Lorsque autour de 1840 Basques et Béarnais prennent massivement le chemin des nouvelles républiques d'Amérique du Sud, le phénomène revêt aux yeux des contemporains alarmés l'allure d'un dramatique exode. L'aventure transatlantique, qui fait figure d'anomalie dans le cadre français, n'a cessé depuis de fasciner les esprits et de générer une véritable "inflation causale"1279. Emigration de la misère, refus politique de la conscription, soupape de sécurité de la famille-souche ou atavique esprit d'aventure1280 : l'exil sans retour, perçu comme un phénomène pathologique, tend à laisser dans l'ombre d'autres types de parcours migratoires. Or les migrations peuvent aussi, pour une part, être abordées sous l'angle de la pluriactivité : saisonnières, temporaires ou mêmes définitives, elles représentent pour les exploitations une source de revenus.
Jusqu'aux années 1850 se perpétue un courant de migrations saisonnières et temporaires qui a sans doute connu son apogée au XVIIIe siècle1281. Comme les maçons de la Creuse ou les colporteurs de l'Oisans, tuiliers et charbonniers basques quittent chaque année le village pour s'embaucher quelques mois en Espagne ou dans les Landes. Les tanneurs de Hélette sont nombreux en Galice ou à Madrid, où ils se fixent souvent durablement1282. Les marins, qui ont de longue date trouvé les routes des Amériques, prolongent parfois leurs séjours dans les Iles1283 où s'amassent dès le XVIIe siècle quelques fortunes. La dénomination des maisons, les inscriptions en façade, témoignent de la réussite de ces précurseurs1284 : le retour des "Indiens" annonce celui des "Américains" du second XIXe siècle. Certes, tous ne reviennent pas, et la vallée de Baïgorri par exemple a probablement connu dès le XVIIIe siècle quelques 4 000 départs définitifs1285. Au terme de parcours souvent complexes, une partie de ces migrants finit par s'établir à Bayonne et Bordeaux, centres de départ vers les Antilles, ou dans les villes espagnoles. Mais cette tradition ancienne de mobilité et de pluriactivité, au caractère transfrontalier ou transocéanique, balise les chemins des migrations massives du XIXe siècle.
C'est dans les années 1830, au lendemain des guerres d'indépendance, que naît un puissant courant d'émigration en direction de Montevideo puis de Buenos-Aires. Libérées de la sévère tutelle de l'Espagne qui réservait jusqu'alors l'immigration à ses ressortissants, les nouvelles républiques d'Amérique du Sud ouvrent leurs frontières et organisent le peuplement de leurs territoires1286. L'émigration devient dès lors massive et chronique. A l'émigration "riche" amorcée dès la première moitié du siècle s'ajoute dans les années 1850 celle des plus pauvres, métayers ou journaliers dont les agents recruteurs facilitent le départ en avançant l'argent du voyage1287. Aux rythmes des crises agricoles et politiques et de la désindustrialisation1288, elle connaît des phases d'accélération autour de 1850, 1870 et 1890, entrecoupées de phases de ralentissement, mais sans jamais s'interrompre1289. A la fin du siècle, la crise économique qui sévit en Amérique du Sud détourne en partie vers la Californie ou le Canada le courant migratoire1290, mais son flux continu ne se tarit que dans les années 1960.
Si les rythmes sont à peu près connus, l'appareil statistique français ne permet pas en revanche de mesurer précisément l'ampleur des départs, et encore moins celle des retours. L'étude des demandes de passeports laisse de côté les nombreux clandestins : il est de notoriété publique que les insoumis passent la frontière pour embarquer dans le port espagnol de Pasajes, où font escale les bateaux partis de Bayonne1291. Le calcul du solde migratoire, qui ne tient compte ni des flux d'immigration ni de la destination des départs, ne permet qu'une évaluation grossière. On estime généralement à 100 000 le nombre des émigrants du département au XIXe siècle, ce qui en fait le premier foyer d'émigration française1292. Les 2/3 sont originaires du Pays basque : selon les registres militaires, 1/3 environ des jeunes gens d'Ascain, de Hélette comme de Macaye1293 s'est rendu en Amérique dans la seconde moitié du siècle.
