La mer, longtemps pourvoyeuse d'emplois saisonniers, ne nourrit plus guère les campagnes non plus. Marins et charpentiers de marine se font rares à Ascain, qui compta un temps un chantier de construction navale et 142 marins qui s'engageaient indifféremment pour la pêche à Terre-Neuve, le commerce des Iles, ou la course dans la Royale1227. La prospérité du port de Saint-Jean-de-Luz, qui a connu ses heures de gloire au XVIIe siècle, n'a pas survécu au premier empire colonial français. Longtemps voué à la pêche lointaine et au commerce transocéanique, il peine à se reconvertir au cabotage et à la pêche côtière. Malgré un regain d'activité sous la Restauration, la pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve et de Saint-Pierre-et-Miquelon est en voie de disparition1228. En 1848, elle n'emploie déjà plus que 320 hommes dans le canton1229. "Il n'y a rien d'intéressant à dire du port de Saint-Jean-de-Luz, qui n'est pas fréquenté par les navires et qu'on se borne à entretenir", conclut sèchement le préfet dix ans plus tard1230. Le port de Bayonne connaît la même décadence. Son arsenal maritime, qui employait plus de 1 200 ouvriers, est supprimé sous la Monarchie de Juillet et les quelques chantiers de construction navale qui subsistent encore en 1848 ferment à leur tour sous le Second Empire1231. Les petits ports d'Hendaye et de Biarritz sont délaissés au bénéfice du tourisme1232.
Pour les communes côtières comme Ascain dont chaque exploitation comptait dans le premier tiers du siècle au moins un jeune mousse ou un charpentier de marine, c'est une source essentielle de revenus qui disparaît. Elles ne connaissent pourtant ni la ruine ni l'exode. Le monde des paysans-marins s'adapte avec souplesse au déclin des activités maritimes. Certains trouvent à s'employer dans des ports plus lointains, ou reclassent leurs enfants dans les métiers du tertiaire. Douanier, arrimeur à Bordeaux ou charpentier à Terre-Neuve, ils quittent la terre et finissent par vendre leur micro-exploitation1233. Mais à ces multiples formes de mobilité géographique et sociale, beaucoup préfèrent le repli sur la terre et développent des stratégies d'acquisition foncière1234. "La cessation si malheureuse sous une infinité de rapports des expéditions maritimes a eu du moins ces avantages que l'on a vu l'indispensable nécessité de demander à la terre des ressources impossibles à trouver ailleurs", note-t-on dès 18481235. Aussi ne reste-t-il guère de marins prêts à s'embarquer lorsqu'à la fin du siècle le port de Saint-Jean-de-Luz connaît, grâce à la pêche à la sardine, un certain renouveau. La pêche côtière pratiquée toute l'année par ses chalutiers à vapeur et ses nombreux petits canots ne laisse plus d'ailleurs qu'une faible place à la pluriactivité1236.
Alfred LASSUS, "Marins et corsaires d'Ascain", Ascain, ouvrage cité, pp. 533-555. Dominique ROBIN, L'histoire des pêcheurs basques au XVIIIe siècle, Donostia, Elkarlanean, 2002, pp. 9-10 et 201.
Manex GOYHENETCHE, Histoire générale du Pays basque, tome III, ouvrage cité, pp. 163-229.
Arch. nat. C 962 : enquête industrielle et agricole de 1848. Basses-Pyrénées. Canton de Saint-Jean-de-Luz.
Arch. nat. AD-XIXi-1/Basses-Pyrénées : rapports du préfet au Conseil général. Session de 1858.
Arch. nat. AD-XIXi-1/Basses-Pyrénées : rapports du préfet au Conseil général, session de 1871. Pierre HOURMAT, "L'industrie des constructions navales au temps de la Deuxième République et du Second Empire (1848-1870)", Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Bayonne, n° 137-138, 1981-1982, pp. 401-424.
Théodore LEFEBVRE, Les modes de vie dans les Pyrénées Atlantiques orientales, ouvrage cité, p. 358.
Voir chapitre 2 : Milorbaïta : disparition d'une micro-exploitation. Urritxagacoborda : ascension d'une famille de métayers.
Voir chapitre 4 : Ansorloa, de la mer à le terre.
Arch. nat. C 962 : enquête industrielle et agricole de 1848. Basses-Pyrénées. Canton de Saint-Jean-de-Luz.
Henri LORIN, "L'industrie rurale en Pays basque", article cité, pp. 352-357. Ministère de la guerre, Note sur la reprise et le développement de la vie industrielle dans la région pyrénéenne, ouvrage cité. Théodore LEFEBVRE, Les modes de vie dans les Pyrénées Atlantiques orientales, ouvrage cité, p. 358.