CHAPITRE 3 : DECONSTRUCTION DU POLITIQUE

Les journaux satiriques africains, ou « satimédias » (néologisme inventé par La Griffe du Gabon) ont en commun d’être de plein pied dans le combat pour la démocratie sur le continent africain. Depuis une dizaine d’années, ils croquent la politique africaine à coup de caricatures féroces et de mots audacieux pour dénoncer les maux dont souffre la société. Avec des politiciens corrompus et une administration qui croule sous le poids de la mauvaise gestion,

‘« ces journaux sont tout simplement le reflet de classes politiques et sociales où le ridicule ne tue pas, où l’indélicatesse est la règle, où les hommes politiques ont si peu de respect pour la vie que leur caricature est souvent moins drôle que l’original »,’

selon le journaliste camerounais Eyoum Nganguè 131 Le monde politique et ses différentes institutions où se pratique inlassablement la langue de bois a, de tous les temps, été la cible désignée des satiristes. Mais lorsque la liberté d’expression est fragile, comme c’est souvent le cas en Afrique, c’est la porte grande ouverte sur des arrestations arbitraires dont les journalistes sont victimes. La prison, la fermeture de locaux ou la suspension sont autant de moyens d’intimidations, autant de droits que s’arrogent les pouvoirs publics pour museler les satimédias.

Dans son premier éditorial, Juste un mot, datant du 7 janvier 1992, le patron du Lynx , Souleymane Diallo relevait que 80% des articles de la loi sur la liberté d’expression en Guinée étaient répressif. La caricature d’Oscar qui accompagnait ce papier était d’un message très clair : un journaliste sur un chemin indiquant une seule direction, fléchée, qui mène directement à un bâtiment sur lequel on peut lire ce mot : Prison. Ainsi, exercer ce métier n’aurait pour aboutissement que le cachot pour le silence définitif :

‘« La démocratie du plus fort est toujours la meilleure…
Entre le marteau et l’enclume
Les plumes se barricadent derrière leur Une
La liberté y a laissé des plumes !
Journalistes incarcérés
journalistes assassinés
Les voix des sans voix tuées… », ’

dit la chanson d’Alpha Blondy 132 .

Entre ces vers du chanteur ivoirien dénonçant le meurtre de Norbert Zongo et l’alerte du fondateur du Lynx , nous sommes au centre de la préoccupation, de l’engagement politique et des entraves au métier de journaliste en Afrique que font jouer les politiciens. Alors, peut s’engager entre la presse et les pouvoirs politiques un combat dans lequel la presse satirique, va concentrer, très souvent, tout son poids critique sur le Président de la République.

Notes
131.

Presse satirique : la voix de l’avenir ?, in Les Cahiers du Journalisme, N°9, Automne 2001

132.

Journalistes en danger (démocrature), in album Elohim, 1999, collaboration avec Reporters Sans Frontières