Durant trois décennies, administrateurs et notables s'alarment de ces départs massifs. C'est le nombre d'insoumis qui alerte le préfet dès 1838 : une centaine de jeunes gens du département ne s'est pas présentée au recrutement en 1837. Ils sont 500 à la fin des années 1850, soit 30 à 40 % des appelés1294. A cette époque, les propriétaires fonciers commencent à leur tour à se plaindre du manque de bras1295, leitmotiv de l'enquête agricole de 1866. Le député Pierre O'Quin fait planer, dans une série d'articles publiés par le Mémorial des Pyrénées, le spectre de la dépopulation1296. On dénonce la propagande des agences d'émigration, que le ministre de l'Intérieur se refuse à interdire au nom de la liberté du commerce1297. Mais tandis que livres et chansons en basque, distribués gratuitement, s'emploient en vain à décourager les départs1298, commence à émerger un autre discours qui devient dominant à la fin du siècle : il faut au contraire, pour éviter le morcellement des patrimoines, encourager l'émigration.
L'émigration cesse à partir de 1868 de figurer au rang des préoccupations des conseillers généraux. Face au manque de bras, les notables prônent désormais comme partout la mécanisation. Sans doute aussi les retours d'hommes et de capitaux ont-ils largement contribué à ce retournement et au triomphe d'un discours d'inspiration leplaysienne1299 : "les Basques, retour d'Amérique, achètent très souvent, dans leur village natal, une maison et des propriétés; ils reprennent, parfois, la maison paternelle qui a périclité, la relèvent et agrandissent le patrimoine"1300. Paradoxe, c'est au moment où les paysans sans terres sont de plus en plus nombreux à partir, sans espoir de retour, que la fortune des "Américains" de la première génération fait triompher la figure du cadet conquérant. Si toutes les craintes n'ont pas été levées, elles se sont déplacées : "au point de vue temporel, les gens qui émigrent s'en trouvent bien généralement. Partant, il y a du bon dans l'émigration. Mais du point de vue moral et social, il vaudrait mieux enrayer cet élan vers le Nouveau Monde"1301.
L'émigration apparaît moins dès lors comme une émigration de rupture que comme un projet familial. Le migrant en effet est le plus souvent un homme jeune et célibataire1302 qui va, selon l'expression du curé de Saint-Esteben1303, "faire un tour en Amérique" pour revenir avec une épargne et se marier. Il part avec ses outils de cordonnier ou de charpentier ou ses instruments aratoires1304, encouragé par ses parents1305, appelé et accueilli par tout un réseau d'oncles, de frères, de cousins et de voisins1306 qui lui promettent un emploi et des salaires élevés1307. Le monde des émigrants n'est certes pas homogène, et quelques fortunes retentissantes masquent bien des échecs. Débardeurs des quais de Buenos-Aires ou ouvriers des usines de salaisons de viande, les plus pauvres se sont fait oublier, et leur étude reste à faire1308. Ceux qui étaient partis avec un petit capital en revanche ont pu acheter du bétail, puis des terres. Laitiers à Buenos-Aires ou éleveurs de moutons dans la Pampa, ils peuvent épargner et faire fructifier leur pécule. Grâce aux concessions accordées par les gouvernements et à l'extraordinaire plus-value des territoires mis en valeur, quelques estancieros accumulent même d'immenses fortunes foncières1309. Les mieux dotés deviennent commerçants au Chili ou au Mexique, où des cordonniers d'Hasparren ont créé des tanneries et une industrie de la chaussure : "ils sont très appréciés comme commis dans les magasins qui constituent là-bas d'immenses caravansérails où l'on vend de tout"1310.
