille à tous les détails, et la marge est parfois étroite entre le métayer qui ne possède même pas ses outils aratoires et le domestique. Les querelles du propriétaire de Larteguia et de son locataire attestent aussi de la grande familiarité, mêlée de distance sociale, qui peut lier le propriétaire exploitant ou résident au métayer sur lequel s'exerce une surveillance de tous les instants.
Mais ces propriétaires souvent soucieux de progrès agricole, qui font un large usage de leur droit de direction pour introduire des innovations sur leurs terres, ne sont pas un modèle unique. Certaines métairies présentées au concours de 1905 bénéficient manifestement d'une plus grande autonomie, soit qu'un propriétaire bienveillant permette à son métayer de développer des cultures d'autosubsistance et de se créer un petit capital, soit qu'un propriétaire négligent abandonne sa métairie. Goyty fournit ainsi le rare exemple d'une véritable "association", qui a permis à un métayer à la fois d'assurer sa stabilité, la subsistance d'une nombreuse famille, et de se créer un petit capital d'exploitation959. Par négligence ou incapacité, d'autres propriétaires laissent à leur métayer la direction de l'exploitation, comme cette femme probablement seule et âgée qui, contrairement à son métayer, ne sait pas signer. En échange de sa part de récoltes et de la vente des animaux, elle se contente de pourvoir aux "grosses dépenses nécessitées par l'entretien des bâtiments". Autonome et assurée de sa stabilité, la famille de métayers a su faire prospérer seule son exploitation.
Ce genre de métairies laisse peu de traces : elles ne font pas l'objet de conflits ; elles ont aussi peu de chances de se signaler par leurs performances faute de capitaux. Les sources font la part belle aux propriétaires les plus dynamiques et les plus soucieux de leur exploitation, ou les plus procéduriers. Les dossiers de concours laissent pourtant entrevoir quelques unes de ces exploitations longtemps "abandonnées à des métayers peu surveillés", aux labours envahis par les mauvaises herbes, aux prairies naturelles laissées en friche qui, comme le domaine de Vignemont dans les années 1860-1880, n'ont sans doute plus pour leur propriétaire qu'une valeur symbolique et patrimoniale.
Voir en annexe : les métairies d'Ascain et Hélette. Tableau 17 : répartition selon la taille de la propriété.
Voir en annexe : les métairies d'Ascain et Hélette. Tableau 18 : répartition selon le type de propriétaire.
Arch. Nat. F10 / 1779 : concours départemental d'agriculture. Basses-Pyrénées. 1905.
Voir chapitre 3.