Quand le dromadaire veille…

Il n’y a aucune ambiguïté possible quantà la signification de son nom : il paraît le jeudi, alors il ne pouvait s’appeler que Le Journal du Jeudi . Le choix est aussi lié à une stratégie d’ordre commercial, et surtout mnémotechnique, selon le rédacteur en chef. Pour écrire ce nom, il joue sur la typographie en esquissant une plume (au bout de la lettre L du mot journal) afin de rappeler le principe élémentaire du journalisme qui est celui de l’écriture ( à savoir que le point sur le I du mot jeudi est une goutte d’encre qui tombe de la plume : cf. annexes).

Ala lecture de son nom se trouve jointe l’annonce de sa périodicité. Puisqu’il n’a pas choisi d’emprunter le nom d’un animal pour se nommer, il se l’approprie et décline son premier jeu de mots en proposant un néologisme résultant de la contraction entre hebdomadaire et dromadaire. Ce qui donne la définition suivante : « hebdromadaire satirique indépendant ». Cet animal sahélien (on intègre déjà la culture locale, puisque le Burkina Faso est à la lisière du Sahel) est connu pour sa capacité à parcourir des longues distances. Le journal veut ainsi rappeler les difficultés liées à la dénonciation des entorses à la norme, un combat de longue haleine qu’il entend mener.

Du point de vue des rubriques, on en compte dix, dans un journal à petit format de douze pages. D’abord la rubriqueMoi Goama qui sera étudiée particulièrement dans la dernière partie de la thèse puisqu’elle pose clairement la question de l’oraliture ; ensuite, Digest où on traite l’actualité politique nationale, sous une forme courte et concentrée ; c’est aussi ici qu’on peut régulièrement lire l’éditorial sous le titre Appelez-moi JJ : soulignons que cet éditorial n’est jamais signé par un journaliste en particulier, ou que s’il l’était, ce serait plutôt par le dromadaire qui apparaît en tête du « papier » en exhibant sa plume. Comme nous le verrons, c’est le même dispositif qui est repris dans Le Marabout   ; Il y a aussi la rubrique d’humeur MEGD’alors, (qui devient MERD’alors dans Le Marabout ) ; la rubrique MEDIA CULPA,comme son nom l’indique est dédiée à un traitement caustique des médias ; Judas est aussi caustique, Fasometre, rubrique qui donne la température du Burkina à la manière d’un baromètre, (nous retrouvons là biensûr une des caractéristiques de la satire) avec un regard attentif aux personnalités politiques à travers le biais En panne/En forme pour fustiger ou applaudir des propos tenus dans la semaine ; et enfin les rubriques habituelles de la presse tels que Le monde en bref, Etranger, Jeux. Ces rubriques sont les lieux d’une critique caustique que propose le journal, en droite ligne de sa mission satirique.

Pour en revenir aux conditions de sa naissance et de son évolution, Le Journal du Jeudi , est créé au Burkina Fasso en août 1991. Il se donne pour mission le traitement de l’actualité politique, sociale et économique, nationale et internationale. Le financement de son travail vient, principalement de ses ventes, et dans une moindre mesure des recettes des espaces publicitaires.

Avec son fondateur Boubacar Diallo aux commandes, JJ est passé d’une équipe de trois personnes à sa création, à quinze personnes dont six permanents (trois de la rédaction, le directeur fondateur et trois administratifs), six collaborateurs extérieurs permanents et trois dessinateurs (un Franco-Burkinabé, un Camerounais et un Tchadien).

L’information est la préoccupation première du Journal du Jeudi . Sa périodicité (une fois par semaine) lui laisse le recul nécessaire permettant des analyses fouillées et approfondies. Lorsque ses moyens le permettent, il s’essaie aux enquêtes de terrain, dans l’esprit d’ un journalisme d’investigation.

Par ailleurs, avec son caractère satirique, JJ bénéficie d’une souplesse de ton dans le traitement de l’actualité et peut ainsi intégrer l’humour dans un environnement médiatique trop souvent traversé d’austérité. Il tente, enfin, à travers une information objective et une sensibilisation relative, de participer à la consolidation de la démocratie au Burkina, en décrispant, au passage, la vie publique nationale. Des objectifs que l’on retrouve également en Guinée, par l’intermédiaire du Lynx .