Combien de fortunes, combien de petites sommes, ont-elles en retour traversé l'Atlantique pour rembourser une dette, restaurer une maison ou acheter une terre ? Tous les témoignages en conviennent, ces expatriés envoient régulièrement de l'argent à leurs familles1311. Mais ces transferts de fonds qui passent par l'intermédiaire des réseaux de migrants n'ont laissé que des traces certes probantes, mais trop éparses pour permettre d'en prendre la mesure1312. Les hommes se laissent compter plus facilement. Ceux qui reviennent, après quelques années ou en fin de vie, sont généralement ceux qui ont réussi et laissé derrière eux une famille et quelques biens. Ils sont surtout nombreux parmi les émigrés de la première génération, les plus aisés, mais la dernière grande vague de départs, dans les années 1880, se solde encore à Hélette par ¼ de retours1313. Autour de quarante ans, ils se sont mis en règle avec leurs obligations militaires1314, et ont vendu leurs biens en Amérique pour se constituer une dot ou acheter une propriété. Les plus fortunés gardent des terres ou des commerces outre-Atlantique, et vivent de leurs rentes1315. Dans tous les villages s'affichent, parfois avec ostentation, des réussites qui frappent les voyageurs1316.
Cette émigration essentiellement masculine enfin ne doit pas faire oublier des migrations féminines moins spectaculaires, mais tout aussi nombreuses, dirigées vers les villes. A la fin du siècle, chaque commune voit partir chaque année cinq à dix jeunes filles, qui se placent comme cuisinières ou servantes à Bayonne, à Bordeaux "qui recrute une grande partie de la domesticité dans les régions pyrénéennes"1317, et de plus en plus dans les cités en pleine expansion de la côte. Sauf à Hasparren où "l'industrie de la cordonnerie retient les jeunes gens", quelques années de domesticité dans une famille bourgeoise sont devenues un passage obligé pour la plupart des filles qui, comme leurs frères, partent pour "gagner de l'argent et aider leurs parents", "se faire une dot pour se marier". Quelques-unes peuvent acquérir leur indépendance et s'établir en ville. Mais "les parents surveillent", et la plupart reviennent au bout d'une dizaine d'années1318.
"Partis en conquérants, rentrés en vainqueurs, ils vieillissent en rentiers"1319 : sans doute les revenus des migrations ne se sont-ils que partiellement traduits en investissements productifs. Sans doute aussi ont-ils entretenu le conservatisme social. Peut-être même la perfusion de la rente migratoire a-t-elle accéléré la désindustrialisation et retardé le changement agricole1320. Mais, comme dans l'Italie des montagnes ou du duché de Lucques, les migrations produisent des effets contradictoires1321. Composante d'une pluriactivité sans cesse réajustée, elles contribuent aussi paradoxalement au maintien du tissu rural, au progrès de la propriété paysanne, et à la stabilité de la petite exploitation.
Prisonnière d'une "mythologie du terroir", l'historiographie des migrations s'est généralement enfermée dans des "scénarios qui posent la sédentarité comme un attribut d'évidence". Voir les critiques de Gérard NOIRIEL, Le creuset français. Histoire de l'immigration XIXe-XXe siècle, ouvrage cité, pp. 22-26 et 50-67, et de Paul-André ROSENTAL, Les sentiers invisibles, ouvrage cité, pp. 17-20.
L'abondante littérature consacrée à ce sujet a été recensée par Pierre HOURMAT, "De l'émigration basco-béarnaise du XVIIIe siècle à nos jours", Bulletin de la Société des Sciences Lettres et Arts de Bayonne, 1976, pp. 227-254, André ETCHELECOU, Transition démographique et système coutumier dans les Pyrénées occidentales, ouvrage cité, 260 p., et Marie-Pierre ARRIZABALAGA, Famille, succession, émigration au Pays Basque au XIXe siècle. Etude des pratiques successorales et des comportements migratoires au sein des familles basques, Thèse de doctorat, Maurizio Gribaudi dir., Paris, EHESS, 1998, 433 p.
Pierre HOURMAT, "De l'émigration basco-béarnaise du XVIIIe siècle à nos jours", article cité, pp. 228-229. Maïté LAFOURCADE, Mariages en Labourd sous l'Ancien Régime, ouvrage cité, pp. 314-322.
Voir les biographies d'Erraya (chapitre 2), Ithurburua (chapitre 4), et Etchegoyenea (chapitre 7).
