3-1-1-3/ -Les sous-entendus

Qu’est ce qu’un sous-entendu ? Comment se différencie-t-il d’un présupposé ? Selon C. Orecchioni, la classe des sous - entendus

‘«englobe toutes les informations qui sont susceptibles d’être véhiculées par un énoncé donné, mais dont l’actualisation reste tributaire de certaines particularités du contexte énonciatif » 55 .’

Dans un parallèle entre le présupposé et le sous - entendu, C. Orecchioni 56 écrit, par ailleurs :

‘« par opposition au présupposé, les sous-entendus (qui par ailleurs ne partagent pas ces propriétés de non informativité ou d’indifférence à la négation 57 que l’on observe souvent chez les présupposés) se caractérisent par leur inconstance ».’

Si l’actualisation des présupposés ne fait appel, essentiellement, qu’à la seule compétence linguistique, les sous-entendus, eux, convoquent, en plus, la compétence encyclopédique.

Donc, dans la construction de son énoncé, en injectant les contenus implicites à l’intérieur de cet énoncé, le locuteur dissimule de ce fait certaines opinions qui ne peuvent être comprises que par le destinataire qui réunit un certain nombre de compétences. L’enjeu pour le sujet parlant, comme nous l’avons dit, dans le choix de l’implicite, est de faire croire, mais aussi de faire dire sans vraiment le dire. Reprenons à ce propos O. Ducrot qui affirme, à juste titre qu’: 

‘« il ne s’agit pas seulement de faire croire, il s’agit de dire, sans avoir dit. Or dire quelque chose, ce n’est pas seulement faire en sorte que le destinataire le pense, mais aussi faire en sorte qu’une de ces raisons de le penser soit d’avoir reconnu chez le locuteur l’intention de le lui faire penser. Et, justement, il peut arriver qu’on souhaite à la fois dire (en ce sens fort), et pouvoir se défendre d’avoir voulu dire. En d’autres termes, il peut arriver que l’on veuille bénéficier à la fois de l’espèce de complicité inhérente au dire, et rejeter en même temps les risques attachés à l’explicitation. D’une part, on veut que l’auditeur sache qu’on a voulu lui faire penser quelque chose, et, d’autre part, on tient malgré tout à pouvoir nier cette intention » 58

En guise de conclusion, on peut retenir que le présupposé peut présenter comme une donnée naturelle et incontestable ce qui, précisément, fait l’objet de la critique. On donne comme allant de soi une chose qui, en fait, est au centre de la contestation. Lorsque cette évidence postulée est acceptée par l’ensemble des personnages d’une scène ou constitue le cadre d’un récit, c’est cette absence de contestation du présupposé qui constitue le phénomène satirique et construit le cercle présupposé du lectorat. Autrement dit, à partir du moment où un certain lecteur connaît, reconnaît et se reconnaît, donc adhère, à un présupposé, il se trouve de fait dans la position du lecteur modèle.

Le sous-entendu, quant à lui, demande une interprétation qui repose sur des indices plus ou moins aléatoires. Le fait qu’il soit dans un texte met le lecteur en alerte, l’incitant à chercher d’autres sous-entendus. Un soupçon d’incertitude s’étend, dès lors, à l’ensemble du texte.

Il est néanmoins important de préciser que le locuteur qui se livre à ce jeu prend le risque qu’on lui fasse dire ce qu’il n’a pas forcément voulu dire, que l’on voit des sous-entendus là où il n’a pas voulu en mettre. Une fois déclenché, ce processus devient difficilement contrôlable.

La satire, lieu par excellence de l’excès dans la représentation, est aussi un lieu où le lecteur peut croire qu’il a aussi le droit à un excès interprétatif. Ce risque est couru d’avance, et c’est une des caractéristiques de ce type de stratégie satirique qui implique de ne pouvoir jamais garantir la «bonne » interprétation 59 . Néanmoins, si on appartient au cercle du lectorat potentiel, on ne peut faire que la bonne interprétation, c’est à dire, celle que le locuteur avait envisagée, potentiellement, en produisant son discours.

Mais, dans l’implication du sous-entendu dans les stratégies de la satire, l’auteur peut jouer à utiliser de l’ambiguïté. En effet, dans les textes satiriques, il arrive qu’une ambiguïté plane le temps d’une phrase. Elle est ensuite levée dans la phrase suivante. Le sous-entendu repris par son auteur, est aussitôt effacé par lui-même. Mais il a existé ne serait-ce que dans l’espace et le temps d’une phrase. Aussi, faut-il noter que, parfois, l’ambiguïté n’est levée que de façon partielle, laissant d’autres possibilités d’interprétations qui sont par-là même renforcées.

L’ambiguïté peut aussi constituer un piège : dans ce cas, elle visera à faire dire à l’autre ce qu’on ne veut pas dire soi-même et la conclusion du genre «c’est vous qui l’avez dit, ce n’est pas moi » 60 est tout naturellement celle qui suit. Cette vérité est incontestable, surtout lorsque le message traîne derrière lui une cohorte de rires et de moqueries. L’autre moyen mis en place par le discours satirique pour condamner sa cible et coopter son destinataire est le comique.

Notes
55.

1986, p.39

56.

p.40

57.

Orecchioni dit que les sous-entendus semblent plutôt être de ce point de vue assimilables aux implications (mais ce sont des implications  « non nécessaires »)

58.

p.15

59.

Poumet, 1990, p.184

60.

Poumet, 1990, p.187