2-3-2/- Ce bienfaisant Gri-Gri

Evidemment, Gri-Gri est d’abord le nom du deuxième journal satirique panafricain qui nous intéresse. Le nom est emblématique puisque Le Gri-Gri est, au départ, une bande dessinée intégrée à La Griffe , journal satirique Gabonais. Pour son directeur de publication, c’est une sorte de revanche psychologique des opprimés sur les pouvoirs et ses hommes qui sont des charlatans qui ont pris l’Afrique en otage. Selon lui, les malheurs du continent viennent de ces hommes qui, appliquant une politique politicienne, doivent avoir des adversaires parmi lesquels on doit compter les médias et la presse satirique en particulier.

La particularité de ce journal a été de se détacher de son mentor, mais surtout d’être publié, depuis le mois de juillet 2001 en France, à Paris plus précisément. En effet, suite à un exil forcé de son fondateur et directeur, Michel Ongoundou, le satirique se (re)construit avec une association, un réseau de journalistes exilés en France. C’est un journal de huit pages qui passe en revue l’actualité africaine dans les rubriques et les sous-rubriques suivantes : à la première page, l’encadré 1 er Gaou (qui veut dire sot, niais, idiot, dans le langage des rues ivoiriennes 109 ) reprend les propos d’un homme politique à rebourse poil pour montrer l’incohérence du discours 110 Annoncée à la une également, on peut voir un autre dispositif de portrait décalé (à l’image de celui du Marabout , à la différence qu’ici il s’agit d’une photo et non d’une caricature) avec L’album du Sorcier (exemple en annexes) qui permet au Gri-Gri de montrer des photos d’archives, pour rappeler que plus d’une quarantaine d’années après la prise de ces clichés, ces personnages sont encore et toujours au pouvoir ; ces portraits décalés, en photo, qui « immortalisent les personnalités dans des postures plus ou moins avantageuses », comme ceux qui ont recours au discours linguistique sont à l’œuvre dans la rubriqueGrimaces, (un article jouxtant le portrait) et dans Gri-Grimbas(sujet variés), en page 7. Petites z’amulettes, qu’on peut appeler aussi amusettes ou allumettes, est une rubrique de brèves générales où on traite de « petites informations brûlantes et croustillantes, ainsi que de choses vécues ». Maraboutages, ou l’action d’envoûter en jetant un sort, est à comprendre d’un point de vue ironque : il s’agit de conjurer le sort par le recourt à un gri-gri, un marabout dont le statut ici est celui d’un psychologue, un psychanaliste, et non un jeteur de sort. C’est une rubrique réservée à des enquêtes et des reportages issus des pays africains. La dernière rubrique, en page 8 est un regard léger gai, et badin pour donner à rire : son nom est wolof Story, en référence, évidemment, à Loft Story :

‘« Rubrique lubrique ? Que non ! Ensemble de heurts, d’heurs et d’aventures parfois salaces, mais toujours réelles, qui surviennent aussi bien dans les chaumières que les châteaux d’Afrique » 111 .’

Sur le site, on peut aussi découvrir d’autres rubriques, qui ne sont pas régulières sur le journal papier, comme : Trait pour Trait (article phare de la page 3 refaisant le portrait d’une personnalité qui fait la grimace), Les Tribulations du Mollah Dollar (certainement en référence à O. Bongo), Harcèlement textuel (reprend des textes publiés ailleurs qui font l’objet d’admiration au Gri-Gri ), Foot Thèse (critique les événements liés au millieu du football), Book Emissaire (revient sur l’actualité de publications en termes de romans, essais ou recueils de poèmes), Odieux Visuel (critique les films ou les émissions de télévision), alors que Interniet et Choses vécues traitent du web et des aventures réelles.

Comme on peut le voir, entre amulette, maraboutage, gri-grimbas ou sorcier, le journal conserve, quasiment partout, la même logique de nomination de ses rubriques : le lien avec son nom. Mais, au-delà de l’amulette dont il est synonyme, (dans ce cas précis, c’est plus un porte-bonheur qu’un porte-malheur) il fait référence, comme l’indique son fondateur, à tous ces politiciens, charlatans, qui minent la vie politique africaine, des imposteurs qui exploitent la crédulité publique. C’est cet environnement menaçant (des journalistes sont souvent arrêtés par le pouvoir), des pays où le musellement et la corruption des médias les obligent à proclamer, haut et fort, leur démarcation, mieux leur indépendance.

Notes
109.

1 er Gaou est aussi le titre d’un single du groupe Ivoirien Magic System qui a connu ces deux dernières années un grand succès à la fois dans les capitales africaines et en France.

110.

Exemple paru au numéro 1 : « Privé de visite officielle en France pour cause d’élection pestilentielle, Laurent Gbagbo, le nouveau Crocodile de Cocody, a profité d’une visite privée à Paris, le mois dernier, pour se défouler sur son meilleur ennemi intime : « le problème d’Alassane Ouattara est qu’il pratique le vagabondage de nationalités. » Bien parlé Lolo ! Car si Alassane avait, comme toi (avec Bédié, Gueï et Ouattara, opéré un simple vagabondage d’alliances, il serait aujourd’hui président de la Côte d’Ivoire ».

111.

http://www.legrigri.net/wolof-story.php