Dominique ROBIN, L'histoire des pêcheurs basques au XVIIIe siècle, ouvrage cité, pp. 94-97 et 220-225.
"Cette maison appelée Gorritia a esté racheptée par Marie de Gorriti, mère de feu Jean Dolhagaray, des sommes par lui envoyées des Indes, laquelle maison ne se pourra vendre ny engager. Fait en lan 1662", peut-on encore lire sur un linteau de porte d'Aïnhoa où l'on trouve aussi, comme à Ascain, une maison baptisée Indianoenea. Martin ELSO, Histoire d'un village basque : Aïnhoa, Bayonne, Gure Herria, 1966, p. 56.
Georges VIERS, Le Pays basque, ouvrage cité, p. 108.
Henri de CHARNISAY, L'émigration basco-béarnaise en Amérique, Thèse de doctorat en droit (1947), Biarritz, J&D Editions, 1996, pp. 190-195.
"Précédemment, les capitaines de navires exigeaient ou le paiement du passage en espèces ou une caution solvable. Aujourd'hui, pour peu qu'un émigrant ait un état, même celui de simple laboureur, ils se contentent de son engagement de leur payer le prix du passage qui, dans ce cas, est un peu plus élevé, dans les six mois de son arrivée, et cela sur ses gages, salaires ou bénéfices du semestre". L'agence américaine Lafone et Wilson est la première à avoir organisé les départs pour ses colonies agricoles d'Uruguay, en 1832. En 1861, quatre agences d'émigration travaillant pour des compagnies de navigation emploient 25 agents recruteurs, qui parcourent les foires et les marchés. (Arch. nat. AD-XIXi-1/Basses-Pyrénées : rapports du préfet au Conseil général. Sessions de 1858 et 1861).
La fermeture du haut-fourneau de Mendive par exemple est à l'origine de départs massifs de cette commune entre 1866 et 1870. Marie-Pierre ARRIZABALAGA, Famille, succession, émigration au Pays Basque au XIXe siècle, ouvrage cité, pp. 60 et 68-69.
"La disette de 1847, l'apparition de l'oïdium vers 1853 […] précipitèrent ce mouvement jusqu'en 1858. La guerre de 1870 activa de nouveau ce grand courant jusqu'en 1875. Enfin, la crise agricole dont les effets se firent sentir en 1887, l'apparition du mildew […] eurent une influence décisive sur la dernière et grande période d'émigration qui commença en 1887 pour se calmer un peu en 1895 et diminuer dans de notables proportions depuis cette époque jusqu'à nos jours", résume en 1898 le président du comice agricole de Mauléon-Tardets. (Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1J-1269 : concours des domaines de 1898).
Ministère de la guerre, Note sur la reprise et le développement de la vie industrielle dans la région pyrénéenne, ouvrage cité, p. 116.
Arch. nat. AD-XIXi-1/Basses-Pyrénées : rapports du préfet au Conseil général. Session de 1855. A. de SAINT-LEGER et E. DELBET, Paysans du Labourd, ouvrage cité, pp. 212-213.
"Le total des soldes migratoires négatifs que l'on peut calculer d'après la Statistique du Mouvement de la Population [1901] indique plus de 108 000 départs entre 1836 et 1901" selon André ETCHELECOU, Transition démographique et système coutumier dans les Pyrénées occidentales, ouvrage cité, pp. 58-59. Même évaluation chez Pierre HOURMAT, "De l'émigration basco-béarnaise du XVIIIe siècle à nos jours", article cité, pp. 232-233.
Danielle CARRERE, Les origines familiales et sociales de l'émigration à partir d'un village basque : Macaye, Université de Pau et des Pays de l'Adour, TER sous la direction de Michel Papy, 1976, 94 p.
Arch. nat. AD-XIXi-1/Basses-Pyrénées : rapports du préfet au Conseil général. Sessions de 1838, 1855 et 1858. BB-30/Basses-Pyrénées : rapport du procureur général de la Cour d'appel de Pau. 2e semestre 1855.
