3-2-2°/ L’opposition: Conté face à ses accusateurs ?

Nous avions soulevé précédemment un autre moyen de légitimation des critiques du Lynx sur le référendum : il consiste à accompagner l’opposition dans ses meetings pour, notamment vérifier l’argument suivant : la demande de prolongation du mandat présidentiel vient du peuple. Ainsi, la campagne de l’opposition est-elle annoncée dans la cartouchePolitique de la une numéro 486 du 16 juillet :

‘« La campagne contre le référendum a commencé. A Conakry, le prof Show de l’UFD mobilise pour le niet. Sira de l’UPR lui, débarque en Haute Guinée. Quel coup fourré ! »’

L’envoyé spécial du journal en Haute Guinée pour couvrir le déplacement d’un des leaders de l’opposition, en l’occurrence Siradiou Diallo, de l’Union pour le Progrès et le Renouveau (UPR) s’inscrit dans la suite logique de la dénonciation de manipulation reprochée au gouvernement et au Président de la République. Quoi de plus normal pour un journal satirique que d’aller aux sources de l’événement pour démontrer à quel niveau on fait une entorse à la norme ? Certes, tout l’article de Benn Pepito est important par les informations qu’il apporte, pour décrire l’atmosphère dans laquelle se déroule la manifestation. Mais, on peut facilement affirmer, sans risque d’erreur, que la réponse de la foule au rappel de son leader quant à la question de l’initiative qui serait de la population de la Haute Guinée, cette réponse est à la hauteur de la quête de tout journaliste satirique. En effet, selon le journaliste du Lynx .

‘« Sira de Novembre a pris plaisir à tourner en dérision tout le topo de la prolongation du mandat présidentiel. Il a demandé si les nounous de Faranah avaient réellement souhaité une prolongation du mandat de Fory Coco. Ces dernières se sont alors bruyamment esclaffées « A wouyya ! A wouyya ! » comme pour dire : c’est du mensonge ». ’

Et voilà que tombe le couperet populaire. Mais ce qui nous semble léger dans cette affirmation populaire, c’est le cadre dans lequel la réponse sonne. Nous sommes dans un meeting à l’appel de l’opposition. Il est évident qu’ici jamais la parole proférée ne peut être contraire à celle de l’opposition, et par conséquent tendre à l’égard du gouvernement et du référendum. C’est là toute la subjectivité du journal d’opinion comme la satire. Il fait le choix délibéré et clairement revendiqué de prendre une position, même si sommes tenté de la considérer comme la plus proche du Bien. Nous l’avions mentionné ailleurs, la satire va à l’assaut du mal et se construit toujours comme un discours critique, d’opposition. C’est cette constante opposition qui la fonde et la définit. Elle est vouée à la disparition dès lors que disparaît sa caractéristique de contre-pouvoir. Son institutionnalisation augure sa disparition. Que Le Lynx choisisse alors de torpiller le gouvernement et d’aller chercher toutes les preuves qui sont susceptibles de l’accabler, comme celles dont elle rend compte dans cet article, est ce qu’il y a de plus normal. C’est dans la revendication de sa subjectivité que réside son objectivité.

Toujours en Haute Guinée, mais dans la ville de Kankan cette fois, Le Lynx , par un autre envoyé spécial, Abou Bakr, va à la même pêche aux preuves de manipulation :

‘« A kankan où le mot de la chose a été balancé par la fondation Cocosette, la réalité du sous-développement est criarde. Cette ville qui Conte 92 milles âmes, ressemble à tout, sauf à une ville. Pas d’électricité, l’eau de robinet coule à gouttes comptées. La poussière, l’aridité du sol, la vétusté des infrastructures et la pauvreté extrême des gens est la première chose qui impressionne. Pour les Kankankas, il n’est pas question de soutenir une prorogation du mandat de Fory Coco dans ces conditions. « Vous-mêmes vous voyez l’état de notre ville. C’est comme si nous, nous n’appartenons pas à la Guinée . C’est même révoltant. Ici, ce sont les gens du PUP qui ont parlé de prorogation. Nous personne ne peut nous parler de ça. Ce que le gouvernement n’a pas fait pour nous depuis, c’est pas en prolongeant qu’il peut le faire » martèle un gars ».’

A l’image de l’accusation de ce quidam, toute la structure argumentative du Lynx et de l’ensemble des points de vue qu’il recueille, repose sur le fait que ce que L. Conté n’a pu faire en dix neuf ans de gouvernance (1984-2003), ne pourra pas être réalisé en sept. Par ailleurs, l’article que nous citons ici est déterminé par l’unique volonté de démontrer qu’une ville complètement abandonnée par un régime ne peut objectivement demander le maintien de ce même régime. Abou Bakr s’attache à observer seulement la ville, à écouter les plaintes de ses habitants pour montrer, encore une fois, que l’argument brandi par le pouvoir comporte des failles. Son titre, Haute Guinée , La Dé-Kankantation , est à l’aune du contenu de son compte rendu. Le jeu de mots entre le nom de la ville (Kankan) et la situation difficile dans laquelle elle se trouve (insinuée dans le mot décantation) affirme l’unique projet du journaliste qui est celui de la dénonciation de ce qui pourrait être considéré comme une tromperie, une supercherie. Mandiana, une autre ville de cette région, ne vit pas non plus le bonheur. Finalement, c’est un peuple oublié, abandonné, piétiné par le pouvoir, comme le montre la caricature d’Oscar qui accompagne l’article d’Abou Bakr, en page. 6 du numéro 490 :