2-1°/- Dispositif du journal

‘« Toute communication s’inscrit dans un cadre où les discours trouvent, avec cohérence, à s’actualiser. Concernant les médias d’information, nous appelerons ce cadre le dispositif » ¹⁰⁰ .’

Ce que nous retenons, ici, c’est l’idée de site, dans lequel surgit le discours informatif. C’est un cadre qui impose et implique un certain nombre de contraintes aux contenus. Comme le font remarquer M. Mouillaud et J-F. Tétu ¹⁰¹ ,

‘« les dispositifs ne sont pas seulement des appareils technologiques, de nature matérielle. Le dispositif n’est pas le support inerte de l’énoncé, mais où l’énoncé prend forme… ».’

Ce lieu physique agit finalement comme un formant, une matrice qui conditionne non seulement le type d’énoncé qui y apparaît mais aussi la façon dont cet énoncé est construit. Donc, le dispositif est l’énoncé primaire conçu comme un lieu matériel dont la caractéristique élémentaire est d’agir comme un univers structurant à l’ensemble des énoncés qui apparaissent en son sein. Comme le rappelle E. Véron ¹⁰² , c’est un cadre environnemental qui est propre à chaque média et qui impose certaines contraintes. Il nous paraissait indispensable, dans les premières lignes de ce chapitre, de poser quelques réflexions liées à la compréhension des éléments que d’autres ont appelé bien avant nous «invariants référentiels », dispositif ou encore cadre. G. Ferreira dans son analyse de ces éléments à propos de deux quotidiens brésiliens se fixaient comme point de départ l’étude que propose E. Véron du contrat de lecture. Nous y reviendrons plus amplement dans la dernière partie de ce travail.

Ce qui sera, au prime abord, notre préoccupation, ce sont les propriétés qui différencient un journal d’un autre. Chaque discours comporte, en effet, des traces spécifiques qui changent au cours du temps, explique G. Ferreira ¹⁰³ . L’analyse cherche le fonctionnement discursif des supports de presse ; elle se base, dans un premier temps, sur ce que nous appelions les «invariants référentiels ». Pour observer ces caractéristiques dans les discours en question, note Ferreira, il faut trois impératifs : la régularité des propriétés décrites (les propriétés occasionnelles), la différence obtenue, dans le cas d’une comparaison (les différences et les ressemblances forgent «l’identité » ou le contrat de lecture), la systématisation des propriétés présentées par chaque support (le contrat de lecture s’établit à partir d’un ensemble d’«invariants référentiels »).

E. Véron montre comment se forge la relation entre les journaux et leurs lecteurs. Les journaux construisent d’une certaine façon leurs matières signifiantes, que ce soit les aspects linguistiques ou non linguistiques (illustrations, mise en page...). Le contrat de lecture ne peut ignorer la dynamique des lecteurs (leurs aspirations, leurs attentes, leurs intérêts, leurs motivations...), les changements socioculturels qui peuvent modifier le contrat, et la concurrence.

Il y a une négociation constante entre le journal et son lectorat. Production et reconnaissance sont en lien à la fois étroit et délicat. « Les propriétés de son discours vont dépendre des stratégies d’appropriation de ses éventuels lecteurs ». Et le premier lieu d’ancrage de cette négociation se trouve dans le dispositif, le nom du journal et la mise en rubrique ¹⁰⁴ . Nous verrons l’originalité du dispositif des journaux qui sont étudiés à la fin de cette thèse. Pour le moment, nous nous contenterons d’une présentation succincte qui pointe ces éléments identitaires (comme le nom ou les rubriques) et qui balaie leur histoire et celle des pays dans lesquels ils sont nés. Cette présentation se divisera en deux parties : dans un premier temps, nous verrons l’histoire des journaux satiriques nationaux ( Le Lynx , Journal du Jeudi , Le Cafard Libéré ) ; ensuite nous finirons par les deux panafricains, à savoir, Le Gri-Gri International et Le Marabout .