Arch. nat. AD-XIXi-1/Basses-Pyrénées : rapports du préfet au Conseil général. Sessions de 1855 et 1858. BB-30/Basses-Pyrénées : rapport du procureur général de la Cour d'appel de Pau. 1er semestre 1855 et 3ème trimestre 1859.
Pierre O'QUIN, Etudes sur le décroissement de la population dans le département des Basses-Pyrénées, Pau, Vignancour, 1856, 58 p.
Arch. nat. AD-XIXi-1/Basses-Pyrénées : rapports du préfet au Conseil général. Session de 1862.
A. de SAINT-LEGER et E. DELBET, Paysans du Labourd, ouvrage cité, p. 210.
Les collaborateurs de Le Play sont les premiers, en 1856, à vouloir "combattre l'opinion généralement répandue que l'émigration constitue une perte sèche pour la mère-patrie". Leur argumentaire triomphe à la fin du siècle sous la plume du député conservateur Louis Etcheverry, leplaysien convaincu. (A. de SAINT-LEGER et E. DELBET, Paysans du Labourd, ouvrage cité, pp. 214-215. Louis ETCHEVERRY, "L'émigration des Basques en Amérique", La Réforme Sociale, 1886, pp. 490-514).
Ministère de l'agriculture, La petite propriété rurale en France, ouvrage cité, pp. 191-194.
Archives de l'Evêché de Bayonne : questionnaire sur les oeuvres diocésaines, 1909. Paroisse de Meharin.
Des 1 776 passagers embarqués sur les dix-huit navires qui sont partis des ports français entre le 30 juin 1856 et le 30 juin 1858, 60% étaient des hommes, 30% des femmes et 10% des enfants. A Ascain dans les années 1870, la moitié des émigrants sont encore des hommes, mais on voit aussi partir des femmes seules et quelques familles entières. Arch. nat. AD-XIXi-1/Basses-Pyrénées : rapports du préfet au Conseil général. Session de 1858. Arch. com. Ascain : passeports délivrés en 1868 (1868-1873); passeports à Buenos Ayres (1873-1890).
Archives de l'Evêché de Bayonne : questionnaire sur les oeuvres diocésaines, 1909. Paroisse de Saint-Esteben.
A. de SAINT-LEGER et E. DELBET, Paysans du Labourd, ouvrage cité, pp. 214-215. Henri de CHARNISAY, L'émigration basco-béarnaise en Amérique, ouvrage cité, p. 167.
Voir document 3 en annexe : un départ pour l'Amérique en 1857.
"Dans les arrondissements de Mauléon et de Bayonne, l'émigration est uniquement excitée par les appels incessants que les Basques installés dans les provinces argentines adressent à leurs compatriotes de tous les âges et de tous les sexes. Il arrive souvent aussi que le prix du passage est payé d'avance par les parents déjà établis en Amérique" (Arch. nat. AD-XIXi-1/Basses-Pyrénées : rapports du préfet au Conseil général. Session de 1858). "Tous y sont appelés par des parents et des amis : les salaires y sont incontestablement plus élevés […] Ils partent avec le désir de revenir au pays, fortune faite […] Ils sont tous embauchés avant leur départ" (Archives de l'Evêché de Bayonne : questionnaire sur les oeuvres diocésaines, 1909. Paroisse de Cambo).
En 1856, un ouvrier peut espérer un salaire de 3 à 12 francs par jour, alors que le salaire d'un journalier au Pays basque ne dépasse guère 1 franc selon l'enquête de 1852. A. de SAINT-LEGER et E. DELBET, Paysans du Labourd, ouvrage cité, p. 213.
Si l'histoire de ces migrants s'est récemment renouvelée sous l'angle des départs, la question de leur intégration, réussie ou non, dans les pays d'accueil n'a guère été revisitée depuis 1910. Voir Pierre LHANDE, L'émigration basque, Paris, Nouvelle librairie nationale, 1910. Nouvelle édition : Donostia, Elkarlean, 1998, 297 p.
Henri de CHARNISAY, L'émigration basco-béarnaise en Amérique, ouvrage cité, pp. 205-209. Pierre HOURMAT, "De l'émigration basco-béarnaise du XVIIIe siècle à nos jours", article cité, pp. 243-244.
