Conclusion de la deuxième partie. la petite exploitation et l'accès à la terre

Dans le cadre de la grande comme de la petite propriété, l'exploitation tend ainsi à s'adapter aux capacités de production et aux besoins de consommation d'une unité familiale : "maison" ou métairie, la petite exploitation s'impose comme le mode quasi-exclusif de mise en valeur de la terre.

Que la terre soit héritée, achetée ou louée, tout concourt au maintien de l'unité de l'exploitation. Protégée par des pratiques souples de dévolution des biens à un héritier et successeur unique, la maison se transmet avant tout par héritage. Symbole de la continuité familiale, elle n'est vendue qu'en désespoir de cause, et presque toujours en bloc. Tout l'éventail de formes de location gravitant autour du métayage, alternative durable ou momentanée au faire-valoir direct, la protège également du morcellement : quelle que soit la mobilité des métayers, la métairie aussi se transmet en bloc. La circulation familiale des terres comme la pratique généralisée du métayage excluent ainsi du marché une grande part des ressources foncières. Si ces mécanismes de protection contribuent d'une part à la reproduction de la petite exploitation, ils limitent d'autre part les possibilités pour les petits propriétaires d'agrandir leur exploitation.

Le marché s'ouvre pourtant dans les années 1860-1890 à la faveur des reclassements sociaux de la seconde moitié du siècle. La terre circule, dans un marché géographiquement et socialement segmenté, régulé par les contraintes morales et les médiations de la société villageoise. Le marché des métairies est un marché quasiment clos, structuré par les réseaux familiaux parallèles des propriétaires et des métayers, auquel les petits propriétaires n'accèdent qu'au prix d'un déclassement insupportable. Longtemps caractérisé par une rotation très rapide des terres, il tend à se ralentir dans le dernier quart du siècle, quand la précarité recule et les métayers se stabilisent. Le marché des parcelles en revanche est le lieu d'une forte concurrence entre des petits propriétaires soucieux d'agrandir et de remembrer leur domaine, qui bénéficient avant tout du lent déclin de la micro-propriété. C'est sur le marché des exploitations enfin que s'opèrent les transferts les plus massifs, en faveur de la petite propriété paysanne : loin des villes, le désinvestissement de la bourgeoisie rurale y rencontre la demande solvable d'une frange de métayers ou de cadets auxquels les revenus de l'élevage ou de l'émigration ouvrent à la fin du siècle des possibilités d'accès à la propriété.