2-3/- Le Journal satirique panafricain

2-3-1/- Ce drôle de Marabout

Qu’est ce qu’un marabout ? La première définition que le Nouveau Petit Robert donne de ce mot est : « Pieux ermite, saint de l’islam, dont le tombeau est un lieu de pélérinage ». L’ermite dont il s’agit, ici, est un homme connu pour son caractère religieux qui se retire de tout afin de méditer : entrer en xalwa 107 dit-on en Afrique. Le marabout, toujours selon le Petit Robert, est aussi un muslman sage et respecté en Afrique. Lorsque celui-ci entre en xalwa, souvent, il en ressort avec des pouvoirs proches de ceux du sorcier, d’où sa capacité à « marabouter », autrement dit, à envoûter. Enfin, le marabout désigne aussi un « grand oiseau des marais d’Afrique (ciconiiformes), au plumage gris et blanc, à gros jabot ». Qu’il soit un homme ou oiseau, en tous les cas, le marabout est reconnu d’appartenance africaine. Il n’y a plus rien de surprenant alors qu’un journal de ce continent choississe ce nom pour se baptiser. Grand échassier d’Afrique, ou musulman sage et respecté, ou envoûteur, ou sorcier, Le Marabout est surtout le nouveau né des médias satiriques africains :

‘« On consulte son médecin, son psy ou son gynéco lorsqu’on a des ennuis de santé ; de même, on consultera son mécanicien, son garagiste au moindre toussotement de son automobile. Mais on reste pantois lorsque le mal est plus général. Que faut-il faire lorsque tout va de travers, lorsque c’est la société toute entière ou le système dans son ensemble, judiciaire, monétaire ou encore le régime politique qui traverse une zone de turbulences et pilote… à vue ? Qui l’Africain doit-il donc consulter lorsqu’il a perdu ses marques ? Une réponse vous est proposée dans ce panafricain d’Afrique. Quand ça va mal, il faut désormais consulter son… Marabout, le satirique africain qui égratigne tous ceux qui vous égratignent sans coup férir. Le Marabout se propose d’écrire à gorge déployée, de vous faire rire sérieusement, de croquer la vie à dessein en dessins, de caricaturer ces caricatures vivantes que sont les travers de tous ordres » 108 .’

Voilà en quels termes se définit le projet du mensuel satirique panafricain, dans l’éditorial de son premier numéro, sous le titre : Le Marabout Mode d’emploi , dans la rubrique Maraboutage . Par ailleurs, comme c’est le cas avec le dernier journal de notre corpus, ce journal est édité par un regroupement de journalistes. Ceux-ci sont installés au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Mali, au Niger, au Sénégal et au Togo. Ils travaillent ensemble dans l’association appelée le RALI  : Réseau Africain pour la Liberté d’Informer . Ce réseau associatif à but non lucratif, créé en 1999, s’est assigné comme vocation, de défendre la liberté d’expression et le métier de journalisme en Afrique.

Il a donc été fondé par des journalistes d’une quinzaine de nationalités africaines, mais aussi européennes et américaines ; une pluralité de cultures et d’expériences déployée au service du continent africain. Le Marabout est une publication qui se veut être l’écho, le dénonciateur des entraves à la liberté d’expression. C’est aussi et surtout une tribune de réflexion sur l’Afrique politique, sociale, économique et culturelle. L’actualité spécifique de chaque pays membre du réseau est représentée sous forme de rubrique ; les dossiers « transversaux » eux sont traités par une équipe rédactionnelle disséminée du Nord au Sud.

C’est justement cette particularité (des journalistes dans plusieurs pays africains) qui est à la base de la dénomination des plus importantes rubriques du journal : Bénin, Burkina Fasso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali, Niger, Sénégal, Togo, Ailleurs, voilà les titres qui résument les informations que l’on peut trouver dans les pages correspondantes. Par ailleurs, dans la logique du nom du journal, on peut retrouver Maraboutage où la réflexion de Cocasserie côtoie le proverbe décalé du mois dans le Pense pas bête. L’éditorial, baptisé « Une foi par mois », se lit dans la rubriqueAugure qui permet d’annoncer le contenu du journal. Le dossier du mois, qui apparaît en première page, a un titre des plus convenus : A la Une. Le journal offre également un Biais qui se veut une conclusion du dossier ; l’objectif étant de prendre le contre-pied du dossier : c’est un contre-champ, selon D. Glez. La rubrique Mic-Mac, « déconseillé aux âmes sensibles », est une page légère où les citations de personnalités sont revues sous un regard caustique et dure. C’est la raison pour laquelle on peut y lire : « la rubrique de ceux qui devraient tourner sept fois leur langue dans leur bouche… ». En outre, on retrouve ici le portrait décalé des hommes politiques africains dans Zoographie (exemple avec A. Wade en annexes). Cette rubrique est surtout une page de trasition qui permet de faire le lien avec les articles traitant de l’actualité des pays cités plus haut. Le journal est ainsi un lieu de dénonciation et critique où la causticité des mots joue un rôle essentiel. C’est un remède que ce marabout peut délivrer, comme une sorte de gri-gri.

Notes
107.

Il s’agit d’une retraite effectuée par un marabout pendant laquelle il prie. Très souvent, ces prières sont, soit des méditations pour expier des fautes, pour se rapprocher de Dieu, soit pour essayer de trouver des réponses à une sollicitation d’une personne extérieure, pour guérir une maladie, ou pourquoi pas jeter un sort.

108.

Le Marabout , N°1, Octobre 2001