Ministère de la guerre, Note sur la reprise et le développement de la vie industrielle dans la région pyrénéenne, ouvrage cité, pp. 115-116.
Les jeunes gens sont, selon le préfet, "embarqués par des parents cupides qui les envoient en Amérique pour s'en débarrasser ou pour tâcher de leur faire tenter fortune, espérant la partager avec eux lors de leur retour" (Arch. nat. AD-XIXi-1/Basses-Pyrénées : rapports du préfet au Conseil général. Session de 1858). En 1898, en raison d'un taux de change devenu défavorable, "les Basques de là-bas pourront difficilement se résigner à subir pareille perte pour envoyer les subsides coutumiers aux parents restés comme soutiens à la maison paternelle" (Le Journal de Saint-Palais, 13 mars 1898). Les curés interrogés en 1909 le confirment à leur tour : "Je sais par les nouvelles qu'ils adressent à leurs parents que ces émigrants gagnent de l'argent comme ils n'en auraient jamais gagné ici, aident dès à présent leurs familles" (Archives de l'Evêché de Bayonne : questionnaire sur les oeuvres diocésaines. Paroisse de Saint-Esteben). "Plusieurs reviennent voir leurs parents, passent quelques mois et regagnent les Amériques […] Quelques uns reviennent riches; d'autres envoient beaucoup d'argent à leurs parents pauvres" (ibid. Paroisse d'Espelette).
Voir document 4 en annexe : un transport de fonds d'Amérique en 1851.
Voir tableau 5 en annexe : La part des migrations temporaires en Amérique. Ascain et Hélette (1830-1914).
Deux décrets de 1848 et 1852 ont accordé une amnistie à tous les insoumis jusqu'à la classe 1840. Les générations suivantes, qui ne bénéficient de la prescription qu'à l'âge de cinquante ans, font leur soumission au consulat et sont généralement dispensées de service. (Arch. nat. AD-XIXi-1/Basses-Pyrénées : rapports du préfet au Conseil général. Session de 1868. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1R / 415 à 865 : registres matricules de recrutement).
Henri de CHARNISAY, L'émigration basco-béarnaise en Amérique, ouvrage cité, p. 239.
Ainsi, dès 1852, "Ustaritz prend-il depuis quelques temps un aspect tout nouveau. Une grande route et un pont récemment construit; des maisons ou neuves ou refaites à neuf, une foule d'autres travaux d'amélioration exécutés depuis peu, ont commencé à lui donner un air de vie et de jeunesse qu'il avait complètement perdu. Il est même question en ce moment de restaurer son église si vénérable par son antiquité, ou bien d'en bâtir une autre qui serait d'un beau style gothique" (Le Courrier de Bayonne, 7 novembre 1852). Un demi-siècle plus tard, Ardouin-Dumazet note à son tour les maisons neuves ou restaurées des Américains à Ustaritz, à Itxassou, en Basse-Navarre et en Soule (ARDOUIN-DUMAZET, Voyages en France, ouvrage cité).
Arch. nat. BB-30/Basses-Pyrénées : rapport du procureur général de la Cour d'appel de Pau. 2e trimestre 1865.
Archives de l'Evêché de Bayonne : questionnaire sur les oeuvres diocésaines, 1909. Paroisses d'Hasparren, Saint-Esteben, Sare, Hélette, Irissarry, Saint-Etienne de Baïgorri.
Henri LORIN, "L'industrie rurale en Pays basque", article cité, p. 375.
Georges VIERS, "Les Basques et l'Amérique", Revue de Géographie des Pyrénées et du Sud-ouest, 1957, p. 323. Mauléon-Licharre. La population et l'industrie, ouvrage cité, p. 46.
Franco CAZZOLA, "La pluriactivité dans les campagnes italiennes : problèmes d'interprétation", Entre faucilles et marteaux, ouvrage cité, pp. 19-31. Caroline DOUKI, "Mobilités géographiques, mobilités sociales et modernisation des campagnes", communication au séminaire Economies et sociétés rurales contemporaines, Lyon, 13 mai 2000.