2-2-3/- La Guinée et Le Lynx

De la République Populaire Révolutionnaire de Guinée à la Guinée

La République de Guinée est située sur la côte Ouest africaine. Avec 245 857 Km2, elle compte aujourd’hui plus de 7 millions d’habitants. Le 28 septembre 1958, à l’occasion du référendum gaulliste, proposant la communauté française, la Guinée est seule à voter « non ». La phrase de Ahmed Sékou Touré, son leader, retentit encore comme un leitmotiv trop audacieux dans la tête de l’ancien colonisateur et fait la fierté du Guinéen :

‘« Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage ».’

Le 2 octobre 1958, la Guinée accède à l’indépendance. Sékou Touré devient le président de la jeune république. Entre lui et la France, le fossé a déjà commencé à se creuser. Les deux pays s’éloignent l’un de l’autre à mesure que les années passent. Le président de la République Populaire Révolutionnaire de Guinée opte pour le socialisme. Il interdit tous les autres partis politiques existants à la veille de l’indépendance. Le parti unique est instauré : le P.D.G (Parti Démocratique de Guinée) affilié au R.D.A (Rassemblement Démocratique Africain). Un régime de terreur naissait ainsi en Guinée ; aucune voix, hormis celle de l’Etat, n’y est admise. Les libertés individuelles sont étouffées au nom d’une certaine unité nationale.

Dans cette dictature, la presse privée n’existera pas ; un seul quotidien national : Horoya  ; une seule station de radio et une seule chaîne de télévision : la Radiodiffusion Télévision Guinéenne. Tous ces médias, relevant directement du pouvoir, vont se faire les caisses de résonance du régime en place.

Mais comme disait un dramaturge de ce même pays, «le pouvoir de l’homme n’est que vanité ». Après 26 ans d’une terrible dictature, Sékou Touré meurt dans la nuit du 26 au 27 mars 1984, laissant derrière lui un pays délabré (selon la CNUCED, Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement, de 1960 à 1985, la croissance du PNB par habitant est de 1,2% pour la première décennie, 0,6% pour la deuxième, 1,6% pour les cinq dernières années) et un peuple terrorisé qui allait se souvenir de lui encore très longtemps.

Le 3 avril 1984, l’armée guinéenne, incarnée par le Comité Militaire de Redressement National, reprend les rênes avec un héritage assez lourd. Les nouvelles autorités parlent de démocratie, de pluralisme et surtout de liberté. Liberté d’entreprendre et aussi liberté d’expression qui s’impose comme un pilier fondamental dans la (re) construction de la Guinée.

C’est dans cette nouvelle atmosphère, peu connue, de ce pays, que des journaux se créent pour faire concurrence à Horoya qui paraît toujours, même si le régime a changé.

Avant 1984, le paysage de la presse guinéenne se résume donc au seul quotidien national dont on vient de parler. Les bons rapports entre la Libye et la Guinée avaient favorisé le don par Tripoli d’un matériel de radiodiffusion à Conakry, dans les années 70. Ce sont les locaux de cette radio qui seront agrandis plus tard pour abriter la seule et unique chaîne de télévision que la Guinée connaît depuis son indépendance. Aidée de la station de radio, elle avait ainsi servi le premier régime et sert encore aujourd’hui le pouvoir du Général-Président Lansana Conté.

Mais, même si aujourd’hui aucune radio ni télévision privée n’a vu le jour en Guinée, avec la promulgation d’une nouvelle loi fondamentale qui sert de constitution, la presse, elle, se développe. Malgré les restrictions de la loi, des journaux naissent pour donner une autre information. Celle réputée indépendante, objective et impartiale. Ces journaux sont les lieux de rencontre d’opinions différentes, surtout de celles du régime en place. Ils se démarquent de l’information que donnent la radio et la télévision guinéennes. Ils sont les concurrents farouches, surtout de Horoya . Ils prétendent creuser pour donner l’information exacte, dans le respect de l’attente du lectorat et de la déontologie du journalisme.

Aujourd’hui, dans ce marché de la culture, chaque journal adopte une ligne rédactionnelle qu’il veut originale. La bataille pour l’audience semble engagée surtout à Conakry. L’intérieur de la Guinée est absent de cette effervescence de la presse privée. Des titres aussi révélateurs que Le Lynx , L’Indépendant , La Lance , L’Oeil , Le Globe sont autant d’hebdomadaires qui se battent pour être au plus près du public.

Le lectorat guinéen reste encore très restreint ; nous sommes dans un pays où on a évalué à 70% le taux d’analphabètes, c’est à dire de ceux qui ne peuvent lire et écrire le français. De toutes les façons, la lecture n’a pas toujours été le fort du Guinéen. Sékou Touré l’en avait dispensé, hormis pour ses propres écrits. Aussi, les séquelles subsistent-elles encore peut-être.

Toujours est-il que dans ce marché qui connaît chaque fois une nouvelle naissance de journal, deux groupes de presse retiennent la reconnaissance du public. Entre 30 et 40 000 tirages par semaine, le groupe L’Indépendant-Le Démocrate et le groupe Lynx -Lance semblent développer une information correspondant à l’attente du Guinéen. Alors que le premier semble battre de l’aile, le second est au mieux de sa forme. C’est justement un journal de ce second groupe ( Le Lynx plus précisément) qui fait partie des objets de notre étude.